Nous sommes en 2009 et Namco Bandai continue inlassablement de nous conter ses histoires fantastiques. Un an après le brillant Tales of Vesperia qui a inauguré le passage de la série à la nouvelle génération de consoles, l’éditeur est loin de se reposer sur ses lauriers, réussissant à innover encore et toujours en ouvrant un nouveau chapitre de sa saga sur Wii.
C'est donc la petite dernière de Nintendo qui sert de support à ce nouvel opus joliment baptisé Tales of Graces. Un choix pouvant étonner ceux qui voyaient l'avenir de la licence sur consoles HD, mais qui paraît logique quand on connaît le véritable succès rencontré par la machine de Nintendo au Pays du Soleil Levant. La Wii accueille donc son premier vrai Tales of, puisque Tales of Symphonia Dawn of the New World n'était qu'un escort title. Encore une fois, c'est d'un univers fantastique tout nouveau dont il s'agit, puisqu'on y découvre la planète d'Ephinea à travers les yeux d'un jeune chevalier prénommé Asbel Lhant. Le character design a été confié à l'illustratrice Mutsumi Inomata, responsable de la majorité des épisodes de la série, dont le style très poétique est mis en valeur par de nombreuses cinématiques signées par les studios Production I.G. Parmi ces dernières, on note l'indispensable introduction, accompagnée par la voix de la chanteuse BoA qui interprète son titre «Mamoritai ~White Wishes~» qu'on peut traduire dans notre langue par «Je veux te protéger».
Un titre qui colle à merveille avec le thème général de Tales of Graces, puisque la raison de vivre d'Asbel est de devenir constamment plus fort afin d'être en mesure de protéger les êtres qui lui sont chers. L'aventure commence durant l'enfance du héros, fils d'un noble seigneur et entouré de plusieurs amis parmi lesquels une mystérieuse fille nommée Sophie, apparemment amnésique et trouvée endormie dans un champ de fleurs. L'insouciance de leur jeune âge ne tardera pas à être rattrapée par la cruauté d'une guerre opposant les trois grands pays du monde, et c'est dans ce cadre que chacun décide de suivre sa propre voie. Devenu adulte, Asbel est désormais un chevalier confirmé et retrouve tous ses compagnons pour partir à l'aventure afin de lever la menace que fait peser le roi Richard sur l'équilibre de la planète. Longue, riche en péripéties et en surprises, l'histoire est avant tout basée sur les liens d'amitié entre trois protagonistes amenés à emprunter des chemins différents. Un poil cliché, mais sincèrement touchant.
Qui dit Nintendo Wii ne dit pas forcément maniabilité exceptionnelle : utilisant les fonctionnalités de la Wiimote, Tales of Graces n'a pas pris le risque de s'emmêler les pinceaux avec la détection de mouvements et propose une prise en main tout ce qu'il y a de plus traditionnelle, puisqu'il est aussi possible de jouer grâce à la manette classique Wii. En revanche, c'est le contenu même du jeu qui apporte de sacrées nouveautés et un réel vent de fraîcheur au sein de la série. Pour commencer, les déplacements entre chaque ville et donjon ne s'effectuent plus sur une carte du monde à échelle réduite mais bien dans des environnements à taille réelle qui renforcent l'immersion puisque les trajets sont non seulement plus longs, mais également plus riches en décor et en relief (rivières, collines, chemins tortueux...). Ces nombreux sentiers sont donc d'autant plus agréables à arpenter qu'ils contiennent des «découvertes», ces éléments allant du pommier aux jardins potagers dans lesquels on récupère de précieux objets, servant généralement pour cuisiner.
L'autre grosse nouveauté apportée par Tales of Graces est son système de combats. Si ce dernier évolue constamment d'épisode en épisode grâce à de petites optimisations, il prend ici une tournure assez inédite que l'on pourrait symboliser par deux mots : esquives et combos. Esquives, parce que les déplacements ultra-rapides permettent des rotations autour des ennemis afin de contre-attaquer en un clin d'œil. Le «speed-run» instauré dans Tales of the Abyss qui semblait révolutionner la série est ici rendu carrément obsolète. Combos, parce que le système d'attaques est propice à des enchaînements impressionnants. On retrouve la jauge de CC tirée de Tales of Destiny PS2 qui oblige les personnages à reprendre momentanément leur souffle entre chaque déchaînement de coups. Chacun peut en outre utiliser deux styles distincts de combat, des techniques physiques et des techniques magiques, d'où le nom «Style Shift Linear Motion Battle System» qui est assurément l'un des systèmes les plus aboutis des Tales of.
L'évolution même des combattants réserve quelques surprises puisqu'elle repose essentiellement sur la centaine de titres à glaner au fil des parties. Une fois assignés, c'est en enchaînant les victoires qu'on apprend progressivement à les maîtriser, débloquant ainsi diverses améliorations telles qu'un bonus d'attaque, de défense, une capacité spéciale permettant de voler des objets ou carrément de nouvelles techniques. C'est aussi grâce aux titres qu'on peut acquérir de nouveaux costumes pour relooker Asbel et compagnie selon les goûts de chacun. Si la garde-robe totale est moins généreuse que ne l'était celle de Tales of Vesperia, il est cependant possible de se rendre sur la Nintendo wi-fi Connection afin d'y faire quelques emplettes moyennant des Wii Points. Sont alors disponibles à l'achat davantage de costumes, dont certains piochés dans d'autres licences japonaises telles que Miku Hatsune ou The Idolmaster, mais également des objets rares ainsi que des Challenge Battles pour les joueurs qui se sentent l'âme de vrais guerriers.
Le contenu annexe n'est pas en reste puisque comme à l'accoutumée, on retrouve une pléthore de quêtes en tous genres s'appuyant essentiellement sur le système de synthèse d'objets. Le principe est très simple : une pomme et de la pâte, et vous obtiendrez une tarte aux pommes ! Applicables même aux armes, ces fusions permettent la création de plusieurs centaines d'objets différents qui témoignent de toute la richesse du jeu. Les grands fans de la série pourront en outre jouer à Tales of Magic Carta, dans lequel il faut reconnaître une cinquantaine de héros éparpillés sous forme d'images juste en entendant des citations connues. Un mini-jeu tellement jouissif que Namco Bandai s'est empressé de commercialiser une version matérialisée du deck de cartes ! Au final, Tales of Graces n'a rien à envier à son prédécesseur, puisqu'en compensant l'absence de réalisation HD par un système de jeu époustouflant, il s'impose comme une véritable réussite faisant honneur à la Nintendo Wii. Près de quinze ans après sa création, la recette Tales of est toujours aussi efficace !
- Graphismes18/20
Reprenant le style instauré par Tales of the Abyss – c'est-à-dire de la 3D sans cel shading – les graphismes se démarquent grâce aux mouvements bien plus variés des personnages, là où les précédents opus étaient plutôt rigides. Le reste n'est que délice visuel, qu'il s'agisse des décors sacrément jolis pour la Nintendo Wii ou des cinématiques animées toujours aussi belles.
- Jouabilité18/20
Si chaque opus Tales of apporte sa pierre à l'édifice en améliorant années après années le système de combats bien connu, certains le font de manière plus généreuse ; c'est le cas de Tales of Graces qui mise tout sur la vitesse et les enchaînements au risque de perturber les aficionados de la série. Par ailleurs, la carte du monde grandeur nature est un véritable plaisir à découvrir.
- Durée de vie17/20
Très longue, l'aventure promet une cinquantaine d'heures de jeu à laquelle viennent s'ajouter les innombrables quêtes annexes, mais surtout la douzaine de boss supplémentaires qui assurent une durée de vie conséquente. Les moins belliqueux prendront quant à eux plaisir à découvrir les quelques mini-jeux proposés et surtout à compléter leur collection de cartes Tales of Magic Carta.
- Bande son18/20
«Chaque Tales of nous offre une bande-son magnifique». Décidément, cet ancien proverbe japonais est toujours d'actualité, puisque les musiques composées par Motoi Sakuraba alternent avec justesse entre douceur et dynamisme. Saluons également l'excellent travail des doubleurs qui offrent à Pascal un ton déjanté en permanence et à Sophie une voix feutrée irrésistible.
- Scénario16/20
Si les évènements principaux de l'histoire mettent plus de quinze heures pour se mettre en place, c'est parce que les scénaristes ont jugé bon de transporter le joueur dans l'enfance des héros afin de les rendre attachants et d'illustrer la naissance de l'amitié au centre même du jeu. Les relations entre les protagonistes sont ainsi mises en relief comme peu de Tales of l'ont fait auparavant.
Le Nintendo GameCube avait eu l'excellent Tales of Symphonia, la Nintendo Wii a désormais le sublime Tales of Graces. Mêlant habilement la frénésie des combats à une aventure épique dont les thèmes principaux sont l'amitié et la volonté de protéger ses êtres chers, le douzième épisode de la série est une véritable réussite à tous les niveaux. C'est d'ailleurs sans tarder que Namco Bandai décidera de créer un portage PlayStation 3 qui proposera un épilogue dans le futur d'où ce nouveau titre : «Tales of Graces f»…