Après un développement tumultueux et une adaptation PC qui a pris tout son temps, I Am Alive a fini par trouver son chemin vers nos machines. "Survival sans l'horror", le titre d'Ubisoft Shanghai vous offre une plongée dans une apocalypse toute poussiéreuse. Quelques détails concernant cette version PC sont disponibles dans le dernier paragraphe du corps de texte.
Un an après l'événement désigné comme le "Choc", Adam revient dans sa ville d'origine, Haventon, dans l'espoir de retrouver sa femme et sa fille au milieu des décombres. Ce qu'est le Choc, vous ne le saurez jamais, mais ça devait être un chouia plus grave qu'un barbecue allumé à l'essence à briquet qui a mal tourné. D'Haventon, et du reste de la planète, il ne reste que des ruines. Des immeubles effondrés empilés les uns sur les autres, des gouffres béants au milieu des avenues, des bateaux échoués en plein milieu d'une place, le décor de fin du monde est planté. Un décor baigné d'un brouillard lourd et bas composé d'une poussière mortelle qui a la fâcheuse habitude de polluer le sol sur plusieurs mètres de hauteur et surtout, de vous aveugler comme une grosse purée de pois.
Adam cherche donc sa famille et bien évidemment, quand il arrive à son ancien appartement, il ne la trouve pas, cette dernière étant partie rejoindre un camp de réfugiés dont la localisation est gardée secrète. Ce qui ne va pas empêcher Adam de faire quelques rencontres amicales dont on taira le détail. I Am Alive est un survival, ce qui ne vous aura sans doute pas échappé. A ce titre, on incarne en toute logique un personnage certes athlétique, mais pas infatigable et surtout pas immortel. Une balle bien placée et vous êtes mort, deux ou trois coups de machette et vous serez au sol, à moins de disposer de quelques ressources pour vous soigner, ressources relativement rares, souvent planquées et, pour certaines, placées dans des recoins difficiles d'accès et dangereux. Le gameplay de I Am Alive se scinde globalement en deux aspects principaux : l'exploration et la gestion de votre endurance, et le combat qu'il faut appréhender avec précaution.
Tout au long de l'aventure, vous serez amené à traverser la ville dans tous les sens, la map semi-ouverte pouvant être parcourue plus ou moins librement dans la limite imposée par le level design. Le premier obstacle à la progression sera la poussière mortelle qui envahit le sol. Non seulement elle vous empêche d'y voir quoi que ce soit à plus de 3 mètres mais, en plus, elle fait chuter votre endurance en permanence, jusqu'à l'épuisement fatal. Il faut donc aussitôt que possible prendre de la hauteur en grimpant. Et accessoirement éviter de se perdre dans ce brouillard en remerciant la carte. Très accidenté, le terrain vous contraint régulièrement à faire des détours et surtout à escalader, beaucoup. Immeubles, ponts, rames de métro suspendues, cages d'ascenseur, Adam grimpe partout comme un descendant des héros d'Assassin's Creed. Et les développeurs n'hésitent pas à vous faire quelques frayeurs, ne serait-ce qu'en vous laissant prendre conscience des hauteurs qu'on peut atteindre ou surtout en laissant au joueur une certaine liberté dans l'ascension. Quand vous devez atteindre un point, il n'y a certes qu'un seul chemin correct pour y parvenir, mais ça n'est pas le seul chemin qu'on peut emprunter. En d'autres termes, on peut se planter de direction si on ne fait pas attention. Or, le truc à préciser, c'est que dès le moment où vous vous suspendez, votre endurance diminue et plus vite encore à chaque mouvement effectué. Donc, aller dans la mauvaise direction, c'est se fatiguer pour rien. Pour éviter la chute, on trouve 3 solutions. Soit on consomme une ressource pour se requinquer, soit on plante un piton (si on en a un) pour se créer un point de repos, soit on pratique l'effort intense si on est proche d'une plate-forme et qu'on est à bout de forces. L'inconvénient de l'effort intense étant qu'il diminue de façon permanente votre capacité d'endurance (la taille de la jauge) qui ne se renouvellera qu'après avoir consommé des ressources spécifiques.
L'escalade a donc de quoi vous filer quelques coups de stress, quand on commence à voir sa jauge d'endurance virer au noir à 90% et qu'on est paumé au milieu de la façade d'un gratte-ciel ou suspendu au-dessus d'une rangée de barres de fer dépassant d'un pilier brisé, on sent venir la grosse gamelle pas propre. Mais l'exploration n'est pas la seule source d'inquiétude, il y a aussi ce qu'on trouve sur son chemin. Tout le monde n'a pas pu quitter les lieux et tout le monde n'est pas forcément amical. I Am Alive gère ces rencontres d'une façon assez originale. Si trouver de quoi se soigner n'est pas trop difficile, au moins à petites doses, les munitions sont elles nettement plus rares. Suffisamment pour qu'il ne soit pas utile de vous expliquer que tirer à tout va n'est pas une bonne idée. Pour tout dire, en 6 heures de jeu environ, on se promène la plupart du temps avec deux balles en moyenne (et une flèche). Selon les cas, il y a plusieurs façons d'envisager les combats.
La base, c'est la menace. Même avec une arme vide, on peut dégainer, ce qui provoque un passage en vue subjective très bien senti, et tenter d'intimider l'adversaire. Un truc qu'on ne fait pratiquement jamais en fait, comme si cette idée avait été implémentée dans le jeu d'origine, pour ne pas être exploitée dans la version "light" qui a finalement vu le jour. Plus fréquemment, on aura une ou deux bastos dans le chargeur, pas suffisantes pour venir à bout des 4, 5, ou même 6 gus qui vous font face. Quand on tombe sur un gang, Adam lève les bras et tente de calmer le jeu pendant qu'il s'approche. On en profite pour repérer qui porte une arme à feu, qui sera parfois vide, et on attend qu'un des baltringues s'approche suffisamment pour lui trancher la gorge d'un coup de machette avant de dégainer et de tirer sur le porte-flingue. Tout en braquant les mecs qui restent, assez souvent avec une arme qui ne leur fera pas courir grand risque puisqu'elle est à sec, on file vers le tireur pour prendre ses munitions avant que l'un d'eux ne le fasse. Au bout d'un moment, il est alors possible qu'une grande gueule ne vous soupçonne de bluffer et commence à la ramener. Descendez-le, ça calmera les autres. Il ne vous reste qu'à en faire reculer un jusqu'au bord d'un trou ou d'un feu pour le pousser dedans. Là, normalement, tout le monde sera calmé et se rendra.
Les combats se déroulent donc comme une partie de poker. On ne sait jamais trop ce qui va se passer, parfois on a manqué d'attention et pas vu le type qui arrive par la gauche ou même par-derrière pour nous assommer, d'autres fois on ne fait pas gaffe pendant qu'un malotru ramasse une arme au sol ou alors on n'a simplement pas vu qu'un des types armés a décidé de ne pas attendre et vous tire dessus à la première occasion. En somme, même si on pige vite le principe et que le système est un peu répétitif, la moindre boulette peut vous être fatale. Un mouvement de trop et on gaspille nos munitions par exemple. Et dans le dernier tiers du jeu, des ennemis équipés de gilets pare-balles vous obligent à faire un headshot. Et puis, que les combats se montrent redondants n'est pas vraiment un problème, le jeu est suffisamment court pour qu'on n'ait pas franchement le temps de se lasser, et on ne se bat pas toutes les 4 minutes. En outre, on apprécie que le fait de tirer sur quelqu'un retrouve un peu de sa réalité dans I Am Alive. Surtout quand la victime n'est que blessée et qu'on vient la finir à la machette.
On ne rencontrera toutefois pas que des colériques souhaitant en découdre. On croise également le chemin de pauvres quidams qui cherchent à se défendre, on se contentera alors de passer chemin. Mais il arrive aussi que l'on tombe sur des survivants dans le besoin. En leur offrant des ressources, nourriture, kits de soins ou autres, on obtiendra un petit bonus : les tentatives. Chaque chapitre comprend un bon nombre de checkpoints. A chaque mort, on réapparaît à ces points de contrôle, mais on perd une tentative. Un fois qu'on les a toutes perdues, on reprend le chapitre au début. Aider les survivants permet d'en gagner de nouvelles. C'est sur cette base que reposent les deux niveaux de difficulté de I Am Alive. En mode Normal, on démarre chaque segment avec un minimum de 3 essais, en mode Survie, il faudra tous les gagner.
Mais malgré ces petits moments de vie sociale, on passe tout de même le plus clair de son temps seul, à profiter de l'ambiance du jeu. Quand on se refait le film de notre partie, on se dit que le gameplay ne manque pas de redondances et qu'on fait un peu toujours la même chose pendant ses 6 petites heures. Mais en cours de route, on ne s'en soucie pas vraiment. I Am Alive parvient à varier les environnements et surtout à jouer sur l'ambiance pour occuper l'attention. Que l'on évolue dans le brouillard pratiquement à l'aveugle, que l'on crapahute dans les égouts ou que l'on soit perché au sommet de ce qui reste d'un immeuble, l'atmosphère pesante des ruines d'Haventon nous colle à la peau. Une fin du monde joliment retranscrite. On pourra toujours arguer que le style graphique est là pour masquer les limites techniques, le fait est que ça marche. Le jeu est presque constamment baigné d'une lumière crue qui rend les environnements pratiquement monochromes, la poussière est partout, justifiant sans problème la distance d'affichage réduite, et avoir su faire de l'environnement un adversaire à part entière permet de garder le joueur sur ses gardes en permanence. L'apocalypse dans les jeux vidéo, on en mange et on en remange, mais I Am Alive lui redonne son cachet, sans mutants et sans gangs importés de Mad Max. Juste quelques clampins paumés et une poignée de voyous.
Malgré tout, le jeu n'est pas sans défauts, on a déjà mentionné son côté un peu répétitif, qu'on pardonne facilement, on peut ajouter quelques imprécisions dans les phases d'escalade, Adam ayant tendance à mal négocier les embranchements et à filer dans le mauvais sens si on ne cale pas le stick pile-poil dans la bonne direction. Globalement, on sent de plus que le jeu a été tronqué pour changer de forme avec des éléments finalement peu exploités (notamment un type d'ennemis portant un casque qu'on ne rencontre qu'une fois en fin de jeu). Mais le plus gros reproche que lui adresseront les habitués du survival sera cependant sa relative facilité. On manque rarement de ressources pour se soigner, ce qui permet d'éviter pas mal de décès. On recommandera donc à ces derniers d'opter directement pour le mode Survie. Un point qui est d'autant plus flagrant sur cette version PC à laquelle Ubisoft a eu l'idée saugrenue d'ajouter un mode Facile avec tentatives illimitées. On déconseille fortement de s'y aventurer tant la chose dénature le jeu. Non seulement cela supprime tout stress mais l'intérêt de venir en aide aux survivants devient quasi nul, à moins de vouloir sacrifier ses ressources par pure bonté d'âme. En outre, malgré presque 8 mois d'attente, on regrette que le défaut le plus agaçant du jeu, à savoir les imprécisions dans l'escalade, ne soit toujours pas corrigé, qu'on joue au clavier ou au pad. Ca ne change rien au jeu original qui souffrait déjà de ce problème, mais on se demande décidément pourquoi Ubisoft prend autant de temps à sortir ses versions PC, si ce n'est pour travailler quelques effets de lumières plus appuyés ici et là... et oublier de rendre le jeu compatible avec le SLI ou le Crossfire. Peu importe que la chose ne fasse pas gagner en performances, le véritable souci, c'est que cette lacune cause des problèmes de lancement, de stabilité ou de perf et il faut donc aller les désactiver pour éviter les ennuis. En outre, si on aime toujours autant le design, les filtres graphiques et l'esthétique générale, certaines textures (les véhicules notamment) ou les cheveux en plastique auraient bien mérité un petit réhaussage à l'occasion de ce portage.
- Graphismes13/20
Le style graphique "cradingue" peut dérouter, mais on aurait tort de crier bêtement au simple cache-misère venant masquer les faiblesses techniques. Les filtres graphiques sont intelligents et participent à l'ambiance et au gameplay, en limitant la capacité d'anticipation. Une bien jolie fin du monde mais qui aurait profité d'une ou deux retouches à l'occasion de cette sortie, certaines textures font peine à voir sur un écran PC et un jeu d'un gros éditeur qui plante avec des cartes en Crossfire ou SLI, ça pique un peu, le passage dans les options de la carte est recommandé.
- Jouabilité15/20
Malgré quelques imprécisions dans l'escalade, la prise en main est simple, intuitive et rapide. Avoir utilisé l'endurance autrement que pour limiter la capacité à courir permet au jeu d'avoir comme antagoniste principal l'environnement, ce qui est une idée plaisante. On regrette simplement l'aspect un poil répétitif de l'ensemble.
- Durée de vie14/20
Comptez grossièrement 6 heures pour atteindre la fin de l'aventure, avant de voir votre sauvegarde être cruellement supprimée (oui, carrément). Une durée qui peut varier selon votre tendance à explorer chaque recoin bien planqué et améliorer votre score final. Pas mal pour un jeu en téléchargement. Le nouveau mode Facile est à proscrire.
- Bande son16/20
La plupart des thèmes musicaux sont très discrets, mais savent souligner l'action efficacement avec des lignes de cordes stridentes pour les moments de panique ou des percussions "cardiaques" sur les temps de repos. Les doublages, en anglais uniquement, sont excellents.
- Scénario14/20
Le scénario n'est pas super épais, mais l'ambiance prenante se charge de faire le boulot. Et puis le post-apo sans mutants et sans mecs en cuir avec des pieux en fer sur les épaules, ça change.
Si I Am Alive était sorti, en l'état, en boîte, on l'aurait sans doute accueilli avec moins de bienveillance, mais en téléchargement pour une quinzaine d'euros, il remplit très bien son office et se fait pardonner ses quelques lacunes (techniques notamment). Avec une chouette ambiance et un gameplay bien ficelé, il devrait séduire les amateurs de survival tout autant que les curieux. On regrette toutefois qu'après une telle attente depuis la sortie sur consoles, aucune réelle amélioration ne soit proposée aux joueurs, en dehors d'un mode Facile inutile qui flingue carrément l'esprit survival. Heureusement que les deux modes d'origine sont toujours là.