Injustement privés de la version PS3 de Tales of Vesperia pourtant sortie au japon, les fans européens de la saga «Tales of» vont enfin pouvoir se rattraper avec la venue de l'un des épisodes les plus appréciés de la série. Bien que conçu à l'origine sur Wii, Tales of Graces f s'est offert un joli lifting HD et un contenu enrichi pour inciter les joueurs PS3 à succomber à ses charmes. Une initiative dont on ne se plaindra pas puisque la version Wii n'était jamais sortie en Occident et qu'il s'agit donc pour nous d'un opus complètement inédit.
Que faire lorsque votre meilleur ami devient votre pire ennemi ? Futur héritier du titre de seigneur de Lhant, le jeune Asbel se souvient encore du pacte d'amitié qu'il avait scellé, à 11 ans, avec le prince Richard, alors qu'il ignorait jusqu'à son rang. La colline couverte de fleurs qu'ils arpentèrent ensemble fut le témoin de leur rencontre avec une étrange jeune fille amnésique qu'Asbel et son frère Hubert prirent sous leur aile et baptisèrent Sophie, en raison de la fleur Sopheria qui la fascinait tant. Et puis tout bascula. Le sort prit la vie de la jeune fille dans des circonstances encore troubles dans la mémoire d'Asbel qui fut ensuite brutalement séparé de son cadet adopté par une famille étrangère alors que tous deux ignoraient qu'ils étaient sur le point de devenir orphelins. Et tandis que la guerre faisait mine d'éclater entre les royaumes rivaux, l'apprenti chevalier qu'était devenu Asbel ne put rien faire pour empêcher Richard de basculer dans les ténèbres.
Le scénario de Tales of Graces f n'a finalement qu'un seul défaut, celui de se mettre en place si lentement que les moins patients pourraient bien avoir la mauvaise idée de décrocher avant la huitaine d'heures nécessaire pour que le soft ne commence à révéler tout son potentiel. L'enfance d'Asbel et ses compagnons nous est contée pendant toute la première partie du jeu, et si le ton est encore bien naïf au vu des événements à venir, ce n'est rien à côté de la frustration que le joueur ressent face au gameplay bridé qui lui est imposé. On ne peut pourtant pas reprocher au titre de prendre son temps pour nous laisser assimiler les bases d'un système de combat qui n'aura de cesse de se complexifier tout au long du jeu, mais ce n'est que lorsqu'ils auront atteint l'âge adulte que nos héros seront en mesure d'exprimer toute leur impétuosité. Une fois l'ensemble des éléments de gameplay pris en compte, les joutes de Tales of Graces f se hissent sans problème parmi les plus ardentes que l'on ait vues dans la série. Autant dire que cela vaut la peine de se laisser guider durant près d'une dizaine d'heures pour profiter pleinement de ces batailles enflammées par les nobles sentiments de nos héros et leurs talents de combattants sans pareil.
Toute la richesse et la subtilité du système de jeu résident finalement dans la manière dont Tales of Graces f réussit à introduire deux styles de combats bien distincts pour chaque personnage, mais que l'on peut combiner librement au gré de notre inspiration de duelliste. Les Artes se classent désormais en deux catégories (A ou E) et sont affectés à deux boutons qu'il est possible, comme dans les autres volets, d'associer aux directions du stick pour exécuter une très grande diversité de techniques à distance ou au corps-à-corps. Mais si le joueur particulièrement inspiré peut vite se laisser aller à réaliser des ballets martiaux défiant l'imagination, il doit tout de même prendre en compte une donnée cruciale qui limite le nombre de coups consécutifs qu'il a le droit d'enchaîner. Il s'agit donc d'un quota de PE qu'il faut apprendre à entretenir sans pour autant rester inactif, de manière à s'économiser au bon moment tout en ne laissant aucun répit à l'ennemi. Par exemple, un simple pas de côté pour esquiver l'attaque d'un adversaire suffit à recharger ce quota de points pour ensuite placer une contre-attaque dans le dos. Mais il existe encore bien d'autres moyens de remonter ses PE, le plus important étant de ne jamais se retrouver à cours, sous peine de s'exposer à une punition immédiate.
Lorsque les combats s'éternisent, un autre paramètre important entre en jeu via la jauge d'Eleth située à gauche de l'écran. Celle-ci se remplit plus ou moins vite selon les actions effectuées par les deux camps, la partie bleue étant réservée aux alliés et la partie rouge aux adversaires. Une fois chargée, elle se traduit soit par une explosion d'Eleth, soit par un chaos d'Eleth, venant respectivement favoriser votre équipe ou vos ennemis. Chaque camp dispose alors d'un certain nombre d'effets positifs qui peuvent facilement faire basculer le déroulement du combat en l'espace de quelques secondes. Un court laps de temps qui peut également être mis à contribution pour libérer la puissance des Mystic Artes, ces fameuses techniques spéciales à la fois redoutables et visuellement incroyables réservées aux boss et aux personnages principaux, et dont le nombre dépasse celui rencontré habituellement dans la série. Mais ce sentiment de surpuissance temporaire ne doit en aucun cas vous faire oublier la donnée la plus importante du système de combat, à savoir l'exploitation des points faibles de vos adversaires. Clairement indiquées à l'écran, ces failles bien spécifiques sont le meilleur moyen de percer la défense de l'ennemi, moyennant l'utilisation d'une attaque ayant la propriété adéquate. Une bonne connaissance de nos Artes permet ainsi de frapper plusieurs points faibles dans un seul combo, grâce au soutien de nos alliés et à une vraie diversité dans nos enchaînements, décuplant ainsi les dommages qui sont infligés à la cible. Une trouvaille véritablement géniale qui est au cœur des affrontements, du début à la fin du jeu !
En plus d'être à la fois exaltant et novateur, le gameplay de Tales of Graces f est soutenu par un système d'acquisition de compétences tout à fait pertinent. Dans cet épisode, l'obtention de nouvelles capacités passe désormais par les titres, qui changent à la fois le statut du héros, ses stats et la liste des techniques qu'il est en mesure de développer. Les CP gagnés en combat servent ainsi à débloquer une quantité astronomique de pouvoirs et autres bonus susceptibles de renforcer les talents des personnages tout en enrichissant leur éventail d'Artes disponibles. Il existe plus d'une centaine de titres à débloquer pour chacun de nos alliés, la plupart devenant accessibles dès lors que vous utilisez régulièrement et judicieusement tel ou tel type d'attaque, d'autres ne pouvant être obtenus qu'au gré du scénario ou par des moyens détournés. Autant dire que la quantité de CP requis pour déverrouiller l'ensemble des compétences offertes par les titres est hallucinante. Alors pour nous aider à développer plus rapidement le potentiel de nos héros, le soft nous invite à venir en aide aux NPC en consultant régulièrement les requêtes qu'ils affichent sur le panneau des auberges locales. Si vous disposez des éléments recherchés, vous pouvez ainsi rapidement engranger des tonnes de CP, la plupart des requêtes pouvant être menées à bien grâce à la synthèse.
Et voilà une autre composante indissociable du système de jeu de Tales of Graces f. Comparable à de l'alchimie, la synthèse consiste à mixer différents objets pour les fusionner afin d'en concevoir de nouveaux. Le craft prend rapidement tout son intérêt dans cet épisode, au point de venir une véritable drogue, tant il existe d'items différents à créer. On peut aussi bien synthétiser des ingrédients pour obtenir des plats cuisinés, que des matériaux pour débloquer de nouveaux objets, ou même des fragments destinés à améliorer les armes qui seront ensuite trempées. Mais les adeptes de la synthèse auront vite à cœur de produire davantage d'objets qu'ils ne peuvent en trouver, et cela est rendu possible grâce au pot d'Eleth dont la capacité s'accroîtra au fil de la partie. En plaçant un certain type de matériau à l'intérieur, et à condition que la charge d'Eleth soit suffisante, vous pourrez produire régulièrement de nouveaux exemplaires de ce matériau, certains étant évidemment plus difficiles à obtenir que d'autres. Ce n'est d'ailleurs pas la seule fonction du pot d'Eleth qui peut aussi cuisiner des plats automatiquement durant les combats pour nous aider à tenir bon, ou abriter des sortes de grimoires dont les effets vous permettront de personnaliser encore plus votre expérience de jeu.
Il y a finalement tellement de choses à accomplir dans Tales of Graces f que la cinquantaine d'heures nécessaire à la découverte de sa trame principale défile à une vitesse improbable. Si les requêtes ne vous suffisent pas, vous trouverez, en cherchant bien, une tonne de quêtes annexes à effectuer en marge de l'histoire. L'exploration de l'atlas nous amène aussi souvent à faire des découvertes qui sont compilées dans une encyclopédie dédiée, ce qui n'est pas sans rappeler le concept du grand Skies of Arcadia. Déjà soutenu par une majorité de cut-scenes classiques agrémentées parfois de superbes cinématiques animées dans les moments forts, le scénario est aussi considérablement enrichi par la profusion de «skits». Ces petites scénettes ont beau être insolemment nombreuses (plusieurs centaines sur l'ensemble du jeu), il serait d'autant plus regrettable de les zapper qu'elles révèlent une quantité de choses intéressantes sur les relations entre les personnages, tout en approfondissant leur caractère. Toutes sont intégralement doublées en anglais et sous-titrées en français, on les visionne donc avec un réel plaisir même si on ne peut pas s'empêcher de déplorer l'absence, une fois encore, des voix japonaises originales.
Et si l'aventure n'est toujours pas assez longue pour vous, sachez que la version PS3 comporte deux bonus de choix. Le mode Défis des Grâces débouche sur une flopée de nouveaux affrontements destinés aux joueurs les plus aguerris. Quant au mode Lignée & Héritage, il s'agit carrément d'un scénario supplémentaire s'étalant sur une bonne dizaine d'heures et venant prolonger l'histoire en nous relatant les événements qui se déroulent six mois après la fin du jeu. Non content de nous en apprendre plus sur le devenir de nos héros, cet épilogue insuffle encore de nouvelles composantes très intéressantes dans le gameplay, comme l'Accel mode qui ouvre à Asbel d'autres perspectives d'action. Rien n'a été laissé au hasard dans Tales of Graces f, jusqu'aux bonus offerts avec l'édition européenne qui comptent un échantillon de l'OST, un DVD making of, un code pour des costumes à télécharger et un superbe artbook qui rend hommage au joli travail réalisé par l'illustratrice Mutsumi Inomata. On remerciera donc Namco Bandai du soin accordé à cette version européenne, en espérant que plus jamais nous ne serons privés de la sortie d'un nouveau «Tales of» dans notre pays.
- Graphismes13/20
Même si les graphismes ont été retravaillés à l'occasion de cette version HD, il ne faut pas oublier que Tales of Graces f a d'abord été réalisé sur Wii, et cela se voit. Heureusement, le charme opère très vite, notamment grâce au character design efficace qui rattrape le côté daté de la réalisation.
- Jouabilité18/20
On atteint le point culminant de ce que l'on peut obtenir en matière de combat dans un «Tales of». Certes, il faut se montrer patient avant que le gameplay ne prenne toute sa dimension, mais le bonheur est alors à portée de main. Le soft regorge de trouvailles géniales, comme l'exploitation des points faibles de l'ennemi, la complémentarité entre les deux types d'Artes, l'obtention des compétences par les titres ou encore la synthèse d'objets.
- Durée de vie18/20
A la bonne cinquantaine d'heures nécessaire pour voir l'issue de la trame principale s'ajoutent toutes les quêtes annexes et les défis optionnels, sans compter l'épilogue bonus propre à la version PS3 qui nous permet de découvrir, pendant une dizaine d'heures, le devenir de nos héros.
- Bande son16/20
Sans surprendre outre mesure, les compositions sont toujours aussi soignées et font honneur à la série. Les voix anglaises (imposées) sont réussies et toutes les «skits» (scénettes entre les personnages) sont doublées. Le soin accordé à la version occidentale est indéniable, ce qui a dû entraîner un très gros travail de localisation puisque tous les textes sont également traduits dans notre langue.
- Scénario16/20
Les premières heures de jeu dédiées à l'enfance des personnages se justifient complètement si l'on veut apprécier l'histoire dans sa globalité, même si ce n'est pas la partie la plus palpitante du jeu. La naïveté qui s'en dégage fait bien ressortir la noirceur de la période qui s'ensuit, Asbel et ses compagnons n'étant décidément pas épargnés par le destin. L'épilogue bonus vient compléter l'histoire à merveille puisqu'on y voit nos héros s'interroger sur ce que leur réserve l'avenir.
Nous avons bien failli passer à côté de l'un des meilleurs épisodes de la série «Tales of», ce qui serait arrivé si Tales of Graces f n'avait pas été adapté sur PS3 après son passage remarqué sur Wii au Japon. Bien que terriblement lent à se mettre en route et visuellement dépassé, cet opus renferme un système de combat réellement fabuleux et des tonnes de trouvailles de gameplay sympathiques qui rendent l'expérience de jeu passionnante. Sans oublier son histoire vraiment touchante et ses protagonistes marquants.