Alors qu'une avalanche de tower defense sans âme déferle actuellement sur toutes les plates-formes de téléchargement possibles et imaginables, les développeurs français d'Okugi Studio nous proposent un titre singulier dans un univers particulièrement envoûtant.
Généralement dans un tower defense, le joueur doit empêcher une colonne de chars ennemie d'atteindre une caserne ou une horde d'orques enragés de massacrer des innocents. Il place avec minutie ses mitrailleuses, ses missiles et ses lance-flammes dans les décors, et en quelques minutes, l'écran ressemble à un véritable remake de la Seconde Guerre mondiale ou de la Bataille pour la Terre du Milieu. Dans Shad'O néanmoins, point d'engins de guerre ni de trolls cependant. Se réveillant totalement amnésique, le jeune garçon dont on suit les aventures doit en fait recouvrer la mémoire en sauvant ses souvenirs symbolisés par la lumière de l'oubli matérialisé sous forme d'ombre.
Concrètement, chaque combat se déroule sur une carte représentant un environnement autrefois familier (une chambre, une ville, etc). Recouvrant non seulement les décors mais aussi les routes empruntées par nos adversaires, un épais brouillard de guerre nous empêche de placer nos unités comme bon nous semble. Heureusement, quelques points de lumière nous permettent de placer nos premières créatures et de repousser petit à petit avec leur aide les ténèbres alentours. Au fur et à mesure que la carte se dévoile et que nos collecteurs engrangent des cristaux, le joueur peut recruter de plus en plus d'alliés et semer d'embûches le parcours des forces obscures. Répartis en trois classes seulement (Tireurs, Projecteurs, Frappeurs), ceux-ci manquent clairement de variété dans les niveaux inférieurs mais on peut acheter deux améliorations pour chacun d'eux et débloquer six autres classes par la suite. Comme d'habitude, chaque type d'unités a ses propres spécificités. Les Projecteurs blessent par exemple des groupes entiers d'ennemis mais sont inefficaces contre les unités blindées. Inversement, les Frappeurs brisent les armures des unités blindées mais ne font que ralentir les autres. Les Docs redonnent de l'énergie aux créatures blessées tandis que la Taupe peut être déployée dans le brouillard, etc.
Assez classique dans leur déroulement, les parties se composent d'une succession de vagues d'ennemis de plus en plus puissants. Certains d'entre eux volent pour échapper aux attaques terrestres, d'autres endommagent nos créatures en tirant dessus ou en criant. Ils peuvent tous se dissimuler dans le brouillard de guerre mais, cachés ou pas, ils sont obligés de suivre des routes prédéfinies pour aller attaquer le souvenir que l'on cherche à protéger. On prendra donc soin de bien disposer nos unités aux points les plus stratégiques de leur parcours. Généralement un groupe de Projecteurs assistés de Frappeurs et soutenus par un Doc fait des merveilles au creux d'un virage. Trop diront les mauvaises langues puisqu'il est pratiquement possible de finir le jeu sans s'encombrer des autres types d'unités. Il faut juste veiller à ne pas se laisser déborder par les ombres volantes en invoquant de temps en temps quelques Tireurs ou de puissants Arc-en-ciels rebondissants.
Un peu décevant en termes de stratégie, Shad'O ne manque pourtant pas d'idée pour varier les plaisirs. Tout d'abord, après chaque souvenir retrouvé pour la première fois ou pour la seconde en mode Cauchemar, le joueur a le choix entre débloquer une amélioration de créature ou apprendre un sort. Une fois de retour sur le champ de bataille, le joueur peut alors optimiser ses créatures en dépensant des cristaux ou lancer un sort avec l'énergie récupérée sur le cadavre de ses adversaires. Tremblement de terre, soin, levée du brouillard... le coût et les effets des différents pouvoirs sont très variés mais là encore, le stratège averti n'en utilisera que deux ou trois tout au long de sa progression. Shad'O propose aussi des variantes de gameplay très sympathiques qu'on aimerait retrouver plus souvent dans les tower defense. Ici, on doit piocher des cartes pour produire aléatoirement nos créatures, là, on ne peut en allumer qu'une seule à la fois. C'est très amusant et nous change de la routine habituelle. Par ailleurs, des combats épiques contre des boss monstrueux nous obligent à utiliser nos créatures non seulement comme moyens de défense mais aussi, et surtout, comme unités d'attaques. Les boss disposent de pouvoirs spéciaux susceptibles d'atteindre toute la carte et leur réserve de vie est assez impressionnante.
Aventure solo entièrement scénarisée, Shad'O ne se contente pas de mettre en scène une succession de combats, il nous conte une véritable histoire. Certes, les cinématiques ne sont guère impressionnantes et le doublage est plutôt raté mais après avoir fait connaissance avec le petit héros du jeu, on a rapidement qu'une envie : l'aider à retrouver ses souvenirs pour comprendre ce qui lui est arrivé. L'ambiance onirique teintée de mélancolie qui se dégage de l'ensemble est réussie et en dépit de la pauvreté des graphismes, l'immersion est garantie. Le revers de la médaille, hélas, c'est que sans mode Multijoueur ni mode Survie, la durée de vie de Shad'O est plus courte que la plupart des tower defense. On peut certes refaire chaque niveau en mode Cauchemar et tenter de voir la vraie fin de l'intrigue mais une fois que l'histoire est bouclée, on n'a aucune envie d'y retourner. Au final, Shad'O est donc un jeu de stratégie honnête et certainement plus original que ses concurrents mais son manque de profondeur et de contenu l'empêcheront probablement de satisfaire pleinement les fans du genre.
- Graphismes13/20
Le design est plutôt inspiré mais on est plus proche d'une application portable que d'un jeu PC. Les décors sont vides, les cinématiques ne cassent pas trois pattes à un canard et les animations n'ont rien de spectaculaire.
- Jouabilité13/20
En dépit des sorts qu'on peut lancer et de quelques batailles alternatives, le gameplay reste très classique. Les possibilités stratégiques sont réduites et le rythme des parties est assez lent. Néanmoins, l'interface est pratique et la progression est bien pensée.
- Durée de vie11/20
L'absence de modes Multijoueur et Survie limite sérieusement le potentiel de rejouabilité du soft. Une fois l'aventure terminée dans ses deux modes de difficulté, on n'a pas envie d'y revenir.
- Bande son13/20
Les dialogues ne sont pas très bien doublés en anglais mais la musique et les bruitages sont corrects.
- Scénario14/20
Même si le coup du héros amnésique a fait long feu, on se prend rapidement à l'histoire de ce petit garçon et l'ambiance du soft est envoûtante.
Moyennement réalisé et assez limité en termes de stratégie comme de contenu, Shad'O vaut surtout pour l'originalité de son scénario et l'atmosphère particulière qui s'en dégage. On n'est pas en présence d'un grand tower defense, certes, mais pour une fois qu'on a droit à une véritable histoire et à un design original, on ne va pas s'en plaindre.