Entre son gameplay qui évoque un mauvais collage et son scénario digne du pire des téléfilms à petit budget employés pour occuper l'antenne d'une chaîne aux heures creuses, Inversion a du pain sur la planche pour se faire remarquer.
Nous sommes bien d'accord, les jeux s'inspirent réciproquement les uns les autres à longueur de temps et d'une manière générale, personne ne s'en plaint vraiment. Mais il y a une sacrée différence entre chercher l'inspiration chez la concurrence et proposer un assemblage bancal de morceaux de gameplay et de design chopés à droite et à gauche. Dans Inversion, on prend le contrôle de Davis, un flic bourru constamment accompagné de son partenaire Léo. Pour ces deux agents aux méthodes rugueuses, la journée va prendre une curieuse tournure lorsque des envahisseurs d'apparence humaine semblent surgir des tréfonds de la terre pour dominer la surface et enfermer tout le monde dans des camps d'internement. Cerise sur le gâteau, ces sagouins ont embarqué la fille de Davis, qui passera donc la moitié de son temps à pleurnicher parce que bon, on a beau être rugueux, on n'en reste pas moins humain. L'autre moitié de son temps sera toutefois consacrée à des trucs plus masculins, comme lancer des jurons dans lesquels il est question de mamans, d'exploser des têtes et faire des accolades viriles avec son pote. En moins de 15 minutes, on réalise qu'on va avoir droit à un incroyable déluge de clichés, de stéréotypes et de scènes tellement mauvaises qu'elles en deviennent hilarantes. Mais le pire reste la façon éhontée dont Saber Interactive est allé recopier d'autres titres, mais sans chercher à proposer un assemblage sympathique. Le pitch est clairement celui de Gears of War (les Lutadores remplaçant les Locustes), de même qu'une bonne partie du gameplay et du level design, on a récupéré le fouet magnétique de Bulletstorm ou le gravity gun de Half-Life, le design est un mélange de Gears avec des ennemis signés id Software et certaines séquences en gravité zéro sortent tout droit de Dead Space 2.
Imaginez donc que vous jouez à Gears of War, vous courez de couverture en couverture en tirant sur des ennemis franchement débiles et en profitant d'un level design soporifique au possible. La sensation de déjà-vu et surtout de déjà joué est omniprésente, exacerbée par une mise en scène qui, malgré quelques efforts, ne décolle jamais et laisse totalement indifférent. D'autant plus qu'on ne peut certainement pas s'attacher aux deux protagonistes qui ont le charisme d'une table basse. Même quand l'action semble vouloir s'affoler, c'est toujours l'ennui qui prédomine, la mollesse de l'arsenal n'aidant pas vraiment à se sentir plongé dans le feu de la bataille. Alors bien sûr, on aurait pu penser que l'ajout de la manipulation de la gravité allait faire la différence. Ben non. Déjà plus franchement originale depuis quelques années, l'idée est ici assez mal exploitée. Le GravLink possède deux modes, l'un permettant d'alléger les objets, l'autre de les alourdir. En pratique, on peut donc soulever des bidules, les attraper et les projeter, ou au contraire faire s'effondrer un bout de décor. Seulement voilà, le système est si peu précis qu'on va bien plus vite en se contentant de tirer avec son flingue plutôt que de s'encombrer avec ce machin qui une fois sur deux va balancer la carcasse de voiture sur un mur et pas sur la trentaine d'ennemis en face. Par ailleurs, si on peut s'attendre à jouir d'un level design tirant profit de ce jeu sur la gravité, il faudra se satisfaire de quelques "puzzles" miteux, du genre soulever une pile de bagnoles pour dégager le chemin. Suuuupeerr.
La seule utilisation sympathique de cette mystérieuse technologie dérobée aux Lutadores (qui, avouons-le, ont tout de même un nom vachement ridicule) repose sur les passages en gravité zéro durant lesquels on évolue en bondissant d'un objet flottant à un autre. Mais là encore, après l'effet de surprise, le soufflé retombe. Il ne se passe rien, de temps à autre on zigouille un mec ou deux, mais au bout de deux minutes à peine on revient sur terre et voilà. En un mot la gravité, ou son absence, qui devait plus ou moins constituer le sel du jeu est parfaitement anecdotique. Tout ce qu'il reste, c'est ce fameux mauvais assemblage d'éléments bruts importés maladroitement, et un scénario qui prête à sourire entre son inconsistance, ses clichés ou encore ses dialogues au ras des pâquerettes. Tout ce qu'on peut sauver, c'est la réalisation décente et le fait que si le soft ne fera jamais monter la sauce, au moins il peut se jouer sans réel problème, juste avec un réel ennui. Et si vous comptiez sur le multijoueur, oubliez ce doux rêve, car là encore, Saber suit une ligne directrice simple et claire : on fait du classique et on le fait mal.
- Graphismes14/20
Si son design post-apocalyptique n'a rien de très original tant il ressemble à ce qu'on a déjà vu, du décor aux ennemis en passant par les armes, au moins techniquement il tient la route.
- Jouabilité10/20
Générique, c'est le mot qui vient immédiatement à l'esprit pour qualifier ce gameplay sans surprise et sans saveur qui plus est régulièrement interrompu par de nombreuses cinématiques inutiles. Quant à la fameuse manipulation de la gravité, elle est au mieux sous-exploitée et trop scriptée, au pire moins efficace qu'un flingue classique. S'il n'est pas foncièrement déplaisant, Inversion manque cruellement d'intérêt.
- Durée de vie13/20
Avec 8 heures pour terminer la campagne solo, Inversion tombe dans la moyenne. Les plus braves pourront tenter de jouer la campagne en coop, mais cela n'apporte pas grand-chose à l'expérience. Le multi ne risque pas de scotcher les joueurs.
- Bande son10/20
Les dialogues (en anglais sous-titrés) sont risibles, les effets pas très convaincants et les musiques passablement banales. En outre, de nombreux problèmes de mixage font souvent perdre une partie des voix, comme si l'interlocuteur vous parlait depuis une dizaine de mètres.
- Scénario7/20
Difficile de ne pas penser à une mauvaise copie mal déguisée de Gears of War quand on voit la planète se faire envahir par les Lutadores. En dépit d'une quantité agaçante de cinématiques creuses venant interrompre l'action, le scénario d'Inversion manque souvent de sens, de cohérence, de clarté et surtout, il enfile les clichés comme des perles. On se demanderait presque si le but n'était pas de proposer une parodie.
En un mot comme en cent, Inversion est l'archétype du jeu médiocre, repompant sans talent des idées de gameplay et de design auprès de quelques valeurs sûres sans chercher à les exploiter correctement. Le design est générique, le gameplay fade, la gravité pas du tout exploitée, bref, non seulement le soft sent le réchauffé et la mauvaise copie mais en plus, il n'a aucune saveur. Certes, on peut y jouer sans avoir envie de hurler et on pourra toujours l'essayer d'occasion pour occuper une soirée, mais il y a mieux à faire de son budget. A moins d'avoir une passion pour les nanars.