Surfer sur une table, transformer un coffre-fort en peluche ou changer le plafond en plancher, c'est un peu le quotidien dans le manoir Quadwrangle, théâtre du puzzle-game signé par l'une des créatrices d'un certain Portal qui prouve qu'il y a une vie après Valve.
Si Quantum Conundrum vous évoque Portal, ce n'est certainement pas sans raison mais tout simplement parce qu'on retrouve la même personne à l'origine des deux projets : Kim Swift. C'est à elle que l'on doit l'idée de départ de Portal, les portails, présents dans son Narbacular Drop, idée que Valve lui a proposé d'intégrer dans un projet à plus grande échelle. Aujourd'hui, la game designer revient avec son studio Airtight Games et un titre qui reprend l'idée du puzzle-game en vue subjective basé sur la physique. Sans surprise, les ressemblances avec son cousin sont nombreuses. Ici aussi vous progressez dans un huis clos, allant de salle de test en salle de test, si ce n'est que vous n'êtes pas un sujet d'étude emprisonné, mais un jeune garçon rendant visite à son oncle, un gentil savant fou qui prend la place de la glaciale GLaDOS dans le rôle de la "voix". Point de laboratoire dément et absurde, mais un manoir familial dont les pièces ont pris l'apparence d'un jeu de construction pour scientifique déluré, remplies de coffres-forts remplaçant les Companion Cubes. Point d'ambiance oppressante mais plutôt une atmosphère cartoon. De quoi s'assurer sa propre personnalité sans renier ses origines.
Dans Quantum Conundrum, tout est basé sur la physique et l'usage des différentes dimensions qui sont autant de pouvoirs que l'on apprend à utiliser au fil de la progression. On en dénombre 4. La dimension Plume permet d'alléger les objets afin de pouvoir les transporter ou les laisser s'envoler devant un ventilateur. La dimension Plomb va au contraire les alourdir, permettant notamment d'activer certains mécanismes. L'Anti-Gravité porte un nom assez évocateur, et la dernière dimension vous donne pour sa part le contrôle du temps, ralentissant son écoulement. La seule chose qui ne sera pas affectée par ces modifications, c'est vous. C'est de cette façon que vous pourrez par exemple lancer une caisse en l'allégeant avant de figer le temps, et ainsi pouvoir l'utiliser comme une plate-forme, ou au contraire, en relançant le cours du temps, et en faire un moyen de transport improvisé. Bien évidemment, on ne peut utiliser qu'un seul pouvoir à la fois et la plupart du temps, on est limité dans leur disponibilité. Chacun est en effet alimenté par une batterie spécifique qui doit être placée dans un générateur. Certaines salles n'autorisent qu'une seule dimension, d'autres deux, d'autres encore exigent que l'on récupère une à une les batteries. Bref, au joueur de composer avec ce qu'on lui donne, résoudre un puzzle consistant, vous l'aurez deviné, à atteindre la sortie de chaque pièce.
Pour vous en tirer, il faudra donc apprendre à combiner les dimensions et domestiquer la physique du jeu. Passez en mode Plume pour jeter une caisse et revenez en mode Normal pour qu'elle fracasse une vitre. Lancez un objet, stoppez le temps, et sautez dessus pour être propulsé avec lui. Activez et désactivez la gravité pour faire avancer un canapé à travers une pièce sans perdre son inertie en le laissant buter contre une paroi. Trouvez le moyen de garder une porte ouverte en posant deux caisses dessus, alors qu'un ventilateur dégage la première dès que vous passez en mode Plume pour ramener la seconde etc. En pratique, Quantum Conundrum mélange une part de puzzle, pour trouver la solution, et une part d'adresse, pour la mettre en pratique. Certaines manipulations peuvent demander un timing d'une grande précision. Illustration avec cette séquence dans laquelle le joueur doit franchir un gouffre en utilisant deux tables larguées depuis le plafond. Simple en apparence, il suffit de ralentir le temps pour passer ... Certes, mais la seconde table tombe après la première et se retrouve donc trop haut pour être atteinte. Il faudra ainsi ralentir le temps, sauter sur la première plate-forme, puis reprendre un écoulement normal tout en sautant, afin de laisser la seconde table arriver à votre niveau, geler de nouveau l'action et tout ça sans se casser la gueule ou laisser aux deux supports le temps d'atteindre le bain d'acide placé en dessous.
Dans l'ensemble, les puzzles de Quantum Conundrum sont plutôt sympas et agréables. Toutefois, on a parfois du mal à suivre le fil de la progression, dont la difficulté en dents de scie laisse perplexe. Certains puzzles sont d'une facilité déconcertante, comme si on s'adressait aux jeunes joueurs, juste avant qu'un autre plus tordu et surtout nécessitant un timing au quart de seconde, ne vienne nous faire changer d'avis. Quantum Conundrum n'hésite d'ailleurs pas à punir le joueur avec de belles séquences de die and retry si par malheur ce dernier n'a pas activé un pouvoir précis au bon moment. Il arrive par exemple dans des phases de travail sur la gravité que la moindre touchette s'avère fatale, vous rendant bon pour vous retaper toute la séquence. Or, gérer le timing et la latence due à l'inertie d'un objet qui poursuit sa course n'est pas toujours une mince affaire. Des pics de difficulté au milieu d'un jeu dans l'ensemble plutôt abordable, se reposant peut-être un peu trop sur quelques automatismes, mais qui a malgré tout bien des chances de séduire les amateurs des deux Portal. Surtout avec son prix ne dépassant pas la quinzaine d'euros à sa sortie.
Cependant, Quantum Conundrum n'a pas tous les atouts de son grand frère. Mieux vaudra ici se concentrer sur le gameplay et ne pas trop miser sur l'atmosphère. Si le nouveau jeu de Kim Swift emprunte énormément à son travail chez Valve, on reste un cran en dessous. L'oncle Quadwrangle a quelques tirades amusantes et on peut dénicher pas mal de détails rigolos dans les décors (essentiellement des affiches et tableaux) mais l'immersion n'est pas vraiment le point fort du titre. Toutefois, le parti pris graphique est original, ce qui vaut un certain capital sympathie à l'esthétique de Quantum Conundrum. Et reconnaissons qu'une fois qu'on a commencé à jouer, on a tout de même du mal à lâcher la bête.
- Graphismes14/20
Techniquement pas affolant, Quantum Conundrum compte surtout sur son charme. Le design cartoon avec ses grosses proportions (on joue un enfant, n'oublions pas) a des chances de diviser, mais il contribue à l'aspect rafraîchissant du jeu.
- Jouabilité15/20
Très agréable à jouer, Quantum Conundrum propose un lot de puzzles physiques intéressants en dépit d'une progression en dents de scie alternant séquences trop simples et phases exigeant une grande précision.
- Durée de vie14/20
Assez variable selon votre tendance à rester bloqué -ou pas- ou selon votre obstination à récupérer les objets cachés dans chaque salle, la durée de vie avoisine en gros la dizaine d'heures. Un classement en ligne prenant en compte la vitesse et le nombre de changements de dimensions par niveau gardera les amateurs de scoring en haleine. Pour 15 euros, on ne va pas se plaindre.
- Bande son14/20
Le professeur Fitz Quadwrangle qui s'adresse au joueur régulièrement est fort bien incarné par l'acteur John de Lancie, connu pour son rôle dans Star Trek : Next Generation. Les musiques tendance jazzy tout en légèreté sont agréables mais tournent un peu trop en boucle.
- Scénario13/20
Malgré bien des points communs avec l'autre jeu né (en partie) de l'esprit de Kim Swift, Quantum Conundrum n'a pas la force immersive ou l'aspect délirant d'un Portal. On apprécie l'univers sans pour autant y prêter grande attention. Quelques clins d'oeil et répliques font néanmoins sourire.
Pas facile de se faire une place au soleil quand on est un puzzle-game en vue subjective, considérant l'ombre que peut faire un certain Portal. Et pourtant, sans renier un héritage certain dans sa forme et dans sa progression, Quantum Conundrum parvient à se démarquer avec une ambiance radicalement différente et un système de jeu qui lui est propre. On pourra regretter des phases trop simples encerclant des moments bien exigeants et quelques automatismes trop systématiques, mais dans l'ensemble, la traversée du manoir Quadwrangle reste une expérience bien fun proposée de surcroît à petit prix.