Propulsée sur le devant de la scène par la série télévisée de HBO, la saga de romans de R.R. Martin prend enfin son envol auprès d'un plus large public. Bien que Cyanide se soit très tôt intéressée à cette oeuvre, la société française aura attendu plusieurs années pour nous offrir sa propre vision de Westeros.
En proposant non pas un, mais deux personnages principaux, Game of Thrones : Le Trône de Fer opte pour une construction intéressante mais néanmoins fragile. En effet, si d'un côté, il nous sera permis d'incarner en alternance un membre de la Garde Nuit ainsi qu'un Prêtre Rouge, ceci aura pour effet de découper l'aventure en quinze chapitres. De fait, bien que Mors Westford et Alester Sarwyck aient des personnalités opposées et par là-même complémentaires, il vous faudra accepter de sauter de l'un à l'autre, le tout cassant quelque peu le rythme de l'ensemble tout en jouant sur l'idée de cliffhangers à la manière de la série TV. Quoi qu'il en soit, votre périple vous mènera aux quatre coins de Westeros, du Mur au Château Noir en passant par Port-Réal, sous couvert d'un scénario s'insinuant dans l'univers de l'oeuvre de Martin. Toutefois, de cet aspect résultent également des points positifs et négatifs.
S'il est indéniable que les auteurs ont pris soin de parsemer leur jeu de dialogues savoureux, très bien écrits, et accessoirement bien interprétés par des doubleurs français impliqués, on pourra trouver ces joutes verbales un peu trop présentes. En somme, à l'intérieur d'un chapitre, il ne sera pas rare que 60% de votre temps soit consacré à parler avec divers personnages. Verbeux, le jeu met toutefois en exergue un système de choix moraux très intéressant qui deviendra d'ailleurs de plus en plus important à mesure qu'on avance grâce à des décisions cruciales qui pourront non seulement influer sur le cours de l'histoire mais aussi sur votre vie. Bref, de ce point de vue, ce sera votre façon d'appréhender le jeu de rôle qui fera la différence et qui vous permettra, ou non, d'apprécier le titre de Cyanide. En parlant de RPG, notons qu'on retrouve néanmoins plusieurs constantes propres au genre à commencer par l'évolution de votre personnage.
Ici, rien de bien surprenant puisque à mesure que vous combattrez ou résoudrez des quêtes, vous gagnerez de l'expérience synonyme de montée de niveaux. Ensuite, vous pourrez débloquer diverses techniques ou profiter de points de compétences afin d'augmenter divers attributs liés aux armes, armures et styles de combat notamment. Retenez tout de même qu'en fonction de la classe choisie en début de partie (Magnar, Chevalier errant, Danseur d'eau...), vos caractéristiques de défense, d'attaque ou votre furtivité ne seront pas les mêmes. Une fois vos techniques débloquées via l'arbre associé, il vous restera alors à les rattacher à votre barre de compétences pour pouvoir les utiliser en plein combat. N'oubliez pas non plus d'y rajouter quelques potions de vie ou de magie qui une fois vidées pourront toujours être remplies en passant chez un alchimiste. Tout ceci débouche sur un système de combat plus ou moins stratégique dans le sens où vous pourrez user d'une pause active quand bon vous semble. Malheureusement, ledit système n'est pas non plus exempt de défauts.
On devra ainsi composer avec des échauffourées parfois un peu brouillonnes nous obligeant constamment à tourner la caméra et à activer la pause toutes les 10 secondes pour choisir nos techniques. En effet, une fois que vous aurez sélectionné votre adversaire, vous aurez la possibilité d'enregistrer trois actions. Par exemple, si vous cliquez rapidement à trois reprises sur l'ennemi, votre personnage attaquera autant de fois. Du coup, pour user de techniques spéciales, il vous faudra activer la pause puis les choisir, celles-ci étant tributaires d'une jauge d'endurance, en essayant par exemple de les combiner avec celles de vos acolytes pour des effets dévastateurs. A ce sujet, précisons que vous pourrez incarner à tout moment les compagnons qui vous rejoindront, ceci étant utile pour sélectionner des techniques et effectuer des attaques combinées. Toujours est-il que tout ceci alourdit un peu plus les combats en nous demandant de jongler entre nos techniques et celles de nos alliés et donc de passer beaucoup de temps en pause active sans parler du fait de switcher constamment d'un allié à l'autre.
Comme on le voit, Game of Thrones ne manque pas d'idées mais on a la désagréable sensation qu'elles ne sont parfois qu'au stade embryonnaire. Ceci est également valable pour le pouvoir Zoman de Mors lui permettant d'incarner son fidèle compagnon à quatre pattes. Si ce dernier pourra vous aider en combat (grâce à des techniques également déblocables et utilisables par le biais de la pause active), vous pourrez prendre possession de son corps pour découvrir quelques trésors disséminés ici et là. Gadget par certains côtés, cette capacité vous permettra tout de même de repérer des odeurs principalement liées à des fugitifs que vous devrez rechercher ou de partir en reconnaissance afin de connaître la position des gardes si vous voulez éviter une rixe. En parlant de vos ennemis, faites également attention à la couleur des cercles les entourant, le bleu vous indiquant un état calme à l'inverse du rouge équivalent à un état d'énervement et donc de garde sur le qui-vive, impossible à égorger. D'ailleurs, pour vous simplifier la vie, il vous faudra aussi prendre en compte le type d'adversaires (boss, subalterne) ainsi que leur équipement afin d'opter pour l'arme la plus adéquate. Par exemple, une armure légère sera plus faible face à une arme tranchante à l'inverse de l'armure lourde plus fragile face à une arme contondante. Rien de bien original au final mais vu que tous ces éléments participent à un tout cohérent et relativement agréable à parcourir, vous pourrez vous laisser tenter par ce périple imparfait mais sentant bon le respect pour l'oeuvre originale.
- Graphismes12/20
Bien que s'appuyant en partie sur les somptueux décors du show de HBO, le visuel de Game of Thrones peine souvent à convaincre à cause de l'effet de cloisonnement distillé et de la qualité toute relative de la plupart des environnements. Toutefois, si l'impression de grandeur s'évapore à chacun de nos pas, il est agréable de se replonger dans l'univers de R.R. Martin et de retrouver lieux et personnages emblématiques de cette épopée littéraire.
- Jouabilité13/20
Classique dans son approche du genre RPG, Game of Thrones distille quelques bonnes idées. Ainsi, en parallèle des montées de niveaux synonymes d'acquisition de techniques ou d'achat d'équipements, vous devrez à certains moments faire des choix (lors de dialogues ou de certaines séquences) qui influeront sur la suite de l'aventure. Si le pouvoir de Zoman de Mors aurait gagné à être un peu plus développé, on appréciera les combats tactiques, agréables bien que très brouillons quelquefois et nous obligeant à utiliser la pause active toutes les 10 secondes.
- Durée de vie14/20
Si l'aventure compte un peu plus d'une quinzaine de chapitres, la durée de ceux-ci ira en s'accentuant. Bien qu'on eusse apprécié quelques quêtes annexes supplémentaires (d'autant que celles-ci s'intègrent plus ou moins bien à l'aventure principale), la longévité du Trône de Fer est des plus honorables. Comptez donc sur 18 à 25 heures en fonction du niveau de difficulté choisi.
- Bande son15/20
Un gros travail a été effectué sur le doublage français et le résultat s'en ressent. Les voix sont bien choisies, le ton est souvent juste et si certains doublages versent un peu dans la caricature, ils n'en demeurent pas moins le reflet des personnages. Les musiques, elles, se calquent sur les magnifiques compositions de Ramin Djawadi dont on retrouve d'ailleurs l'envoûtant thème d'ouverture.
- Scénario13/20
S'intercalant entre les trois premiers tomes de la saga, le scénario du titre a le mérite d'amener deux personnages principaux complémentaires, de (trop ?) nombreux dialogues saupoudrés de répliques croustillantes et une histoire dans la veine de la trame des romans. Complots, traîtrises, choix moraux y sont donc monnaie courante et font de ce Game of Thrones vidéoludique une sympathique parenthèse.
Sans être nécessairement à la hauteur des romans ou du show télévisuel en termes d'ambiance, Game of Thrones : Le Trône de Fer s'avère être respectueux du matériau de base. En résulte un jeu relativement classique qui conviendra néanmoins à la plupart des aventuriers de Westeros grâce à de bonnes idées et une réalisation honorable. En somme, malgré sa linéarité, son aventure un peu trop verbeuse, le découpage de l'aventure en chapitres, des combats sympathiques mais redondants voire parfois brouillons ainsi que quelques errances dans sa construction, le jeu de Cyanide remplit en partie son office via ses deux personnages complémentaires et une atmosphère plutôt réussie.