Sorti en 2008, Dead Space s'est avéré être une expérience horrifique suffocante particulièrement réussie. A travers une aventure maîtrisée de bout en bout, Visceral Games est parvenu à redorer le blason d'un genre - le survival-horror - qui cherchait jusque-là son souffle sur la génération actuelle de consoles. Suite directe à ce premier coup de maître, Dead Space 2 a lui aussi largement rempli sa part du contrat. Et ce, malgré une aventure au rythme moins posé, plus axé grand spectacle. Avec Dead Space 3, Visceral Games a cette fois décidé d'opérer des changements beaucoup plus radicaux que par le passé. Et ce, avec l'ambition à peine voilée de séduire les (très nombreux) amateurs de TPS orientés action. Quitte à diluer l'identité de la série et à lui faire perdre de son originalité ? Telle est la question qui risque de trotter dans nos esprits suspicieux jusqu'à la sortie du jeu.
Nombreux sont les joueurs qui considèrent aujourd'hui que les deux premiers Dead Space offrent l'expérience horrifique qu'auraient dû proposer les derniers Resident Evil.... si Capcom n'avait pas décidé de sacrifier une partie de l'ADN de sa licence fétiche sur l'hôtel de la rentabilité. Une analyse simpliste qui contient malgré tout une certaine part de vérité. Ironie du sort, quelques années plus tard, c'est cette même voie que semble actuellement emprunter Visceral Games avec Dead Space 3. Le studio est en train de s'employer en ce moment même dans ses locaux californiens pour permettre à sa série de toucher une cible élargie. Quitte à faire des choix qui risquent de déplaire aux fans des volets initiaux.
Avec Dead Space 3, Visceral Games a décidé de bazarder tout ce qui a trait au multi compétitif. Ce qui ne signifie en rien que l'expérience ne se vivra qu'en solo. Au contraire, les développeurs ont choisi de rendre l'aventure entièrement jouable en coop (uniquement en ligne). Le système proposé est simple. Si le joueur peut débuter et conclure l'aventure du jeu seul en incarnant Isaac Clarke, il peut aussi être rejoint à tout moment dans sa partie par un ami. L'arrivée de ce dernier n'est toutefois pas immédiate. On ne peut pas parler ici de « drop in, drop out ». Il faut en effet que celui qui héberge la partie se rende au prochain checkpoint ou recharge le précédent – en faisant exprès de mourir par exemple – pour que le second personnage prenne part à l'aventure. D'un point de vue narratif, les développeurs ont essayé de faire en sorte que cette fonctionnalité s'intègre de manière naturelle dans le jeu. Ainsi, le personnage principal de l'histoire, le décidément très chanceux Isaac Clarke, croise de temps à autre son potentiel partenaire de jeu, Carver, lorsque le joueur évolue seul. Ce deuxième protagoniste semble alors réellement vivre sa vie de son côté.
Dès lors que le second joueur rejoint la partie, les deux compères combattent côte à côte et ne cessent de discuter ensemble comme s'ils avaient toujours fait équipe. Ils se disputent, blaguent, évoquent des sujets graves... Des dialogues à côté desquels on passe si on joue seul. Pour le coup, ce système de coopération pose tout de même un sacré problème de cohérence scénaristique que Visceral Games admet volontiers. Un coup vous apercevez au loin votre équipier mener sa propre existence ; la seconde d'après, il est à côté de vous en train de discuter comme si de rien n'était. Côté scénario toujours, les informations données sont pour le moment assez minces. On sait que cet épisode éclaircira certaines zones d'ombre du background et qu'il ne conclut pas une hypothétique trilogie. En gros, d'autres jeux ancrés dans le même univers pourraient à l'avenir voir le jour. En ce qui concerne l'extrait exposé par le studio américain lors de la présentation du jeu, il prend place au début de l'acte deux. On y voit Isaac Clarke se réveiller péniblement après que son vaisseau se soit crashé sur une mystérieuse planète totalement gelée nommée Tau Volantis. Frigorifié, l'ingénieur entreprend de quitter la carcasse encore chaude de l'appareil pour chercher des survivants parmi lesquels il espère trouver Ellie (Dead Space 2), avec qui il entretient une relation « spéciale » d'après Visceral Games. Pour ce faire, il va notamment devoir affronter un terrible blizzard, des Nécromorphes assoiffés de sang et des Unitologistes particulièrement virulents.
Le nouveau terrain de jeu enneigé, Tau Volantis, symbolise parfaitement l'orientation de Dead Space 3. On y trouve un certain nombre d'environnements ouverts en plein jour. Cela permet à Visceral Games de faire étalage de sa maîtrise des éclairages et d'offrir des lieux variés. En revanche, on perd clairement dans le même temps ce côté lié à la claustrophie qui fonctionnait à plein dans les précédents volets. Lors de la démonstration, Isaac est bien passé par des petites grottes sombres offrant une succession de couloirs étriqués mais ce sentiment de solitude si angoissant qui nous envahissait, cette sensation de ne pouvoir échapper à ces huis clos spatiaux éprouvants, semble avoir disparu. On sent que l'alternance avec des décors plus vastes et lumineux change l'atmosphère globale du jeu. Alors certes, le studio de développement américain nous promet que certains chapitres nous permettront de renouer avec les origines de la série. Mais pour le moment, ce n'est malheureusement pas ce que l'on a vu. Du reste, plusieurs indices nous laissent à penser que Dead Space 3 tente de s'ouvrir à un autre public en offrant une expérience très proche des TPS classiques.
Evidemment, il y a tout d'abord cette volonté de faire coopérer deux joueurs. Visceral Games l'a admis, l'expérience tiendra plus alors du jeu d'action que du survival-horror. On peut réanimer son partenaire en difficulté ou encore échanger avec lui des munitions. A noter qu'aucune option pour activer le friendly fire n'est prévue. Ca paraît bête mais l'apparition d'un deuxième personnage aussi doué qu'Isaac tend à banaliser les exploits de ce dernier. D'autre part, il y a un ensemble de petits détails qui prouvent que cet épisode emprunte un chemin bien différent de ses prédécesseurs. Il suffit de regarder le profil de Carver. Ce dernier est en effet un ancien militaire, un combattant aguerri, là où Isaac était un simple ingénieur, pas franchement préparé à un affrontement sans merci contre les Nécromorphes. Les mécaniques introduites dans Dead Space 3 confirment également cette tendance. On pense en particulier au système de couverture qui permet de se planquer derrière les éléments du décor prévus à cet effet. Les deux compères disposent également d'une palette de mouvements beaucoup plus large qu'auparavant. Ils peuvent notamment faire des roulades dans tous les sens (avant, arrière, droite, gauche) pour s'extirper d'une situation critique. On comprend mieux pourquoi les développeurs souhaitent proposer des environnements plus ouverts, quitte à rendre le level design plus banal.
Autre décision déconcertante, des humains, les fameux Unitologistes, viennent garnir les rangs de vos ennemis. On ne peut pas dire que les scènes les impliquant se sont révélées passionnantes. Caché derrière un muret, Isaac et Carver tentaient de fusiller leurs opposants. Une situation commune à de nombreux shooters que l'on ne s'attendait pas à vivre dans un Dead Space. Au moins, les deux personnages disposent d'un arsenal pensé en conséquence. Outre les armes présentes dans les épisodes précédents, dont le fameux cutter plasma avec lequel ils s'amuseront à découper humains et Nécromorphes, ils pourront aussi compter sur l'ajout d'un paquet d'armes se rangeant dans la catégorie des automatiques. On espère tout de même que ces dernières bénéficieront d'un design ou de fonctionnalités originales... Visiblement, de l'inspiration, Visceral Games en a toujours lorsqu'il s'agit de créer des Nécromorphes. De nouvelles bestioles immondes font leur apparition dans Dead Space 3. Certains monstres peuvent investir le cadavre d'un humain pour se servir de ses armes et de son corps comme d'un bouclier. Une fois délogé, le Nécromorphe en question devient alors une proie facile. D'autres sont capables de changer de forme en fonction de vos attaques. En tranchant les membres supérieurs ou inférieurs du Fadler, vous donnez naissance à un monstre aux capacités différentes. Enfin, de gigantesques boss entraveront votre chemin comme cette sorte d'immense araignée aux offensives dévastatrices ou cette foreuse devenue folle qu'il faudra essayer de stopper par tous les moyens avant qu'elle ne vous broie.
Pour le reste, on retrouve tout de même dans Dead Space 3 des éléments communs aux autres épisodes. Isaac peut par exemple utiliser le pouvoir de stase ou la télékinésie. On nous promet également des scènes au cours desquelles les développeurs joueront une nouvelle fois avec la gravité. Dead Space 3 offre aussi la possibilité d'enfiler tout un tas de combinaisons originales comme celle spécialement conçue pour se protéger des conditions météorologiques difficiles rencontrées sur Tau Volantis. Le jeu reprend aussi le système d'upgrades de DS 2 ainsi que l'interface classieuse créée par Visceral Games.
Mise en scène maîtrisée, graphismes de haute volée, bande-son soignée, scènes d'action intenses, voici quelques-unes des qualités évidentes de Dead Space 3. On surveillera donc quoi qu'il arrive la nouvelle production de Visceral Games. Cependant, tout cela ne fait pas pour autant du jeu un Dead Space réussi. Loin de là. Une campagne orientée coopération, des ennemis humains, un système de couverture traditionnel, une tension absente à l'écran, Dead Space 3 prend souvent des allures de third person shooter classique. Alors évidemment, la présentation ne nous a permis de voir qu'un petit échantillon du jeu, sans y jouer. Les développeurs nous promettent ainsi que l'aventure sera remplie de moments d'effroi et pourvue d'une ambiance à couper le souffle. Nous réviserons alors notre jugement avec plaisir si tel est le cas. Pour le moment, le fait que le curseur reste bloqué sur « bon » reflète notre inquiétude quant à l'orientation d'un titre qui semble altérer la singularité de la série pour partir dans une direction qui nous séduit moins.