Décidément, les créateurs français ont le vent en poupe en ce moment. Après le studio Arkane et l’excellent Dishonored, voici Spec Ops : The Line réalisé également par un frenchie. Au programme de ce shoot militaire à la troisième personne : une bonne dose d’action en solo et multi, un chouette style graphique et surtout un scénario pourvu d’une réelle ambition narrative…
Concepteur et producteur du tout premier Splinter Cell, François Coulon est l'homme qui se cache derrière Spec Ops The Line. A la fois réalisateur et producteur exécutif sur le jeu, le Français a pris le parti de sortir - dans une certaine mesure - des sentiers battus par les jeux d'action à la troisième personne. En prenant appui sur des œuvres fortes telles que la nouvelle de Joseph Conrad, Au Coeur des ténèbres, qui a inspiré le film Apocalypse Now, nul doute que la démarche de Coulon s'avérait à la base on ne peut plus intéressante. Bonne nouvelle : le résultat – à travers la démo à laquelle il a été possible de jouer – ne semble pas décevoir…
Au fil de 15 chapitres de longueur variable, promettant une campagne solo d'une huitaine d'heures, le titre offre au joueur la possibilité d'incarner le capitaine Martin Walker, épaulé par le lieutenant Adams et le sergent Lugo (spécialiste des langues et du fusil sniper). L'action se déroule intégralement dans une ville de Dubai ravagée par de violentes tempêtes de sable. Le trio est présent dans cet enfer pour retrouver la trace du colonel John Konrad (clin d'œil à l'auteur d'Au Cœur des ténèbres) qui a disparu avec ses hommes, à la suite d'une terrible tempête de sable, alors qu'ils portaient assistance à des civils. Petit à petit, Walker et ses coéquipiers découvrent que Dubai, désormais quasiment coupée du monde, est encore habitée et s'avère même devenue une zone de guerre dans laquelle s'affrontent des factions livrées à elles-mêmes. Décadence de l'humanité, nature reprenant ses droits (à l'image de la ville de Rapture dans Bioshock), personnages mis directement face à leurs choix dramatiques : à travers l'utilisation de thèmes et partis pris adultes et peu employés, l'aventure prend un tournant nettement plus mature que bon nombre de jeux du même genre. Preuve en est, par exemple, que les ennemis, exceptés les tout premiers, se révèlent être tous des soldats américains ! A l'heure où les développeurs font volontiers appel aux sempiternels – et évidemment toujours sanguinaires – Vietnamiens, Russes ou Nord-Coréens, il faut bien avouer que cela est peu courant. Sur le fond, le jeu se rapproche donc d'un cinéma d'action moins stéréotypé où les faits ne sont simples qu'en surface et où les personnages ne sont ni noir ni blanc mais plutôt gris. Sur la forme également, Spec Ops : The Line renvoie au 7ème art à l'aide de cinématiques dotées d'une vraie mise en scène et de choix esthétiques bien étudiés. Ainsi, une lumière éblouissante et des couleurs chaudes inondent souvent les décors qui, de leur côté, s'avèrent littéralement noyés sous le sable. Ce dernier joue d'ailleurs un rôle capital dans l'aventure. Par exemple, à travers ses tempêtes soudaines, il peut désorienter le joueur qui n'a plus aucune visibilité sur l'action et ne peut plus ni voir l'ennemi ni communiquer avec ses coéquipiers. Tandis que les filets de sable qui s‘écoulent des pans du décor peuvent révéler des failles tactiques permettant de prendre l'avantage. Concrètement, en tirant sur une vitre ou une cuve de laquelle tombe du sable, il est possible d'exploser l'objet et de provoquer une grosse coulée capable d'engloutir l'adversaire. Fun !
Au niveau du gameplay, le jeu se rapproche beaucoup d'un Gears of War avec, outre la possibilité de courir, de se baisser ou de donner un coup au corps-à-corps, les capacités de tirer à la volée ou plus précisément à l'aide d'un zoom et de se mettre à couvert automatiquement derrière un objet ou un pan du décor. Quant à vos coéquipiers, ils sont gérés par l'ordinateur. Et il est d'ailleurs impossible de les incarner car l'aventure ne propose pas de mode coopératif. En revanche, vous pouvez leur donner – simplement en pressant une touche – trois ordres : tirer sur l'ennemi ciblé à l'aide d'un réticule rouge, soigner son camarade gravement blessé ou lancer une grenade de défense. Libre à vous de gérer vos coéquipiers en permanence et de les laisser faire le boulot à votre place. Ou alors de les mettre de côté délibérément et de régler leur compte personnellement à chaque belligérant rencontré. A noter néanmoins que, lors de la démo, vos collègues avaient tout de même tendance à prendre les devants et à vous laisser un peu à la traîne. Cela dit, au fil de l'histoire, ce sont tous les personnages qui se dégradent physiquement et psychologiquement et qui doivent faire des choix moraux. Même si ces derniers n'ont pas d'influence directe sur l'histoire, ils participent grandement à l'ambiance et servent à accroître la tension psychologique. Ainsi, à un moment donné, un soldat adverse qui brandit une arme vous demande de le laisser partir : vous pouvez alors l'abattre sur-le-champ ou le laisser filer en épargnant sa vie. Le premier choix facilite la suite de l'aventure car l'homme n'a pas le temps d'alerter les renforts et, lorsque vous descendez, le rez-de-chaussée s'avère vide d'assaillants. Tandis que le second débouche forcément sur un affrontement. De même, lors d'une bataille rangée, vous avez l'occasion d'utiliser un mortier au phosphore blanc. Plus vous vous en servez et plus les victimes s'amoncellent sur le terrain. Inutile de préciser que, lorsque vous devez ensuite traverser le champ de bataille et ses empilements de cadavres, votre périple se transforme vite en un vrai cauchemar. A noter enfin que le parcours pour relier un point A à un point B (indiqué à l'écran) semble assez balisé…
Si Spec Ops : The Line paraît bénéficier de graphismes plutôt réussis avec un vrai travail sur la lumière, il n'est pas en reste côté son. Ainsi, les voix françaises - ou anglaises avec sous-titres français - s'avèrent d'excellente qualité (la voix du héros est celle de l'acteur Nolan North qui double Nathan Drake dans les Uncharted ou Desmond dans les Assassin's Creed). Tandis que la musique des années 60/70, comme Jimmy Hendrix, offre une atmosphère très rock'n roll, ponctuée de riffs de guitare qui semblent ponctuer l'action. Non content de proposer une aventure en solo qui a l'air dynamique, le studio Yager offre de surcroît 3 modes de jeu en multi, sur plusieurs cartes, pour des combats par équipes de 4 contre 4 (uniquement en ligne et sans split-screen). Dans les faits, deux factions s'affrontent, les Damnés et les Exilés, pour lesquelles il existe 4 classes de base : médecin, artilleur, sniper et officier (ce dernier, par exemple, permet aux soldats situés autour de lui d'encaisser moins de dégâts). A cela, il faut ajouter une classe spécifique à chaque faction : Scavengers pour les Damnés et Breachers pour les Exilés (cette dernière est dédiée aux spécialistes des explosifs et offre de porter davantage de grenades). Enfin, outre une vingtaine d'armes, figurent 15 aptitudes à débloquer au fil du jeu, dont certaines sont rigolotes comme faire croire à l'ennemi qu'on est à un endroit précis sur la carte (alors qu'on peut être en embuscade non loin). Au final, Spec Ops : The Line semble rassembler suffisamment d'atouts pour convaincre les amateurs de shoots militaires exigeants.
Nul doute à avoir sur les qualités de ce titre après ce nouveau contact – et à moins de deux mois de la sortie. Car l’aventure semble jouer parfaitement la carte de la maturité avec ses personnages complexes, son action « responsable » et ses partis pris stylistiques assumés. Et puis, il ne faut pas oublier non plus son contenu, a priori intéressant, à destination des amateurs de multi. Bref, Spec Ops : The Line pourrait créer la surprise dans l’univers très balisé des shoots militaires à la troisième personne !