Après le pari de Notch (Minecraft) de créer un jeu en un week-end, un autre projet tout aussi fou a vu le jour sur Internet. En effet, le jeune studio Little WorkShop épaulé par Mozilla a décidé de créer un jeu entièrement codé en HTML et Javascript, langages habituellement utilisés pour les pages Web et pas vraiment conçus pour créer des jeux vidéo. Pour corser le tout, le jeu sera massivement jouable via votre navigateur sans téléchargement ni création de compte ! Dans l'idée, jouer à BrowserQuest serait alors aussi simple que de visiter une page Web. Voyons si ce pari fou tient toutes ses promesses.
Little WorkShop, studio français de son état, créé par deux comparses, s'est spécialisé dans la création d'évènements Web dynamiques pour le compte de grands noms de l'industrie tournant autour d'Internet et de la téléphonie mobile. On ne peut pas vraiment dire qu'il s'agit d'un studio de développement de jeux vidéo, et pourtant leur dernier projet en date est un véritable hommage aux jeux de rôle d'antan. Afin de prouver la puissance de la cinquième mouture du HTML et de ses langages associés (Javascript et CSS), Mozilla a décidé de créer une démo technique prenant la forme d'un MMORPG jouable via le navigateur. Jusque-là, rien de bien original, si ce n'est que le jeu n'est ni en Flash ni basé sur les scripts habituels mais bel et bien entièrement codé en HTML/Javascript. Un moteur 2D basé sur un tel langage, il fallait oser mais force est de constater que le résultat est plutôt bluffant.
BrowserQuest est donc directement accessible via navigateur (attention, certains navigateurs ne sont pas compatibles), et cerise sur le gâteau aucune création de compte, téléchargement de plugin ou autre client n'est requis. Pour débuter la partie, il vous suffit de rentrer le nom de votre personnage et de cliquer sur « Play ». Vous voilà donc dans le monde de BrowserQuest qui ressemble à s'y méprendre à celui de Zelda, époque 16 bits. Avec ses décors aux couleurs acidulées et aux formes rondes, on a parfois l'impression de rejouer à The Legend of Zelda : A Link to the Past sur Super Nintendo. Mais que nenni, si l'auteur de ces jolis pixels se défend ardemment d'avoir repris les sprites du classique de Nintendo, il avoue sans mal s'en être largement inspiré.
Dans BrowserQuest, le joueur incarne un guerrier dont on ne sait pas grand-chose, libre à vous de créer votre propre histoire. Bien que le soft fourmille de PnJ en tout genre, dont certains sont d'illustres représentants du monde vidéoludique (tel Nyan Cat), vous n'aurez pas l'once d'une trame scénaristique. De ce fait, le joueur peut se sentir un peu égaré durant les premières minutes de jeu. Cependant, en cliquant sur les boutons de l'interface, on comprend rapidement que le système de quêtes prend la forme de vingt achèvements dont la liste est accessible via l'icône associée. Les objectifs sont aussi divers que variés, allant du simple « rendez-vous à un point x », au classique « tuer x monstres » en passant par des buts plus originaux comme « voler un objet à un autre joueur ». Notez que certains achèvements se débloqueront à mesure de votre progression dans l'aventure. Au passage, vous remarquerez sûrement les nombreux clins d'œil à certains illustres jeux vidéo. Citons par exemple les objectifs Angry Rats où il faut tuer 10 rats, ou encore Tomb Raider où il faut trouver le cimetière.
En somme, le but du jeu dans BrowserQuest est de parvenir à réaliser ces achèvements, mais aussi d'obtenir le meilleur équipement composé d'une armure et d'une épée en or. Néanmoins, avant de pouvoir vous pavaner avec votre habit de lumière, vous devrez traverser des lieux hostiles faits de forêts, plages, déserts et autres grottes, où il faudra faire croître la puissance de votre arme et armure en tuant les monstres qui attenteront à votre vie. Au bout de ce long périple, se dresseront les terres volcaniques où l'infâme boss final vous attend pour en découdre. En somme, contrairement aux autres MMORPG, BrowserQuest a bel et bien une fin, tout du moins dans les achèvements proposés, car vous pourrez ensuite parcourir à votre guise les différents environnements pour aider d'autres joueurs ou simplement flâner même si cela devient assez vite rébarbatif. Notez toutefois que le jeu sauvegarde en permanence votre progression, et que vous pouvez quitter la session à tout moment sans perdre le bénéfice de votre partie. Seule restriction, vous débutez systématiquement chaque partie depuis le village de départ.
Démo technique oblige, le soft se veut assez basique. En effet, même s'il est possible de discuter avec les autres joueurs via un canal de discussion réduit à sa forme la plus élémentaire, vous ne pourrez pas former de groupe, ni monter en niveau avec votre personnage ou influer sur ses statistiques, ces dernières étant d'ailleurs invisibles. Il n'y a également point de combats entre joueurs et ni de donjons, et la zone de jeu est au final assez réduite. Cependant, BrowserQuest étant en OpenSource et en perpétuelle amélioration par ses concepteurs, il n'est pas impossible qu'il s'étoffe d'ici quelques mois ou voie le jour sous une nouvelle forme.
Sur le plan de la réalisation, hormis quelques bugs et l'incompatibilité avec certains navigateurs, on ne peut que saluer le rendu particulièrement bluffant du jeu. Avec ses paysages, certes clichés, mais enchanteurs et son bestiaire varié, BrowserQuest s'en tire avec les honneurs. En outre, la prise en main est immédiate et des plus intuitives. On regrettera seulement que les déplacements ne puissent s'effectuer qu'avec la souris. Enfin, le thème musical principal et les bruitages collent parfaitement à l'ambiance du jeu et sont d'assez bonnes facture.
En conclusion, si vous êtes fan de jeux d'aventure old-school, vous auriez tort de vous priver de BrowserQuest, expérience particulièrement rafraîchissante et aussi simple d'accès qu'une page Web lambda. Quelle que soit votre configuration, même un Notebook, vous n'aurez aucun mal à faire tourner le jeu. Seul regret, une durée de vie trop courte et des fonctionnalités réduites au minimum.
- Graphismes14/20
Comment ne pas tomber sous le charme de ces sprites que l'on croirait tout droit sortis d'un épisode de Zelda. Alors certes, certains pesteront sur le fait que le jeu manque d'originalité, mais les développeurs ont voulu avant tout rendre hommage à quelques grandes licences du jeu vidéo. Bien que l'animation soit assez basique, l'univers se veut particulièrement vivant et enchanteur.
- Jouabilité13/20
Réduit à sa forme la plus simple, ce petit jeu d'aventure offre néanmoins une expérience particulièrement rafraîchissante. Doté d'une prise en main immédiate, le joueur sera néanmoins un peu perdu les premières minutes avant de trouver le bouton « achèvements » qui lui donnera accès à vingt quêtes dont les intitulés sont encore une occasion toute trouvée pour rendre hommage à certains grands jeux vidéo. Le principal avantage de ce système est qu'il permet au joueur ne pas être coincé dans une aventure linéaire mais de réaliser ses achèvements dans l'ordre qu'il le souhaite. On regrettera seulement que le jeu soit dépourvu de donjons et de système de combats « Joueur contre Joueur ». Notez toutefois que selon votre navigateur l'aventure pourra se transformer en véritable calvaire suite à des problèmes de compatibilité.
- Durée de vie5/20
S'agissant d'une démo technique, on ne pouvait pas s'attendre à des heures et des heures de jeu. En effet, terminer l'ensemble des achèvements et obtenir le meilleur équipement ne vous prendra guère plus d'une heure voire moins pour les plus acharnés. Egalement, l'absence totale de rejouabilité finit par achever la durée de vie du jeu que l'on aimerait bien plus longue tellement l'expérience est bonne. Toutefois, s'agissant d'un jeu gratuit et en OpenSource on peut espérer le voir grandir un jour ou même réapparaître sous une nouvelle forme.
- Bande son13/20
Le thème principal et les bruitages old-school sont plutôt réussis surtout quand on voit l'équipe réduite qui s'est attelée à ce projet. Un petit plus qui nous immerge encore un peu dans l'univers féerique de BrowserQuest.
- Scénario/
Dépourvu de toute trame scénaristique, il en revient aux joueurs de créer leurs propres histoires, avis aux fans de rôleplay ». Après tout, n'est-ce pas la signification première de RPG ? On déplore néanmoins que le jeu soit en anglais, rendant la compréhension de certains achèvements pas toujours évidente pour les non anglophones.
Alors que le Flash, Java et autres C++ constituent des références en matière de programmation d'un jeu vidéo, la nouvelle mouture de l'HTML semble bien être capable de rivaliser avec ses concurrents. Son principal avantage ? Léger et simple à prendre en main, le langage dispose d'un potentiel certain pour tous les amateurs de solutions alternatives. BrowserQuest en est un illustre exemple, qui prouve que faire fonctionner un MMORPG via un navigateur Internet à partir d'un langage basique est désormais possible. Outre la vitrine technique qu'offre le jeu, l'expérience vidéoludique n'en demeure pas moins rafraîchissante et particulièrement addictive. Espérons maintenant que le jeu puisse évoluer grâce à sa communauté afin de faire perdurer une aventure aux accents de Zelda qui ne peut laisser indifférent.