Si vous rêvez d'être astronaute depuis que vous êtes tout petit, ne jouez surtout pas à Lunar Flight. Cette simulation de module lunaire à la fois réaliste, complexe et exigeante, pourrait briser vos illusions en vous révélant que vous n'êtes pas à la hauteur.
Retour en 1979. Atari sort sur bornes d'arcade son premier jeu doté de graphismes vectoriels. Il s'agit de Lunar Lander, un simulateur consistant à poser un module lunaire sur une plate-forme d'atterrissage, tout en veillant à ne pas tomber en panne de fuel (comprenez : de pièces de monnaie). Trente-trois ans plus tard, Sean Edwards, un développeur indépendant, nous propose avec Lunar Flight une relecture moderne de Lunar Lander. Si elle intègre des objectifs plus variés et quelques éléments de progression, son principe n'a pas changé : il s'agit toujours de piloter un module lunaire afin de le conduire d'un point A à un point B. Le problème, c'est que si la tâche n'était déjà pas facile en vue de coupe, elle devient purement cauchemardesque en 3D, à moins d'avoir fait ses classes à la NASA.
Même si vous êtes un féru de simulation aérienne, il vous faudra composer ici avec une contrainte à laquelle vous n'êtes certainement pas habitué : la pesanteur lunaire, six fois moins importante que celle de la Terre. Ainsi, la première chose sur laquelle il vous faut veiller avant même de partir en mission, c'est la juste poussée à procurer à votre module, qui est fonction de la puissance de votre moteur principal et de la charge transportée, et qui doit être suffisante pour compenser la gravité sans partir en orbite ni s'écraser sur le sol lunaire. Un tableau très pratique vous épargne heureusement cet odieux calcul, et vous permet donc de décoller et de naviguer à vitesse constante sans problème. Enfin, presque, car il n'est pas forcément simple de contrôler un engin aussi sensible qu'un module lunaire. Outre son moteur principal, il est bien entendu doté de propulseurs auxiliaires latéraux qui lui permettent de se mouvoir selon trois axes (tangage, lacet, roulis), mais en l'absence d'atmosphère et donc de frottements dus à l'air, le moindre mouvement dans un sens est si franc qu'il requiert souvent une correction dans l'autre. Les instruments et les écrans de navigation de votre cockpit s'avèrent plus que précieux pour évoluer dans cet authentique espace physique newtonien.
Le vrai problème, c'est l'alunissage, qui vous contraint à couper votre moteur principal pour supprimer la poussée qui vous maintenait à une altitude de croisière et commencer à descendre manuellement sur la plate-forme. Et là, c'est souvent le drame, car Lunar Flight se voulant une simulation réaliste, aucune caméra objective ne vous permet de poser tranquillement votre module sur le pad réservé à cet effet. Il faut vous en remettre à quelques instruments de navigation qui vous poussent à faire une synthèse (rapide) des informations qu'ils vous offrent. Le pire, c'est que si vous passez trop de temps à tourner autour de l'objectif pour ajuster au mieux votre descente, vous risquez de vous retrouver à court de fuel. Nous avons, pour notre part, effectué plus d'une cinquantaine d'essais avant de parvenir à atterrir correctement. Vous l'aurez compris, on a ici affaire à une simulation terriblement exigeante, dont la prise en main n'a rien d'intuitif mais requiert beaucoup d'entraînement et un certain doigté. Le site officiel du jeu propose une série de vidéos didacticielles très instructives, mais elles ne font que présenter certains aspects de la navigation : une fois encore, c'est à vous d'en faire la synthèse afin de parvenir à mener à bien une mission de A à Z.
En dépit de ce parti pris qui réserve son jeu à un public averti, Sean Edwards a fait en sorte de ne pas négliger le plaisir ludique. Lunar Flight propose trois types de missions, que vous pouvez sélectionner librement à partir d'une plate-forme d'alunissage : reconnaissance, transport et récupération. Chacune possède ses propres contraintes. Par exemple, les missions de récupération de marchandises vous obligent à recalculer la poussée pour le trajet retour étant donné que votre module sera plus chargé. N'oubliez pas non plus de refaire le plein et de réparer les éventuels dégâts sur votre module lunaire. Il reste que trois types de missions, c'est assez peu, d'autant qu'elles ne se déroulent que sur trois maps différentes, à débloquer avec l'expérience accumulée. L'argent gagné au fil des missions sert quant à lui à améliorer votre module : puissance du moteur, contenance du réservoir, stabilisateurs, etc. Dès que vous vous sentez prêt, vous pouvez participer à des défis chronométrés, classement mondial à l'appui. Au-delà de sa courbe de progression abrupte et de son inévitable redondance due à un léger manque de variété, Lunar Flight se montre donc suffisamment gratifiant pour plaire aux fans de simulations spatiales pointues du type Orbiter.
- Graphismes10/20
Le rendu visuel n'est pas le point fort de Lunar Flight. Les décors sont loin d'être exceptionnels (bon, en même temps, on est sur la Lune) et le cockpit au style rétro donne l'impression d'être un peu figé. Mais l'atmosphère lunaire confère au jeu un cachet particulier.
- Jouabilité14/20
L'interface n'est pas très ergonomique et la prise en main n'a rien d'intuitif : il vous faudra du temps avant de parvenir à manoeuvrer votre module lunaire. On apprécie par contre le côté pointu de la simulation et le réalisme du moteur physique.
- Durée de vie10/20
Lunar Flight manque de variété. Le challenge réside à l'évidence dans l'alunissage, mais les trois types de missions et les trois maps proposées suffiront-ils à satisfaire ceux qui parviendront à maîtriser cette technique ? Reste le sympathique mode Trials avec classement mondial à l'appui.
- Bande son17/20
On pourrait jouer à Lunar Flight rien que pour sa bande-son. Le silence lunaire est troublé par des nappes de synthé qui délivrent les sonorités spatiales et planantes de circonstance, tandis que la radio diffuse en continu de nombreux enregistrements d'archives qui mettent dans l'ambiance.
- Scénario/
Lunar Flight est un titre sans concession, dont la complexité, l'austérité et la lenteur auront tôt fait de faire fuir la majorité d'entre vous. Mais les mordus de simulations spatiales du type Orbiter, qui ne sont pas du genre à être effrayés par un gameplay exigeant et une courbe de progression abrupte, trouveront là de quoi sustenter leur appétit en dépit de la redondance du propos. A réserver à un public averti.