Quasiment un an après sa sortie sur PC, The Witcher 2 débarque sur Xbox 360 dans une version légèrement remaniée pour l'occasion et nommée Enhanced Edition. De nouvelles quêtes, de nouvelles cinématiques, de nouveaux NPC et bien d'autres sont ainsi au programme. Cela sera-t-il suffisant pour préserver l'excellence du titre ?
Fin 2007, alors que la mode est aux mondes ouverts, un studio polonais du nom de CDProjekt Red décide de proposer un jeu de rôle qui va à contre-courant de cette démarche libertaire, The Witcher. Ce titre relativement linéaire, qui ne permet ni de créer son avatar ni de sortir des sentiers battus, préfère se concentrer sur la narration et sur l'immersion du joueur dans l'univers de dark fantasy violent et sans concession de l'écrivain Andrzej Sapkowski. Le héros, Géralt de Riv le sorceleur, spécialisé dans l'éradication des créatures surnaturelles maléfiques, est confronté à des thématiques résolument modernes (xénophobie, fanatisme, terrorisme...) qui suscitent quelques prises de parti dont il ne mesure les conséquences qu'à long terme. Doté d'une ambiance captivante qui s'appuie sur un monde vivant et crédible, le jeu trouve rapidement son public en dépit d'un système de combats aussi original que déconcertant. La version Enhanced qui paraît l'année suivante, corrigeant pour l'occasion les quelques défauts du jeu de base, hisse même le titre parmi les meilleurs du genre. Malheureusement, seuls les joueurs PC ont pu profiter de ce chef-d'oeuvre, puisque des soucis divers et variés ont eu raison des versions consoles. La Xbox 360 se rattrape toutefois en accueillant aujourd'hui cette suite tant attendue qui a pour ambition de faire encore mieux que son prédécesseur.
Malheureusement, les choses commencent mal puisque rien n'a été fait pour présenter le contexte du jeu aux néophytes. La scène d'introduction inédite et au demeurant magnifique ne parviendra pas à poser les bases et il faudra alors s'en remettre au net pour obtenir un résumé de l'opus initial. Afin que la compréhension ne soit pas trop entravée, voici de quoi vous éclairer : à la fin du premier volet, une ultime cinématique nous dévoilait comment Géralt parvenait à sauver le roi Foltest d'une tentative d'assassinat perpétrée par... un sorceleur ! Ce teasing efficace nous donnait un bon avant-goût de cette suite, dont le sous-titre fait rapidement sens. The Witcher 2 : Assassins of Kings démarre alors que le monarque s'est lancé dans une campagne militaire destinée à récupérer ses deux enfants illégitimes issus d'une liaison avec la baronne Louisa La Valette. La baronnie en question entend bien utiliser ces bâtards pour affaiblir l'autorité royale. Foltest souhaite que Géralt, dont il ne peut plus se séparer, combatte à ses côtés durant l'assaut du château de La Valette. Motivé par la présence de sa chère Triss, le sorceleur s'exécute bon gré mal gré. Le siège se déroule plutôt bien, jusqu'à l'apparition d'un dragon (sorti d'on ne sait où) qui sépare Géralt et Foltest du reste des assaillants. Les deux hommes vont alors se retrouver piégés... Un peu plus tard, Géralt se retrouve dans la prison du château. Son interrogatoire, destiné à reconstituer le déroulement des événements, nous est raconté à travers un prologue découpé en plusieurs séquences, qui complétera le tutoriel assez bref qui introduit le jeu.
Linéaire, bavard et bourrin, le prologue de The Witcher 2 cède à la tentation du spectaculaire pour expliquer les rudiments de la jouabilité et du système de combats. Il se révèle même un peu poussif quand il s'agit de faire face à des spawns de soldats successifs, entrecoupés de QTE inutiles destinés à armer une baliste. Il a toutefois le double mérite d'aboutir à la cinématique la plus belle et la plus émouvante que nous ayons vue depuis longtemps et de nous donner un aperçu de l'une des possibilités les plus grisantes du jeu : celle de prendre des décisions qui influeront sur le cours des événements. Ce lieutenant ennemi que votre tir de baliste n'aura pas atteint, vous opposera donc une résistance sur les remparts. En convainquant Aryen La Valette de déposer les armes plutôt que de courir à une mort certaine, il pourra jouer un rôle un peu plus tard. Ces civils que vous aurez protégés des massacres perpétrés par les soldats du roi, sauront sans doute s'en souvenir... Bref, on mesure déjà dès le début l'importance des nombreux choix proposés, qui entraînent pour la plupart des répercussions à plus ou moins long terme sur votre aventure. Certains passages peuvent prendre des formes différentes et certaines quêtes se terminer de 3 ou 4 façons possibles. Il se pourrait même qu'une grosse portion du jeu dépende directement d'une décision à laquelle vous ne serez pas encore préparé et que vous aurez à prendre en temps limité.
The Witcher 2 se distingue avant tout par ses qualités d'écriture. Face à un Géralt égal à lui-même, qui multiplie les répliques cyniques, acerbes ou cocasses quand il n'est pas torturé par ses souvenirs, on retrouve une galerie de personnages particulièrement fouillés. Ses compagnons, Triss, Zoltan et Jaskier, sont attachants mais parfois difficiles à cerner, et le reste des protagonistes est épargné par tout manichéisme, si bien que les décisions ne sont jamais faciles à prendre. Les quêtes, variées et intéressantes, puisent sans retenue dans les thématiques adultes de l'univers sombre de Sapkowski. On assiste même à des scènes de sexe particulièrement décomplexées ! L'ensemble est soutenu par une mise en scène brillante dont chaque plan témoigne d'un travail énorme sur la dimension épique de l'aventure. Le revers de la médaille, c'est que The Witcher 2 dégage une atmosphère moins intimiste et moins onirique que ce que l'on pouvait espérer. Très dense et centré sur son sujet, le titre gagne en rythme et en efficacité ce qu'il perd en personnalité : on oublie donc les longues balades mystiques entre les petits villages perdus dans la lande, les quêtes annexes sans importance...
Les différentes zones de jeu, n'en restent pas moins très agréables à parcourir. D'une richesse visuelle prodigieuse, elles bénéficient de qualités techniques inhabituelles dans le genre. Le réalisme des visages, les jeux d'ombre et de lumière, les textures magnifiques et la végétation superbement rendue donnent des envies irrépressibles de captures d'écran ! Et pour ne rien gâcher, les temps de chargement sont plutôt courts, surtout si vous choisissez d'installer le jeu sur le disque dur. Le tout se montre toutefois nettement en dessous de ce que l'on pouvait observer sur PC. La résolution choisie est ainsi plutôt basse et le niveau de détails n'est visiblement pas équivalent au preset moyen, comme cela avait été annoncé. De même, on observera une quantité non négligeable de tearing, de clipping et de bugs en tous genres quand certains défauts plus ou moins gênants n'ont manifestement pas été corrigés. On pensera ainsi à quelques regards peu expressifs (notamment celui de Roche) et à certaines animations manquant de naturel. Pour le reste, rarement on se sera senti autant exister que dans cet univers crédible et immersif dont les habitants vous saluent, vous haranguent ou vous insultent à votre passage, quand ils ne discutent pas de vous avec leur voisin ! La météo et le cycle jour/nuit viennent renforcer cette ambiance très réussie.
The Witcher 2 bénéficie d'un système de combat basé sur le timing. Dynamique et intuitif, celui-ci oblige le joueur à repérer le moment précis où l'ennemi baisse sa garde, pour lui asséner plusieurs coups rapides ou un coup puissant, avant d'esquiver ou de parer sa riposte. Au terme d'une prise en main assez douloureuse, les combats se révèlent très intéressants et surtout particulièrement exigeants, notamment dans le mode Difficile qui porte bien son nom. Ils nécessitent l'emploi régulier de signes (sortes de pouvoirs qui peuvent aller de l'incinération à la propulsion violente) mais aussi l'absorption de potions (à boire obligatoirement avant le combat). Géralt est heureusement polyvalent ; il peut ainsi combattre à distance, poser des pièges ou assommer ses ennemis par derrière, sans compter que le signe Aard permet d'étourdir un adversaire pour exécuter un finish move, mais aussi de le projeter dans un précipice ! Il est par ailleurs dommage que l'approche furtive ne soit utilisable que dans les séquences d'infiltration prévues à cet effet. Autre regret, certaines phases de boss sont pour le moins fastidieuses, qu'il s'agisse d'affronter un adversaire "abusé" dont il faut esquiver chaque attaque en roulant sur le côté, ou bien de faire exactement ce que le jeu attend de vous, QTE à l'appui. Ces derniers, qui permettent aussi de gérer les épreuves de pugilat ou de bras de fer, ne gênent pas outre mesure, car s'ils n'apportent rien à l'expérience de jeu, ils se révèlent terriblement faciles. Les combats souffrent de quelques défauts techniques plus embêtants. On constate aussi un certain manque de précision dans les mouvements de Géralt, ce qui rend le ciblage d'une créature ou le loot d'un cadavre un peu délicat malgré la possibilité de locker un ennemi ou d'utiliser le médaillon de sorceleur pour surligner les sources d'interaction.
Clairement pensé pour les consoles, The Witcher 2 avait déçu certains puristes sur PC. L'absence de raccourcis à l'écran et un inventaire présenté sous forme de liste étaient notamment en cause. On pouvait alors s'attendre à ce que le constat soit différent sur Xbox 360, mais il n'en est rien. En effet, si le menu radial et plutôt bien fichu, l'ergonomie de l'inventaire n'est pas optimale, surtout lorsqu'il s'agit de vendre un objet ou de s'équiper. En effet, les descriptions ne sont pas lisibles directement et il faudra examiner chaque item indépendamment avant d'être fixé. Quelques fonctionnalités bien sympathiques sont heureusement de la partie : à côté de la possibilité de concocter ses potions, on trouve une option de craft qui consiste à faire fabriquer un objet par un artisan sur la base d'un schéma trouvé ou acheté. De cette manière, on peut réaliser soi-même ses équipements, qui sont par conséquent très nombreux, plutôt variés et qui peuvent même être améliorés. Le titre a donc toutes les caractéristiques typiques des grands jeux de rôle, et en dépit des quelques défauts cités tout au long de cet article, il ne fait aucun doute que The Witcher 2 : Assassins of Kings en est un. On peut ne pas apprécier toutes les orientations qui ont été prises, mais difficile de nier le plaisir et la puissance émotionnelle procurés par cette aventure de grande qualité. Notons que le jeu bénéficie en outre d'une durée de vie plutôt honorable puisque cette Enhanced Edition devrait vous occuper environ 45 heures, en proposant, qui plus est, une excellente rejouabilité. Voilà donc un achat indispensable pour tout amateur du genre.
- Graphismes17/20
Comme on pouvait s'y attendre, cette version Xbox 360 ne tient pas la comparaison avec son homologue PC. La résolution paraît alors vraiment faiblarde et le niveau de détails, loin du preset moyen. On observera en outre quelques défauts peu appréciables, comme du tearing, du clipping et de l'aliasing, mais le titre n'en reste pas moins un des plus beaux sur consoles. Ainsi, les décors sont magnifiques et la modélisation des visages force le respect, sans que la fluidité ne soit impactée.
- Jouabilité16/20
Malgré quelques écueils, le système de combats est une franche réussite et se montrera aussi exigeant qu'intéressant. De même quelques bonnes idées, comme le craft et la confection de potions sont au cœur du gameplay et s'avèrent passionnantes. On ne peut malheureusement pas en dire autant de l'ergonomie de l'inventaire et des différents menus.
- Durée de vie17/20
Précédés d'un prologue assez consistant, les trois actes de The Witcher 2, d'une durée assez inégale, offrent une longévité d'environ 45 d'heures pour qui s'acquittera de toutes les quêtes secondaires. Le jeu bénéficie en outre d'une excellente rejouabilité relative aux choix effectués, dont certains sont susceptibles de modifier une grosse portion de l'aventure.
- Bande son17/20
Les différentes compositions musicales, baignées d'accents épiques, s'avèrent superbement efficaces. Une attention particulière a été accordée aux bruitages, d'une excellente qualité. Très correct, le doublage en français est plus réussi pour certains personnages (Zoltan, Jaskier) que pour d'autres (Foltest).
- Scénario18/20
Le soin accordé à l'écriture, la narration et la mise en scène, la profondeur des personnages, épargnés par tout manichéisme, le développement de thématiques adultes dans le respect de l'oeuvre de Sapkowski, le ton mature (vive les poils !) et l'implication du joueur à travers des décisions ayant une incidence (parfois prononcée) sur la suite de l'aventure... Que demander de plus ?
En dépit d'un prologue un peu laborieux et de quelques orientations discutables, The Witcher 2 est un excellent jeu de rôle. Doté d'un système de combats à la fois dynamique et exigeant, de somptueuses zones de jeu semi-ouvertes et de graphismes attrayants, celui-ci se montre aussi agréable sur Xbox 360 que sur PC. Le jeu n'est pas dénué de quelques défauts plus ou moins gênants, mais ils ne pèsent finalement pas bien lourd face au plaisir monstrueux qu'il procure. L'ambiance captivante, le ton mature et l'implication du joueur au travers des nombreux choix possibles n'y sont pas étrangers. Voilà donc un achat indispensable, susceptible de redonner foi dans le genre au plus blasé des rôlistes.