Konami continue son combat en faisant confiance à des studios occidentaux afin que ces derniers proposent une autre vision de la ville de Silent Hill. Après Climax et Double Helix Games, c'est au tour du studio Vatra de nous prendre par la main pour nous conter l'histoire d'un certain Murphy Pendleton.
A chaque nouveau segment de Silent Hill, la même question revient sans cesse : Peut-on vraiment apporter sa pierre à l'édifice de la saga sans pour autant en changer les fondements mêmes ? Difficile à dire tant les premiers épisodes, Silent Hill 2 en tête, font encore aujourd'hui office de référence absolue en matière d'horreur psychologique. Pour autant, si Climax avait su proposer deux visions intéressantes sur PSP et Wii, Double Helix s'était quelque peu fourvoyé avec son Homecoming, bien trop influencé par le cinéma de torture porn très éloigné des aspirations plus cérébrales de la série. De son côté, Vatra revient aux sources en essayant d'amener un vent de fraîcheur synonyme d'environnements plus bucoliques ou de diverses idées piochées à droite à gauche.
Pour autant, l'originalité n'est pas toujours moteur d'efficacité surtout quand les emprunts sont maladroits. De fait, on regrettera amèrement que les développeurs tchèques aient repris l'idée des courses-poursuites, au centre de Silent Hill : Shattered Memories, aussi simples qu'inutiles dans Downpour. Ainsi, la fuite en avant ne parvient nullement à induire un sentiment de peur, celui-ci étant plutôt remplacé par l'ennui profond. Néanmoins, ces courses-poursuites contre une entité de pure énergie composeront ensuite avec plusieurs idées graphiques sympathiques et l'inévitable boogey-man, sorte de monsieur loyal de l'univers altéré dont Silent Hill représente toujours la porte d'entrée. On notera à ce sujet que Vatra a décidé de quelque peu laisser en arrière-plan la dimension parallèle dans la première moitié de l'aventure au profit d'extérieurs nous permettant de visiter les abords de la bourgade américaine. Une idée intéressante quoiqu'à double tranchant.
En effet, si le tout est légitimé par l'histoire débutant sur l'accident du fourgon pénitencier transférant le prisonnier, et accessoirement héros de l'histoire, Murphy Pendleton, la suite s'avère moins convaincante. Ainsi, pour retrouver sa liberté qui se muera progressivement en quête de vérité, Murphy devra crapahuter à travers forêts, grottes et gouffres sans fond avant de rejoindre Silent Hill. Si d'un côté, on sera ravi de voir une autre facette du hameau diabolique, l'intérêt de ces pérégrinations n'aura d'égal que la construction quelque peu laborieuse faite de combats un brin irritants et de stagnation du scénario ne progressant qu'une fois arrivé en ville. Certes, quelques flash-back et autres rencontres fortuites donneront un peu d'épaisseur à l'histoire de Pendleton mais il est dommage que les développeurs se soient davantage penchés sur l'environnemental au détriment du mental.
En somme, le conventionnalisme de la seconde partie sera également synonyme de véritable départ dans le sens où les énigmes se feront plus nombreuses et corsées sans oublier la possibilité d'éviter plus facilement les créatures. Le scénario lui-même passera à la vitesse supérieure et l'immersion n'en sera que meilleure. On se retrouve donc ici face à un problème qui voudrait que Silent Hill soit lui-même prisonnier des codes qu'il a créés et qui ont fait sa renommée. Au moins aussi perturbant que quelques créatures peuplant Downpour qui se montre tout de même relativement avare en monstruosités difformes. Toutefois, les monstres seront bel et bien présents mais sachant que vos munitions et kits de soins seront en nombre réduit, vous aurez tôt fait d'éviter les combats d'autant que vos armes sont cassables. Bref, à moins de vouloir chercher quelque chose pour se défendre et ainsi profiter d'un système peu probant vous demandant tout le temps de parer puis d'attaquer dans la foulée, mieux vaudra fuir qu'affronter le danger. Le tout aura au moins le mérite d'accentuer l'impression d'insécurité bien qu'on aurait pu apprécier que ce ressenti laisse sa place à un certain malaise finalement peu présent dans ce Downpour.
Néanmoins, n'allez pas croire que ces défauts entachent le jeu au point de rendre caduque l'achat de ce dernier. Car au-delà de ses maladresses, ce Silent Hill renoue finalement avec les origines, du temps où l'invisible prédominait, où chaque bâtiment cachait une histoire et où l'héroïsme était une notion obsolète. En effet, Murphy Pendleton reste plus que jamais un personnage tragique, perdu et découvrant au fur et à mesure qui il est vraiment et ce pourquoi il se bat. Il est alors très agréable d'éprouver de doux frissons après avoir passé quelques heures à lire les multiples documents qu'on dénichera et qui nous en apprendront sur la psychologie du personnage. A ce sujet, notez que vous devrez souvent switcher entre votre lampe normale et l'ultraviolette afin de découvrir des indices invisibles à l'oeil nu. Un petit plus à l'image de quelques quêtes secondaires dont une vous demandant de libérer des oiseaux pour renouer avec l'insouciance d'un lointain passé.
Irrégulier dans sa progression et n'allant pas nécessairement chercher l'inspiration aux bons endroits, Silent Hill : Downpour n'en reste pas moins sincère et ambitieux. Ainsi, bien qu'on puisse regretter que le mélange entre tradition et originalité ne soit pas toujours probant, il est indéniable que l'histoire de Murphy, sorte de miroir à celle de James Sunderland et Harry Mason, mérite le coup d'oeil. En somme, la frustration liée aux soucis techniques et à quelques errances de construction trouvera un sauf-conduit dans tout ce qui fait le charme de la série depuis ses débuts : un sentiment de solitude, une perte de repères et un héros torturé désireux de se libérer de ses démons. C'est bien là l'essentiel et si le résultat se montre imparfait, on sera autant enclin à trouver le pardon pour Murphy qu'à l'offrir à Vatra pour services rendus.
- Graphismes13/20
Bien que cet épisode sorte des sentiers battus en nous plongeant dans une première partie plus bucolique, le tout peine à convaincre d'un point de vue technique. Néanmoins, en tenant compte de ces deux éléments, l'ensemble parvient parfois à convaincre, d'autant que certaines trouvailles visuelles sont réussies. On regrettera tout de même que derrière la plupart des points positifs, se cache un point négatif, ceci nous valant par exemple un bestiaire limité qui plus est en dents de scie.
- Jouabilité13/20
Exception faite de la relative lenteur du personnage, la jouabilité ne pose pas trop de problèmes. L'absence de HUD permet toujours une meilleure immersion et on retrouve les choix moraux issus de Silent Hill : Homecoming. L'inventaire aurait néanmoins gagné à être un peu plus fonctionnel et on se serait bien passé des armes cassables tout comme des courses-poursuites aussi inutiles que celles de Silent Hill : Shattered Memories. Mentionnons pour terminer pas mal de saccades lors de certains mouvements rapides de caméra.
- Durée de vie12/20
A l'image de ses prédécesseurs, Downpour propose plusieurs niveaux de difficulté pour les combats et les énigmes ainsi que différentes fins. Les puzzles étant dans la mouvance de ceux de Homecoming, vous devriez en avoir pour 8 heures en mode Normal.
- Bande son17/20
Si Akira Yamaoka ne rempile pas, Daniel Licht s'en sort haut la main en proposant des musiques extrêmement justes tout en optant pour une sorte de changement dans la continuité. L'excellent travail du compositeur est de plus renforcé par plusieurs clins d'oeil au premier épisode sans oublier les divers messages radiophoniques et chansons associés à l'image de ce que proposait Alan Wake.
- Scénario13/20
Alors que la première moitié du jeu est plutôt ennuyeuse et ne pousse pas vraiment à s'investir davantage, l'histoire de Murphy Pendleton gagne en profondeur et en richesse dans la seconde partie. Il faudra donc s'accrocher pour découvrir le passé de l'homme et affronter ses démons qui s'avèrent néanmoins moins kafkaïens que ceux d'Harry Mason ou James Sunderland.
Plus engagé émotionnellement que Silent Hill : Homecoming, Silent Hill : Downpour redresse un peu la barre sans pour autant atteindre le niveau de ses illustres ancêtres. La faute à un niveau technique faiblard et une construction maladroite synonyme de première moitié ne parvenant jamais à offrir une ambiance suffisamment claustrophobique. Toutefois, il est indéniable que Vatra a essayé de pousser un peu plus loin le concept de Silent Hill en reprenant plusieurs idées déjà exploitées dans d'autres jeux ou en se reposant sur une excellente bande-son. Dommage que le résultat soit au final quelque peu déséquilibré même si paradoxalement, celui-ci porte en lui les germes démoniaques d'une évolution pour le moins intéressante de la saga.