Sorti en 1997, Close Combat : Un pont trop loin avait fait l'effet d'une petite bombe dans le domaine du STR tactique, posant les jalons d'une série dont le succès ne s'est plus démenti par la suite. Centré sur le commandement de petites unités, le concept était clair : pas ou peu de gestion de ressources, pas de grande stratégie, rien que du combat, si possible les yeux dans les yeux. Un concept qui a fait ses preuves depuis, mais qui était révolutionnaire à l'époque.
Je tiens fermement les entrées du pont d'Arnhem avec mes vaillants parachutistes britanniques depuis maintenant plus de 10 jours, face à une division blindée SS qui m'en fait voir de toutes les couleurs. Mon dernier bazooka vient de rendre l'âme héroïquement et les chars allemands continuent d'affluer. C'est mauvais signe...
Close Combat : Un pont trop loin nous propose de revivre les batailles de l'Opération Market Garden en septembre 1944 qui devait permettre de prendre les ponts hollandais jusqu'au Rhin et déboucher en Allemagne. Les Alliés espéraient ainsi terminer la guerre pour Noël 1944. L'échec de cette opération fut un coup dur pour les alliés qui furent contraints de stopper leur avancée en Europe de l'Ouest pour l'hiver. Admirablement documenté, le jeu utilise pour toute cinématique des images d'archive d'époque qui permettent de resituer les batailles dans leur contexte. La centaine d'unités disponible est fidèle à l'Histoire et chaque faction (Alliés comprenant les Anglais et les Américains, contre les Allemands) possède ses caractéristiques propres (unités alliées fragiles mais nombreuses contre des Allemands surpuissants mais à la logistique limitée). Cette précision ravira les amateurs de la période, tout en conférant un bon potentiel de rejouabilité au jeu, ce qui était plutôt rare à l'époque.
Le principe est diaboliquement simple : sur des cartes en 2D soigneusement détaillées, il s'agit de mener de petites unités à la victoire, en les faisant manœuvrer en temps réel. Au total, vous disposerez sur une bataille d'une dizaine d'unités d'infanterie (des groupes de 6 à 8 fantassins, des équipes antichars) et de moitié moins d'unités d'appui (canons, véhicules blindés, mitrailleuses lourdes et chars). Le petit nombre d'unités, et leur fragilité, a l'avantage de réduire considérablement le micro-management et surtout de vous obliger à combiner leurs effets. Close Combat se révèle ainsi être un STR extrêmement tactique, d'autant que chaque unité est détaillée à l'extrême. Pour chaque soldat, munitions, moral, fatigue, tout est pris en compte. Il est illusoire d'imaginer qu'un survivant seul acceptera de monter à l'assaut d'un nid de mitrailleuses, tout comme vos hommes, en fonction de leur expérience et de leur moral, fuiront ou se rendront s'ils estiment que leur situation est désespérée.
Les ordres se transmettent par une interface simple : un clic droit sur l'unité pour la faire marcher, courir, ramper, tirer, s'embusquer ou jeter des fumigènes. Un clic sur l'objectif, et c'est tout. Revers de la médaille : si l'interface est simple, l'absence de points de passages rend hélas fréquents les problèmes de pathfinding, notamment pour les chars que vous aurez eu la bonne idée de dissimuler dans des ruelles étroites.
Concernant l'environnement, c'est une grosse trentaine de cartes, chacune avec son caractère et dans des environnements très variés (du centre-ville à la rase campagne, en passant par les inévitables ponts) sur lesquelles vous dirigerez la centaine d'unités disponible, dans différents modes de jeu. La simple bataille vous permettra de jouer sur une seule carte et chercher à prendre les points de victoire. L'opération regroupe 3 ou 4 cartes adjacentes sur un secteur et peut se jouer en plusieurs tours. Enfin, 4 campagnes (3 petites représentant les 3 grandes zones de l'opération Market Garden, et 1 grande dans laquelle vous serez sur tous les fronts à la fois) permettent de réécrire l'Histoire en fonction du camp que vous aurez choisi. N'attendez pas de grande stratégie, les batailles de la campagne se suivent en fonction des résultats de la bataille précédente et de la durée du cessez-le-feu déterminé. Les seules actions requises entre deux batailles sont la répartition des points de ravitaillement et le choix de vos unités de départ en fonction des points attribués. Ceci dit, pour pouvoir ravitailler vos parachutistes encerclés, il faudra bien tenir les zones de largage... La limite de la campagne est ici, mais c'est aussi une force. Close Combat ne vous noie pas dans la gestion, le but est bien de vous faire manger de la ferraille (numérique). On regrette toutefois l'absence du soutien aérien et de l'artillerie (réduite à quelques mortiers plutôt imprécis) : une faille comblée dans les épisodes suivants de la série.
Techniquement, le jeu est assez agréable à regarder, les cartes sont jolies et colorées, les unités, bien que petites, sont assez fidèlement modélisées, et la bande-son est de bonne facture en dépit de l'absence quasi complète de musique. Les niveaux de zooms, sans être franchement indispensables, permettent de situer l'action dans son ensemble et l'interface est lisible, quoiqu'un peu austère notamment dans les différents menus.
Là où Close Combat marque des points, c'est sur l'immersion : vous pouvez suivre chacun de vos soldats d'une bataille sur l'autre, et ce sur toute la campagne. Vous les verrez gagner en expérience et en moral au fur et à mesure que leurs actes de bravoure se multiplient, ce qui ne fera qu'accroître votre frustration quand l'une de vos unités aguerries périt bêtement et que vous devez la remplacer par un jeune bleu inexpérimenté. L'expérience de vos troupes permet d'augmenter directement leur efficacité au combat, notamment dans les situations difficiles – aussi le joueur a-t-il intérêt à bien mesurer la protection de ses unités d'élite !
Le jeu se pare enfin d'un mode multijoueur vous permettant de défier un ami sur internet ou en réseau local, et d'un éditeur de batailles qui vous permet de créer vos propres opérations à partir des cartes existantes. De quoi prolonger encore le plaisir de jeu. D'ailleurs, quelques irréductibles fans de la série se défient encore aujourd'hui sur internet... On regrettera simplement que les deux factions soient aussi inégales, le joueur dirigeant les Allemands étant inévitablement avantagé.
Close Combat : Un Pont Trop Loin avait marqué les esprits à sa sortie, voici près de quinze ans : on constate aujourd'hui que ses successeurs n'ont pas vraiment touché au concept de départ, se contentant de l'améliorer et d'y ajouter de la profondeur. Sans lui, un autre monument comme Company of Heroes n'aurait sans doute pas vu le jour... Il reste que le plaisir de jeu aujourd'hui, pour qui voudra bien faire l'impasse sur le côté vieillot des graphismes, n'a pas pris une ride.
- Graphismes13/20
Plutôt joli pour l'époque, le jeu est détaillé et les unités, quoiqu'un peu petites, facilement identifiables. On passera sur la pixellisation du niveau de zoom le plus élevé qui fait un peu mal aux yeux, pour retenir un effort jusqu'alors plutôt inédit dans cette catégorie.
- Jouabilité18/20
Deux clics pour donner un ordre à une unité, une prise en main immédiate sans être simpliste, on frise la perfection. Quelques manques (ah, les waypoints) et quelques regrets (les chars qui se cognent aux murs des maisons) mais dans l'ensemble, une vraie performance.
- Durée de vie18/20
C'est bien simple, quinze ans plus tard, on y revient toujours. Le niveau de difficulté admirablement dosé selon le camp choisi confère au jeu une rejouabilité appréciable, sans même parler de l'éditeur de cartes.
- Bande son14/20
Une musique guerrière (un peu répétitive) sur les menus, le chant des oiseaux quand le fracas du champ de bataille se calme et les cris des soldats sous le feu, l'ambiance est au rendez-vous. On préfèrera toutefois la version originale, les doublages français étant malheureusement peu convaincants
- Scénario16/20
Le jeu s'impose un respect historique appréciable (le manuel proposant même un récit de la campagne telle quelle s'est réellement déroulée) pour les fanatiques de l'époque. On regrettera l'absence d'une gestion à grande échelle dans le mode campagne qui fera son apparition chez les successeurs.
Accessible sans être simpliste, immédiatement fun mais profond : une claque monstrueuse à l'époque, dont on peut mesurer le caractère précurseur dans le domaine du STR tactique aujourd'hui. Close Combat : Un Pont Trop Loin était une référence, et malgré le poids des ans, il n'a rien perdu de sa superbe et mérite toute votre attention.