Après la blonde, la brune ! Non, il ne s'agit pas de bière, mais du premier spin-off de So Blonde, une série de jeux d'aventure déjà riche de deux épisodes. Wizarbox nous invite cette fois à incarner l'impétueuse mais néanmoins charmante Morgane Castillo, à l'époque où elle tentait de gagner ses galons de capitaine. Levons l'ancre, et en route pour une chasse au trésor dans les Caraïbes !
Croisée dans So Blonde (PC) et Retour sur l'Île (Wii/DS), Morgane Castillo est une femme de caractère, qui cultivait dès son plus jeune âge un penchant prononcé pour la grande aventure. Durant les premières minutes de jeu, on sent bien que les corvées ménagères imposées par sa mère ne lui conviennent guère, elle qui, du haut de ses 8 ans, rêve déjà de prendre la relève de son père, le pirate Alessandro Castillo. L'avenir lui permettra d'exaucer son souhait, mais de bien triste manière : suite au décès prématuré de sa mère, Morgane se voit invitée à partager les péripéties de son père dans les eaux des Caraïbes. On la retrouve une dizaine d'années plus tard, alors qu'Alessandro lui permet de faire ses preuves pour gagner ses galons de capitaine. La jeune femme doit engager plusieurs membres d'équipage, mais aussi trouver un contrat lucratif. L'occasion se présentera bientôt en la personne de Thomas Briscoe, un marchand quinquagénaire qui envisage de monter une expédition pour partir à la recherche d'un artefact légendaire : la Tortue d'Or. Ce trésor est également convoité par Hilary Simpkins, un redoutable pirate familier des joueurs de So Blonde puisqu'il deviendra Le Borgne...
Bien qu'il nous mette dans la peau d'un personnage différent, Captain Morgane et la Tortue d'Or regorge donc de références aux épisodes précédents, auxquels il est préférable (mais pas obligatoire) d'avoir joué pour saisir les nombreuses allusions qui y sont faites. L'aventure permet en effet de croiser tout un tas de visages connus et d'apporter un éclaircissement sur leur passé (celui de Diablo est particulièrement intéressant). Le joueur aura même l'occasion de rencontrer un clone de Sunny Blonde ! Mais c'en est bien fini des escapades temporelles, qui laissent cette fois la place à une trame scénaristique plus profonde et nettement moins décalée au cours de laquelle Morgane devra notamment aider son père à faire le deuil de sa femme. Qu'on se rassure : ce troisième opus ménage traits d'humour, clins d'oeil et références diverses ; mais le comique de situation ne fait pas autant mouche que dans les précédents volets. L'autre reproche que l'on pourrait formuler à l'encontre de cette nouvelle histoire écrite par Steve Ince (Les Chevaliers de Baphomet) est qu'elle se déroule en partie dans des lieux déjà visités puisque La Jouvencelle aura vite l'occasion de mouiller dans le port de l'Ile Oubliée. Mais à côté de ça, l'équipe de Wizarbox échappe à tout soupçon de recyclage en nous permettant de naviguer dans les Caraïbes et de visiter quatre îles inédites (dont Bounty Island, l'île de départ).
La progression, articulée autour de dix chapitres, est aussi encadrée que dans Retour sur l'île. On sait toujours ce qu'on a à faire (même si on ne nous dit pas comment) et en cas d'oubli, on peut se référer au journal de quêtes, dans lequel sont recensés les différents objectifs. Ces précautions n'empêchent pas Captain Morgane et la Tortue d'Or de souffrir de quelques chutes de rythme, imputables à la conception des énigmes. Ces dernières sont, dans leur majorité, particulièrement simples et accessibles à un public de joueurs occasionnels ; mais il arrive qu'on soit bloqué par des situations soumises à une logique bien trop tordue. Ainsi, après avoir détourné l'attention d'un pirate pour lui voler son sabre, qui pourrait penser que Morgane a encore besoin d'un bout de pain tout gras pour parvenir à ses fins ?! A ce sujet, on regrette aussi que l'héroïne ne puisse toujours pas annuler une action et ne fasse toujours pas entendre de réprobation en cas de mauvaise association d'objets. On retrouve pour le reste une prise en main à la Wiimote et au Nunchuk identique à celle de Retour sur l'Île, permettant de déplacer le personnage en pointant/cliquant ou en se servant du stick analogique, et offrant un inventaire pratique, une option permettant de révéler les éléments interactifs de l'écran, ainsi que la possibilité de se déplacer rapidement en utilisant une carte.
Captain Morgane et la Tortue d'Or bénéficie d'une jolie mise en images. Les décors adoptent un style cartoon encore plus prononcé, tandis que les portraits qui s'affichent lors des séquences de dialogues s'appuient sur un character-design de haute volée. Dommage que cette version en basse résolution propose un rendu visuel forcément moins fin que sa consoeur PC. On peut également regretter que les défauts qui entachaient les épisodes précédents n'aient pas tous été corrigés. Les animations beaucoup trop rigides (hélas typiques de Wizarbox), les doublages inégaux, l'absence de synchronisation labiale, la mise en scène peu travaillée, les cut-scenes un peu cheap, les thèmes musicaux répétitifs et la présence de mini-jeux dénués de toute valeur ajoutée (même s'ils ont le mérite de se montrer plus anecdotiques que par le passé) : voilà autant d'écueils qui subsistent et qui pénalisent quelque peu l'expérience de jeu. Mais si Captain Morgane et la Tortue d'Or n'a pas l'envergure d'un Monkey Island, c'est sans déplaisir que l'on avale la dizaine d'heures nécessaires pour boucler l'aventure. S'il risque une fois de plus de diviser les adeptes, on peut le conseiller à un public plus occasionnel, qui trouvera là un dépaysement sympathique à un tarif raisonnable.
- Graphismes14/20
Le rendu visuel est globalement réussi, mais on regrette une fois de plus le contraste entre la beauté des environnements et la rigidité de l'animation des personnages. Les cut-scenes (et notamment la séquence d'introduction) sont toujours aussi cheap. En revanche, mention spéciale aux superbes portraits qui s'affichent lors des dialogues.
- Jouabilité17/20
Il n’y a pas grand-chose à reprocher à la jouabilité, si ce n’est l’impossibilité d’annuler un déplacement enclenché ou la présence de quelques mini-jeux dispensables. La maniabilité est bien étudiée et le jeu intègre quelques fonctions bienvenues (journal de quêtes, déplacements rapides...).
- Durée de vie12/20
Captain Morgane et la Tortue d'Or est susceptible de procurer une dizaine d’heures de jeu aux adeptes du genre, et bien davantage aux utilisateurs moins avertis. Ces derniers buteront notamment sur quelques énigmes un peu tordues, qui tranchent avec la simplicité globale du titre.
- Bande son10/20
Une fois de plus, si les thèmes musicaux sont bien dans le ton, on ne peut que regretter qu'ils se réduisent trop souvent à quelques accords répétés inlassablement jusqu’à ce que l’on quitte la zone de jeu. Les bruitages ne sont pas suffisamment nombreux et les doublages sont inégaux.
- Scénario13/20
Le passage de Sunny à Morgane ne permet plus au comique de situation de profiter, comme dans les deux volets précédents, du décalage entre l'héroïne et le monde sur lequel elle échouait. Mais si les enjeux qui motivent Morgane sont un tantinet moins légers, l'humour reste bien présent.
Captain Morgane et la Tortue d'Or est un jeu d'aventure distrayant, qui a toutefois le tort de mouiller entre plusieurs eaux et de se heurter à quelques écueils. L'abandon de Sunny au profit de Morgane permet de développer un récit aux accents initiatiques et aux enjeux plus intéressants, mais le comique de situation ne fait pas autant mouche que dans les volets précédents. De même, les énigmes qui oscillent entre le "trop simple" et le "trop tordu" risquent de ne contenter ni les adeptes du genre ni le public plus occasionnel visé par le jeu. Enfin, on ne peut que déplorer le contraste entre les indéniables qualités artistiques du titre (qui culminent dans un character design d'exception) et ses faiblesses techniques. Le titre de Wizarbox reste toutefois un point'n click recommandable, susceptible de procurer un dépaysement agréable à un tarif correct.