Bien avant des jeux tels que Spore, les joueurs ont pu s'essayer en 1992 au concept étonnant de E.V.O. : Search for Eden. Un titre vraiment original pour son époque, qui propose d'incarner une créature devant évoluer et survivre dans un monde hostile. Une formidable idée en apparence, mais malheureusement pas si bien exploitée que cela au final.
S'atteler à un jeu tel que E.V.O., c'est toujours un exercice tortueux. Il est difficile de lui définir un genre précis puisque le titre comporte des éléments de jeu de rôle mais aussi de plates-formes. Il arbore également un concept atypique et totalement novateur pour son temps. En effet, E.V.O. reprend dans les grandes lignes le principe de sélection naturelle de Darwin. Sans partir dans les fondements scientifiques et encore moins philosophiques de cette théorie, disons simplement que l'on vous propose ici d'incarner une créature à différents stades de son évolution. L'aventure se découpe en cinq périodes clés qui renvoient chacune à une phase spécifique de cette évolution. Vous débutez ainsi par le stade de poisson puis d'amphibien, ensuite de dinosaure, de mammifère et pour finir d'être humain. Le but global de cette épopée, c'est tout simplement de survivre à la faune locale afin de passer à l'ère suivante. Un système qui s'annonce donc fort sympathique et qui promet une aventure bien en marge des habituelles productions d'Enix.
Bien que l'accent soit placé sur l'évolution de votre créature, le jeu propose quand même un semblant de scénario. Il y a 5 milliards d'années, le Soleil avait neuf filles dont l'une nommée Gaia. Régulièrement, il confiait à cette dernière un « enfant » devant survivre aux différentes épreuves de la nature. Celui qui réussira à survivre à ce test sera à même d'atteindre l'Eden et de créer une nouvelle ère. Comme vous l'avez sans doute compris, vous incarnez donc un « enfant » de Gaia. Le jeu est pour ainsi dire basé sur un savant mélange de concepts scientifiques, de morales philosophiques et d'idées religieuses. Un beau méli-mélo dont on ne saisit pas forcément tous les aboutissants, que ce soit au début comme à la fin du jeu. C'est assez complexe comme approche, même si tous les concepts susmentionnés se résument au final à leur plus simple expression. Pour en revenir au jeu même, Gaia vous envoie passer votre épreuve de survie sur la Terre, au travers donc de cinq phases majeures de son histoire. Chacune d'elles correspond à une période précise, qui prend la forme d'une mappemonde avec différentes zones à traverser. Pour donner une idée, le tout ressemble fortement au principe de stages d'un Super Mario World. Chaque fois que vous terminez un niveau, un nouveau se débloque et ainsi de suite jusqu'à un boss qui clôture le chapitre. Une fois vaincu, vous passez à l'ère suivante et vous changez de forme physique.
Il faut en outre différencier deux types d'évolution. Il y a donc les changements radicaux qui s'opèrent à chaque nouvelle ère, en vous faisant passer par exemple du statut général de poisson à celui d'amphibien. Et puis il y a les modifications ponctuelles apportées à l'espèce que vous incarnez sur le moment, en changeant les différentes parties du corps de votre créature. Pour cela, vous avez à votre disposition un menu comprenant divers éléments corporels que vous pouvez modifier à votre guise. Du moins, si vous possédez suffisamment d'EVO, points que vous récupérez tout simplement en dévorant les nuisibles qui vous entourent. Plus un ennemi est imposant et plus il donne de points une fois défait. Lorsque vous possédez les points requis, il suffit de choisir l'amélioration souhaitée, sachant qu'elles influent toutes sur votre fiche de statistiques. Par exemple, investir dans des dents plus aiguisées augmente votre force, quand une amélioration du corps renforce la défense ou l'agilité. Sachez également que certaines modifications apportent à la fois un bonus et un malus à vos statistiques. Cependant, souci de taille, il n'y a pas de liaison directe entre l'écran d'amélioration et celui des statistiques. Ce qui signifie que vous ne savez jamais ce que telle amélioration apportera à votre créature, sauf une fois le choix opéré. Fort heureusement, on peut jongler comme bon nous semble entre n'importe quelles modifications tant que l'on possède suffisamment d'EVO points. De plus, chaque investissement dans une partie du corps modifie l'apparence de votre créature. Autant dire que c'est vraiment excitant de tester plusieurs configurations d'éléments et d'admirer le résultat. Un résultat qui ne se veut d'ailleurs pas forcément cohérent avec la réalité, avec souvent de drôles de bêtes hybrides. Mais ce côté expérimental est tout sauf un défaut, bien au contraire.
Ces changements influent sur vos statistiques et votre forme physique, mais également sur le gameplay du jeu. Dans la majorité des cas, vous débutez une ère avec une créature minuscule et faible, pas très agile et assez lente. Les premiers ennemis rencontrés le sont tout autant, rassurez-vous. Mais le tout se corse parfois très vite d'un stage à un autre, annonçant clairement qu'il est temps d'investir vos points d'EVO. Outre l'augmentation de statistiques, les changements permettent à votre créature de prendre physiquement le dessus. Par exemple, agrandir le cou apporte une meilleure allonge pour attaquer vos adversaires, ou bien posséder une meilleure queue permet de sauter bien plus haut. C'est notamment utile pour atteindre quelques corniches. Vous pouvez également influer sur le fait de rester à quatre pattes ou d'être debout. En bref, même s'il n'y a pas forcément beaucoup d'éléments à modifier, le moindre petit changement peut avoir des répercussions notables sur le gameplay. A ceci s'ajoute un système de cristaux, étroitement lié au scénario mais très peu développé au final. Il en existe de différentes couleurs, et on retiendra surtout celui permettant de sauvegarder sa forme évoluée pour la réutiliser temporairement dans une autre ère. Très utile pour traverser une zone où l'on éprouve quelques difficultés. Néanmoins, il ne faut pas s'attendre non plus à des miracles au niveau du gameplay global. Les actions en jeu sont vraiment minimes et surtout très vite rébarbatives. Il faut bien comprendre que chaque stage dans une ère se résume à attaquer, manger, attaquer, manger. Le gameplay ne se renouvelle en aucun cas, mis à part dans de très rares situations. Ne parlons même pas de la structure des niveaux, puisqu'ils sont tout bonnement vides. Après, il y a bien de petites histoires qui incitent à sauver une espèce d'une dangereuse créature. Mais dans le fond, ça ne change strictement rien à la répétitivité des actions et au manque de contenu. Autant dire qu'au début c'est amusant, mais que cela devient vite lassant de réitérer continuellement les mêmes gestes durant des heures sur des niveaux sans réel intérêt. Le jeu tente de devenir moins linéaire par la suite, mais sans succès.
Malheureusement, le level design n'est pas que le seul défaut majeur du jeu. Que le gameplay soit répétitif, c'est certes contraignant mais on arrive encore à passer outre grâce au système d'évolution. Mais si la technique elle-même ne suit pas, on ne peut plus rien faire. Les problèmes de hitbox sont continuels, le moindre contact avec un adversaire engendre des dégâts. Donc si après un malheureux saut vous vous retrouvez en plein sur le sprite ennemi, vous subirez alors des dégâts en continu jusqu'à sortir de sa hitbox. Résultat des comptes, vous mourrez souvent sans avoir pu faire quoi que ce soit. Vous reviendrez alors sur la mappemonde avec votre stock de points EVO divisé par deux. Pas la peine de préciser que c'est plus qu'énervant. D'ailleurs, vu que l'unique intérêt du jeu est cette collecte de points, vous finirez par camper un niveau assez simple pour farmer en boucle tous les ennemis. Vu que ces derniers réapparaissent à l'infini, vous voilà parti pour d'incessants allers-retours à croquer tout ce qui bouge. Encore une fois, c'est loin d'être palpitant. A ceci s'ajoute un autre problème de poids, à savoir des ralentissements lorsque trop de sprites se présentent à l'écran. En pratique, avec juste trois ennemis qui vous entourent, le jeu devient vite ingérable. Un manque d'optimisation assez impressionnant pour le coup, il faut bien l'avouer. A présent, vous combinez ces soucis de hitbox et de ralentissements, et vous imaginez bien la galère face aux boss. Vu que le gameplay n'est pas très développé, il faut donc faire en sorte d'esquiver en sautant et d'attaquer au moment opportun. Mais le boss vous fonce dessus ou saute lui-même carrément dessus, quand il ne s'amuse pas à balancer pléthore de projectiles qui ralentissent considérablement le jeu. Au final, tout ce que l'on essaye de faire c'est de le bloquer dans un coin et de marteler la touche d'attaque jusqu'à sa mort.
Malgré tous ces défauts qu'on ne peut en aucun cas pardonner, il faut garder en tête que E.V.O. reste une sorte d'ovni vidéoludique auquel on s'attache malgré tout. Il s'agit d'un titre qui souffre de nombreuses imperfections mais qui arrive néanmoins à dégager une certaine magie. Et parfois même une émotion vraiment unique. Ne serait-ce que pour son concept marginal, il faut l'essayer.
- Graphismes13/20
Ce n'est pas transcendant visuellement. Il y a certes un travail conséquent sur les différentes évolutions possibles de votre créature, tout comme sur les sprites des ennemis ou des animations en général. Mais à côté, il faut avouer que les décors sont vraiment vides et qu'ils sont en plus réutilisés maintes fois dans de nombreuses zones de jeu.
- Jouabilité12/20
Au début, le concept du jeu prend le pas sur le gameplay. C'est répétitif mais vite prenant d'être un pauvre petit poisson qui doit évoluer afin de devenir le maitre des océans. Cependant et malgré quelques rares idées sympathiques, les limites du gameplay se ressentent rapidement. Il faut dire que les problèmes techniques n'aident vraiment pas non plus, que ça soit par les hitbox mal réglées ou par des ralentissements intempestifs. Surtout lorsque le jeu rame alors que les décors sont vides et qu'il n'y a que trois pauvres ennemis à l'écran, donnant vraiment l'impression d'un jeu bâclé.
- Durée de vie13/20
E.V.O. paraît très fun au premier abord. On dévore les créatures locales, on survit aux plus grosses pour finalement toutes les dominer. Malheureusement, la répétitivité des actions combinée à des stages sans originalité laisse place à une certaine morosité chez le joueur. Encore plus lorsque les stages en fin de jeu deviennent pour on ne sait quelles raisons des dédales d'un ennui mortel. Comptez donc entre 5 et 10 heures pour parvenir à l'Eden et terminer le jeu.
- Bande son14/20
Le problème majeur de la bande-son, c'est que les titres les plus marquants sont utilisés sur des écrans de transition qui ne durent que quelques instants. Au pire, ils passent inaperçus. A l'inverse, les différents stages du jeu sont accompagnés de thèmes sympathiques mais bien moins inspirés, et qui tournent surtout inlassablement en boucle.
- Scénario14/20
Peut-on réellement parler de scénario ? Il y a bien une trame de fond qui consiste à traverser les différents âges afin d'atteindre l'Eden, ainsi qu'une histoire de cristaux qui influent bizarrement sur l'évolution des espèces. Mais sincèrement, tout ceci passe complètement au second plan jusqu'au boss final. Le seul objectif que l'on se fixe, c'est de survivre, d'évoluer et de terrasser les espèces dites supérieures afin de passer à l'ère suivante. C'est bien ce principe de sélection naturelle qui donne toute sa force au soft, en accaparant l'attention du joueur et ceci malgré les lourds défauts rencontrés.
Qu'on se le dise bien, E.V.O. : Search for Eden possède un concept vraiment atypique et attrayant. Le fait d'être placé au cœur même de la sélection naturelle, dans le but de survivre et d'évoluer, laisse présager un jeu original et captivant. On ne peut nier également que quelques idées vraiment plaisantes apparaissent au cours de l'aventure si l'on se donne la peine de farfouiller un peu. Malheureusement, force est de constater qu'un concept prometteur ne fait pas tout. Entre son gameplay ultra répétitif et une technique parfois à la ramasse, le titre captive en effet le joueur mais peine sur le long terme à proposer un réel contenu digne d'intérêt.