De tous les jeux planifiés pour le lancement de la Playstation Vita, Escape Plan compte incontestablement parmi ceux qui ont le plus su éveiller notre curiosité. De par son parti pris graphique audacieux, son gameplay illustrant parfaitement les spécificités de la machine et son atmosphère très soignée, le titre de Fun Bits fait partie des softs les plus attractifs sur ce support.
Tout commence là où tout aurait pu finir, dans une prison. Lil et Laarg sont deux détenus peu ordinaires dans un monde qui n'a pas grand-chose de commun avec le nôtre. Dépourvu de couleur, cet univers abrite des créatures sans visage, leurs émotions ne transparaissant qu'à travers leurs orbites vides mais néanmoins dotées d'expressions. Capturé par un dénommé Bakuki, le petit Lil ronfle paisiblement dans sa cellule, attendant de connaître le sort que lui réservera son geôlier. Et parce qu'on sait que ce genre d'histoire finit toujours mal, c'est à ce moment précis que vous entrez en scène. Faisant fi de tout sentiment, vous secouez brutalement l'individu paresseux d'une simple pression sur l'écran tactile, interrompant aussitôt sa sieste ainsi que la jolie mélodie qui accompagnait son voyage dans le royaume des songes.
Il est temps de rassembler vos esprits car la porte s'ouvre sur un véritable parcours du combattant qui va vous demander beaucoup de sang-froid avant de déboucher sur la liberté. Les premiers tableaux se bornent à jouer leur rôle de didacticiel, nous permettant d'appréhender par nous-mêmes la manière dont on pourra faire évoluer Lil dans ces environnements monochromes bourrés de pièges mortels. Très vite, notre héros est rejoint par un acolyte ventripotent qui, sans qu'aucune parole ne soit prononcée, se rallie à la cause de son nouvel ami dans l'espoir de trouver le chemin de la sortie. Cet épais monsieur s'appelle Laarg, et, tels Laurel et Hardy, notre duo insolite devra évoluer de concert pour progresser dans les différentes salles de cette prison. Lorsque les deux captifs sont réunis, le joueur a la possibilité de passer de l'un à l'autre à tout moment, chacun ayant évidemment quelques talents bien spécifiques. Lil, par exemple, ne résiste pas à l'appel du distributeur de boisson, ce qui lui permet, une fois ivre, de hoqueter violemment pour se propulser d'un bond sur de longues distances. Aussi gros qu'il puisse être, Laarg est tout de même capable de s'embarquer dans des bulles qui le transportent dans les airs, mais sa spécialité reste quand même la démolition de plancher à coups de popotin.
L'un des principaux attraits d'Escape Plan réside dans sa bande-son singulière. Les musiques, majoritairement composée de thèmes classiques très connus mais sachant aussi s'orienter vers le jazz ou d'autre styles plus variés, y jouent un rôle essentiel en termes d'immersion. Ceux qui ont vu les trailers du jeu seront d'ailleurs ravis de constater que le morceau intitulé In the Hall of the Mountain King (issu de Peer Gynt, la pièce de Grieg) est bien présent dans le jeu. Plus original, le rôle des bruitages est un autre élément ayant bénéficié d'un soin tout particulier de la part des développeurs. Selon ce qui se passe à l'écran, il arrive d'entendre des applaudissements et des rires, comme si tout se passait sous les yeux d'un public fictif que l'on imagine confortablement installé devant une pièce de théâtre ou un film muet. Les bruitages bien gras prêtent à sourire et renforcent le caractère grotesque des situations qui virent parfois presque au cartoon lorsque nos deux compères se retrouvent pulvérisés et réduits en une informe bouillie noire qui tache les murs.
On nage donc un peu entre Lemmings et Limbo, Escape Plan ne reprenant pas seulement l'esthétique monochrome de ce dernier mais aussi son principe éprouvant du « die & retry ». Chaque mort permet en quelque sorte de tirer la leçon de ses erreurs passées. Mais même lorsqu'on a parfaitement compris ce que le jeu attend de nous, il faut faire preuve d'une maîtrise parfaite du timing pour se sortir des situations les plus délicates. Et pour bien narguer le joueur, les nombres qui apparaissent en gros sur le ventre des deux compères symbolisent leur compteur de morts... Il faut dire que les pièges sont plutôt vicieux, s'activant parfois de manière trompeuse ou se rétractant sans crier gare. Les boutons n'étant pas utilisés dans le jeu, on peut seulement interagir avec le décor en poussant les objets vers le fond d'une simple pression sur l'écran tactile supérieur, ou au contraire les faire ressortir en direction du premier plan grâce au pavé tactile situé au dos de la console. En pinçant les deux écrans, on peut déclencher le fameux hoquet de Lil, évoqué plus haut, ou se dégonfler progressivement, et d'autres gestes simples permettent d'influer sur le comportement des deux héros de manière analogue.
Si Lil et Laarg ne résistent pas à une chute de plus de 2 cm de haut, on peut tout de même amortir leur atterrissage en faisant tomber des sacs-poubelle ou des vieux matelas en contrebas. En aspirant de l'hélium, Lil gonfle tel un ballon de baudruche et son mouvement ne peut être contrôlé qu'en inclinant la console sur les côtés pour l'orienter. Les deux sticks assurent quant à eux la bonne gestion des caméras. Outre les pièges inanimés qu'il faut manoeuvrer avec beaucoup de prudence, les salles de la prison abritent des créatures ennemies dont le design rappelle beaucoup celui des ruines insidieuses d'Alice : Retour au Pays de la Folie. Si vous ne pouvez pas les attaquer directement, vous pouvez néanmoins faire diversion en tapotant l'arrière de la console pour les attirer vers une mort certaine. A l'inverse, les moutons noirs sont vos alliés mais ils fuient au moindre bruit suspect. A vous d'exploiter cette particularité pour déclencher des stimuli afin de déjouer les embûches mises en place dans chaque niveau. Bien que la difficulté soit très progressive, le timing souvent serré imposé à certains moments du jeu vous incitera peut-être à recourir à la fonction permettant de zapper le tableau en cours. Une option dont il vaut cependant mieux ne pas abuser car le jeu n'est pas très long, même s'il est possible d'y revenir ensuite en mode Défi. Escape Plan ne nous aura finalement pas déçus et mérite de faire partie de vos premiers achats sur Vita.
- Graphismes15/20
A l'instar d'un jeu comme Limbo, le choix d'une réalisation monochrome apporte un cachet spécial au titre en faisant ressortir, entre autres, le caractère grotesque des animations. Le design des personnages et des créatures qui peuplent la prison renforce cette atmosphère faussement glauque.
- Jouabilité15/20
La maniabilité est entièrement tactile et repose en grande partie sur les interactions liées aux pressions sur le dos de la console. Le concept est intéressant mais, à moins d'être un véritable contorsionniste des doigts on s'emmêle parfois les pinceaux dans les niveaux les plus délicats. Enfin, le principe du « die & retry » pourra peut-être en rebuter certains.
- Durée de vie12/20
Le soft est constitué d'une succession de niveaux extrêmement courts qui s'enchaînent sans interruption de la musique ni temps de chargement néfastes. On dénombre 8 sections composées chacune de 10 à 15 tableaux chacune et renfermant quelques stickers cachés dans les environnements. Le chrono et le nombre de morts sont pris en compte pour ceux qui veulent refaire l'aventure en mode Défi.
- Bande son16/20
Les musiques, majoritairement composées de thèmes classiques très connus mais sachant aussi s'orienter vers des styles plus variés, jouent un rôle essentiel en termes d'immersion. Les bruitages sont également très travaillés et donnent l'impression que tout se déroule sur une scène de théâtre.
- Scénario10/20
Voilà un aspect du jeu que l'on aurait aimé plus développé. A chacun de se faire son propre film à partir des quelques bribes narratives prodiguées au fil de l'aventure.
Aussi audacieux et déroutant qu'un Limbo, Escape Plan remplit son contrat en nous offrant une expérience de « die & retry » à la fois singulière et fascinante. L'ambiance est particulièrement réussie et le gameplay suffisamment original pour nous scotcher d'un bout à l'autre de l'aventure. Reste une durée de vie un peu faiblarde, pour un jeu qui illustre en tout cas de bien belle manière les spécificités tactiles de la machine.