Il y a bientôt deux ans, Shank débarquait sur PC avec son look de Sioux, sa classe animale et sa soif de vengeance. Il n'était pas bon d'être un bad guy si l'on ne voulait pas finir avec une main en moins, un trou dans le bide ou une grenade au fond de la gorge. Aujourd'hui, le héros violent et taciturne est de retour dans un second épisode encore plus efficace, qui devrait ravir les adeptes de beat'em all nerveux.
Shank, il faut pas trop le déranger, surtout pendant ses vacances. Alors qu'il sillonne l'Amérique du Sud à bord d'un autobus, ce dernier est soudain attaqué par un groupe de guérilleros. Les assaillants font partie de la milice du Président Magnus qui, sous le couvert de sa lutte contre les cartels de drogue, commet en réalité des exactions bien pires. Elle organise notamment des enlèvements parmi la population locale, pour on ne sait quelle raison. Shank va devoir tirer cela au clair, et comme la subtilité n'est pas le fort du bonhomme, c'est à coups de machette, de shotgun et de tronçonneuse qu'il va se frayer un chemin jusqu'à l'horrible vérité. Comme vous pouvez le constater, le scénario de Shank 2, qu'on croirait sorti d'un synopsis de Robert Rodriguez, ne vole pas beaucoup plus haut que celui du premier volet. Ca n'a guère d'importance, car il suffit amplement au propos. Par contre, on peut regretter que la narration soit un peu moins aboutie : si elle profite toujours de nombreuses cut-scenes supervisées par l'artiste Jeff Agala, elle ne s'appuie plus sur ces incrustations de vignettes animées au beau milieu des niveaux, qui donnaient l'impression d'évoluer dans un véritable comic-book. Shank 2 entend se recentrer à 100 % sur l'action, et ça ne lui réussit pas trop mal !
Les efforts semblent avoir porté sur le gameplay, bien plus maîtrisé que dans le premier opus. Non qu'il soit fondamentalement différent : les évolutions sont même suffisamment discrètes pour qu'on ne les remarque pas tout de suite. Mais les quelques errances du premier volet ne sont plus qu'un mauvais souvenir. Plus maniable, plus précis et plus réactif, Shank bénéficie aussi de contrôles plus intuitifs. La jouabilité a été repensée pour que le joueur conserve la maîtrise de l'action même dans les situations les plus critiques. Klei Entertainment a décidé que Shank ne pourrait plus transporter qu'un nombre limité d'armes : une par catégorie (blanches, à feu ou de lancer), qu'il conviendra de choisir avant chaque niveau, avec l'impossibilité de switcher entre plusieurs armes du même type comme avant. Pour compenser cette restriction, les développeurs ont souhaité enrichir le gameplay. Tout d'abord, en multipliant les occasions de tirer parti du décor – dont certains éléments sont interactifs ou destructibles – pour se défaire de ses adversaires. Ensuite, en truffant chaque niveau d'outils divers et variés (barre à mine, coutelas, maillet, faux, pelle, torche...) dont on peut se servir pour massacrer ses opposants. Enfin, en conférant aux combats la technicité qui leur manquait.
Plus variés, plus vifs et plus fourbes, les ennemis rencontrés incitent à moduler les approches, à ne pas abuser du "rentre-dedans" et à utiliser les capacités défensives de Shank, qui ont d'ailleurs été étoffées. Outre un mouvement d'esquive plus facile à réaliser (il suffit d'un coup de stick droit), il est désormais possible de contrer les attaques adverses en réagissant promptement à l'apparition d'un petit point d'exclamation. Shank s'empare alors de l'arme de son agresseur et la retourne contre lui dans le cadre d'un finish move aussi gore que jouissif. On retrouve bien entendu les coups et les combos du premier volet, comme la possibilité de bondir sauvagement sur l'ennemi, de le tabasser au sol, ou encore de lui faire avaler une grenade après l'avoir saisi. Globalement plus technique et plus exigeant tout en restant relativement bourrin, le gameplay permet toujours d'enchaîner les coups de façon grisante. Le scrolling particulièrement fluide, qui sert à merveille la nervosité de l'action, s'interrompt parfois à l'occasion d'une arène où les ennemis surgissent de partout, ou encore d'un affrontement contre un boss. Similaire à l'épisode précédent, le level design est toutefois plus travaillé et doté de phases de plates-formes mieux intégrées.
Artistiquement parlant, Shank 2 est une véritable orgie visuelle. Le jeu adopte une fois de plus ce style inimitable qui mélange décors monochromes à base de photos d'archive et personnages de comic-books hauts en couleur, le tout magnifié par les flots d'hémoglobine produits par la violence outrancière. Les différents environnements de jeu (village, jungle humide, pyramide aztèque, cargo, station balnéaire...), qui bénéficient tous d'un scrolling différentiel sur plus d'une demi-douzaine de plans, figurent parmi les plus beaux décors en 2D qu'il nous ait été donné d'admirer. Dommage que les niveaux ne soient qu'au nombre de huit, là où le premier jeu en proposait une douzaine (pour un tarif néanmoins plus élevé). Or, Shank est tout aussi increvable que dans le premier volet puisqu'il bénéficie de checkpoints très fréquents et de continues illimités. Même si la difficulté, une nouvelle fois mal dosée, contraindra le joueur à reprendre plusieurs fois le même passage alors qu'il vient de survoler les 10 dernières minutes, Shank 2 se boucle bien trop rapidement. L'aventure solo procure deux heures de jeu en Normal, ce qui rend l'expérience assez éphémère, aussi intense soit-elle. Heureusement, un mode multijoueur vient une fois de plus étoffer le contenu.
Changement d'optique en ce qui concerne ce mode deux joueurs : il ne constitue plus une variante coopérative de l'aventure principale, mais prend la forme d'un défi dans lequel les deux compères doivent résister à des vagues illimitées d'ennemis. Jouable en local ou en ligne, il permet de choisir entre 16 personnages différents (à débloquer pour la plupart), mais aussi de sélectionner son arsenal. L'un d'eux peut d'ailleurs être incarné momentanément dans le mode solo. A la fin de chaque vague, il est possible d'acheter des power-up (regain de vie, armes originales...) pour se préparer au mieux à affronter la suivante. La partie prend fin lorsque les joueurs, qui peuvent se ressusciter l'un l'autre, se retrouvent tous les deux au sol, ou lorsque leurs adversaires sont parvenus à faire exploser toutes les bombes à l'écran, qu'il est possible de désamorcer. Ce mode de jeu surprenant, aux accents très "arcade", tire l'essentiel de son fun des arènes interactives et truffées de pièges dans lesquelles il se déroule. Celles-ci ne sont hélas qu'au nombre de trois, ce qui fait qu'on en a vite fait le tour. Bref, que ce soit en solo ou en multi, Shank 2 est un beat'em all vraiment plaisant mais un peu court, en dépit de son tarif adapté. D'un autre côté, si on en veut plus, c'est signe qu'on a pris son pied !
- Graphismes18/20
Tout simplement sublime, Shank 2 reconduit le style visuel inimitable du premier volet. Les décors sont d'une beauté prodigieuse, les personnages superbement animés, et le scrolling différentiel sur plusieurs plans (encore plus travaillés) est d'une fluidité irréprochable.
- Jouabilité16/20
Shank 2 est bien plus agréable à jouer que son prédécesseur. La maniabilité, la précision et la réactivité du héros ont été améliorées pour aboutir à une expérience à la fois plus technique et plus nerveuse, enrichie de nouveaux mouvements et de possibilités d'interaction avec le décor.
- Durée de vie9/20
Bien trop courte pour ne pas laisser le joueur sur sa faim, l'aventure principale ne propose guère plus de deux heures de jeu. Si vous aimez jouer en ligne ou si vous avez un ami sous la main, vous pourrez toutefois prolonger le plaisir avec un mode 2 joueurs plutôt fun et bien conçu.
- Bande son15/20
Les thèmes musicaux sont un peu moins marquants que ceux du premier volet, mais ont le mérite de se montrer variés tout en restant dans le ton. Même si les bruitages sont inégaux (stop au doublage des chiens par des humains !), on constate avec plaisir que leur impact a été renforcé.
- Scénario10/20
Le scénario tient toujours sur une feuille de papier à cigarette, et souffre cette fois d'une narration moins inspirée. Même si cet aspect n'est pas primordial, c'est un peu dommage. On regrette aussi que les cut-scenes ne soient toujours pas localisées (et alors, Electronic Arts ?).
Shank 2 est l'exemple même de la suite réussie. D'une beauté visuelle sidérante, cette suite propose surtout un gameplay bien plus gratifiant. Plus maniable, plus réactif et plus précis, le héros nous emporte sans aucune peine dans son tourbillon de violence, et c'est le sourire aux lèvres que l'on enchaîne les coups de façon fluide et grisante. Hélas, aussi intense soit-elle, l'expérience solo se révèle bien trop éphémère pour ne pas laisser le joueur sur sa faim. Comme il ne trouvera guère plus de consistance dans le mode multijoueur, pourtant bien sympathique, il se surprendra à guetter un troisième volet, ce qui est somme toute bon signe.