Le jeu de baston nous gratifie ces derniers temps d'un joli retour en force. Mais cette embellie concerne étrangement davantage les titres en 2D que les séries qui ont opté pour la 3D.Les petits gars de chez Namco Bandai sont bien décidés à faire mentir ce constat en remettant la licence SoulCalibur sur les rails. Ils nous proposent ainsi un nouvel épisode censé mettre la bonne vieille recette au goût du jour sans pour autant trahir l'héritage des précédents épisodes. Si le résultat est plutôt probant du point de vue du gameplay, le contenu du titre nous amène forcément à formuler quelques réserves.
Ce n'est pas pour rien que la licence SoulCalibur est l'une des plus populaires du petit monde des jeux de combat : la série a en effet toujours brillé aussi bien visuellement qu'en termes de prise en main. Les différents opus se sont en effet toujours montrés graphiquement éblouissants et capables de rassembler autour de la même console le joueur acharné et le petit frère un peu moins habile. Les équipes de Namco Bandai comptent évidemment sur ces deux points forts pour relancer la machine avec ce nouvel épisode. Attendez-vous donc à une véritable claque visuelle et à une prise en main à la fois riche et accessible. Faut-il en conclure que nous avançons en terrain connu ? Heureusement cet opus vous réserve quelques surprises, à commencer par le fait qu'il opère un véritable bond dans le temps par rapport à ses aînés. Vous voilà en effet transposé 17 ans après les événements de SoulCalibur IV pour suivre l'aventure des deux enfants de Sophitia, Patroklos et Pyrrha. Leur destin est marqué par la lutte ancestrale entre les deux épées mythiques : le premier a été désigné pour porter la Soul Calibur tandis que sa sœur est intimement liée à la Soul Edge...
Cette trame scénaristique et ce saut d'une génération à l'autre sont censés justifier un renouvellement du casting, mais ils s'accompagnent aussi de vraies modifications de gameplay. SoulCalibur V est en effet bien plus nerveux que son aîné et propose un style de jeu plus agressif. On remarque ainsi que les combattants se déplacent plus vite et qu'ils sont désormais capables de réaliser des quick steps, des pas de côté extrêmement rapides qui leur permettent d'esquiver les attaques verticales au dernier moment. Une autre nouveauté est là pour avantager les joueurs disposant d'un excellent sens du timing : si vous appuyez sur la garde pile au moment où le coup va vous toucher, vous disposerez d'une belle ouverture pour riposter. Dès le premier coup d'œil, on se rend compte aussi que l'interface a été légèrement modifiée, les témoins qui représentaient l'état de la tenue ont notamment disparu. En effet, on peut toujours détruire des éléments de l'armure de votre adversaire mais les conséquences sont seulement esthétiques. La jauge d'âme s'est aussi volatilisée pour laisser sa place à une jauge critique. Attention, n'imaginez pas que ce changement vous donnera le droit d'abuser de la garde, à force de bloquer des coups votre barre de vie finira par clignoter en jaune puis en rouge. C'est le signe que votre défense est sur le point de céder ! Votre adversaire aura alors même le privilège de profiter d'un petit ralenti pour vous préparer son plus joli combo.
La toute nouvelle jauge critique mérite toute notre attention. Elle dispose de deux charges et se remplit relativement vite lorsque vous donnez ou que vous encaissez des coups. Le combattant qui est sur le point de perdre se voit même attribuer une charge entière au début de la dernière manche. Gardez cette fameuse jauge à l'œil, son précieux contenu vous permettra d'effectuer trois types de mouvement différents. Le premier est le Brave Edge, il s'agit d'une version un peu boostée d'une attaque spéciale ordinaire qui va consommer la moitié d'une jauge critique. Il suffit d'appuyer simultanément sur les trois boutons de coups (ou sur le bouton auquel est attribué cette commande) après une attaque spéciale. L'Edge Critique est un mouvement qui est généralement encore plus destructeur et qui vient pomper la totalité d'une jauge critique. La manipulation pour l'enclencher est toujours la même, il s'agit de faire deux quarts de cercle avant et d'appuyer encore simultanément sur le coup vertical, le coup horizontal et le coup de pied. On a alors droit à un assaut joliment mis en scène qui décide souvent de l'issue de la manche. Le dernier usage de cette jauge critique est le nouveau système d'Impacte Garde : on peut désormais parer des attaques hautes comme les basses en allant vers l'arrière et en appuyant toujours sur les trois mêmes boutons. Ce mouvement viendra amputer la jauge critique d'un quart et devra donc être utilisé avec parcimonie. Au final, ces nouveautés sont plutôt enthousiasmantes mais on regrettera tout de même que l'Edge Critique sorte aussi facilement et que son effet soit parfois réellement dévastateur : certains joueurs ne manqueront pas d'en abuser en ligne...
On ne fera pas la fine bouche tant le gameplay de ce SoulCalibur V nous paraît jouissif : les nouveaux venus se prendront vite au jeu et les anciens retrouveront rapidement leurs repères. En effet, la plupart des nouveaux venus empruntent les styles de combat de leurs prédécesseurs. La jeune Leixia se bat ainsi comme Xianghua, Natsu comme Taki, Xiba comme Kilik... Venons-en d'ailleurs à ce fameux casting qui risque de décevoir plus d'un fan de la série. Pour commencer certains pleureront sur la disparition de certains habitués comme Talim, Zasalamel ou Hwang et Yun-seong. La pilule serait passée sans trop de peine si elle était accompagnée d'une foule de nouveautés, mais ce n'est malheureusement pas le cas. Les styles de combat originaux se font en effet assez rares. Certes, Lizardman se voit enfin attribuer une façon de combattre qui lui est propre : il utilise désormais deux haches et déploie régulièrement ses ailes pour prendre de la hauteur sur le combat. Ses techniques ne sont d'ailleurs pas tout à fait sans rappeler celles qu'utilisait Kratos dans Broken Destiny. Patroklos et Pyrrha ont aussi des styles originaux même s'ils ressemblent un peu à celui de leur mère. Ces deux-là existent dans des versions alternatives qui utilisent la Soul Calibur et la Soul Edge : Patroklos se retrouve alors avec la gestuelle de Setsuka tandis que Pyrrha se change en un clone diabolique de Sophitia et de Cassandra.
Il ne faut pas non plus noircir le tableau de manière exagérée, cet épisode apporte tout de même deux vrais nouveaux styles qui méritent amplement le détour : celui de Zwei et de Viola. Le premier utilise une épée à trois manches qu'il utilise parfois comme une arme classique et parfois comme un tonfa. Certaines de ses attaques font appel à un esprit un peu particulier, un buste de loup-garou qui vient combattre à ses côtés. Viola est encore plus surprenante, c'est une voyante qui se bat avec une sorte de griffe et une boule de cristal. Elle peut utiliser cette dernière de manière stratégique en la laissant sur le terrain et en la rappelant à elle au moment opportun. Ces deux combattants ne sont pas faciles à prendre en main mais ils sont assez charismatiques et ils récompenseront les joueurs patients qui prendront le temps de les découvrir. Bref, c'est tout simplement le genre même de personnages que l'on voulait voir débarquer ! Ajoutez à cela un invité de marque qui dispose d'une palette de coups relativement complète : Ezio débarque fraîchement d'Assassin's Creed avec tout son attirail. Ces petites perles ne suffisent toutefois pas à nous faire oublier que le casting comporte pas moins de trois personnages random qui semblent là pour combler les trous. Edge Master qui a la capacité de copier tous les styles de combat fait ainsi son retour, mais il est aussi accompagné d'Elysium et de Kilik. La première est une belle combattante qui a un vrai intérêt scénaristiquement parlant mais qui se contente de reproduire les attaques des autres demoiselles du jeu. Kilik a perdu toute sa superbe en se transformant en une véritable coquille vide qui n'est bonne qu'à copier les différents styles masculins.
Les plus tatillons pourront toujours arguer que l'éditeur de personnages est justement là pour nous permettre de remplir un peu ce casting moribond. On peut d'ailleurs débloquer le style de combat de Devil Jin pour créer un combattant qui enchaîne dangereusement les coups de poing. Cette possibilité fera peut-être sourire les amateurs de Tekken mais il faut reconnaître que cette manière de se battre fait un peu tache dans un SoulCalibur. L'éditeur dans son ensemble est particulièrement efficace, il intègre même la possibilité de tatouer ses créations ou d'appliquer une foule de motifs colorés sur leurs équipements. Les stylistes en herbe seront ravis par la disparition des bonus liés aux tenues qui poussaient souvent à adopter des looks extravagants. Prenez votre temps pour peaufiner votre combattant, les modes solos de cet opus ne vous donneront pas beaucoup l'occasion de flâner. En effet, vous aurez vite fait le tour du mode Histoire qui se concentre vraiment sur le destin de Patroklos et de Pyrrha pendant une vingtaine de chapitres. On aurait aimé avoir un peu plus de nouvelles des autres combattants ou avoir le loisir de découvrir un peu mieux le background des nouveaux venus. Il faudra ensuite vous rabattre sur un mode Arcade dénué d'aspect scénaristique ou d'un mode Combat rapide qui simule des affrontements en ligne. On applaudit tout de même l'apparition du mode Ames légendaires qui s'est inspiré des performances des meilleurs joueurs mondiaux pour nous proposer des IA diaboliques. L'idée est bonne mais vous en aurez rapidement assez de vous faire systématiquement étaler dans les grandes largeurs.
Le bilan est un peu plus réjouissant lorsque l'on lorgne du côté du online. On se souvient en effet que de nombreux soucis de connexion avaient plombé les parties en ligne du précédent opus. Namco Bandai s'est rattrapé en soignant tout particulièrement le mode online de ce nouvel épisode. Même les combats contre nos amis américains s'avèrent aujourd'hui relativement jouables, les conditions se rapprochent même vraiment du offline lorsque vous affrontez des joueurs près de chez vous qui affichent cinq barres de connexion. Namco Bandai joue la carte de la proximité avec un mode Colosseo qui propose aux joueurs d'une même région de se retrouver sur une même plate-forme à partir de laquelle ils peuvent chatter, se défier ou se lancer dans des tournois. L'idée est bonne et originale, il ne reste plus qu'à croiser les doigts pour que la communauté s'empare de cet outil. Il est aussi assez simple de lancer des salons privés dans lesquels les combattants se relaient. Ceux qui attendent leur tour ne sont pas trop frustrés puisqu'ils peuvent assister aux matchs qui s'y déroulent. On note encore la possibilité d'enregistrer ses propres replays et de les partager sur le net ou de suivre de près trois rivaux pour comparer la moindre de leurs performances. Bref on se retrouve donc avec un mode en ligne complet et bien conçu mais celui-ci ne suffit malheureusement pas à palier toutes les carences du solo. Au final, on a l'impression que ce SoulCalibur V est bel et bien un très bon jeu de combat, cependant il lui manque un petit plus pour répondre à toutes les attentes des fans de la série.
- Graphismes18/20
Ce nouvel opus est à la hauteur de ses prédécesseurs et nous propose un véritable régal pour les rétines. Les différentes arènes sont sublimes et certaines d'entre elles évoluent d'un round à l'autre. On apprécie tout particulièrement la finesse des différents effets de lumières qui baignent les décors.
- Jouabilité17/20
La prise en main est encore une fois immédiate mais cette simplicité d'accès n'est pas incompatible avec une certaine profondeur de jeu. Cet épisode est plus nerveux que son prédécesseur et permet un style de jeu plus agressif. On regrettera peut-être cependant que les Edge Critiques soient aussi simples à déclencher et qu'ils s'avèrent aussi destructeurs.
- Durée de vie13/20
C'est précisément sur ce point que SoulCalibur pèche un peu : non seulement on en attendait davantage de son casting qui se montre plutôt léger, mais les modes solos faméliques font pâle figure face au mode Maître d'arme du II ou des Chroniques de l'épée du III.
- Bande son17/20
Les musiques sont un véritable enchantement et accompagnent à merveille les combats. Certaines d'entre elles apportent une dimension épique à l'affrontement tandis que d'autres jouent davantage la carte de l'apaisement avec des thèmes symphoniques tout en douceur.
- Scénario15/20
L'aventure de Patroklos et de Pyrrha est plutôt prenante et elle nous permet d'en apprendre davantage sur la véritable nature de Soul Calibur et de Soul Edge. On regrette cependant que les autres personnages passent tous au second plan ou qu'ils soient même totalement oubliés pour l'occasion. On aurait par exemple aimé en découvrir plus sur Zwei et Viola.
Il n'y a pas de doute, SoulCalibur V est bel et bien un très bon jeu de baston. Il suffit d'y jeter un œil pour être ébloui par la beauté de ses combats et l'expérience est encore plus saisissante une fois qu'on le prend en main. Il propose en effet un gameplay à la fois rapide, accessible, maniable et riche. Et pourtant il y a bel et bien un accroc dans ce joli tableau : le titre pèche par un contenu un peu limité qui risque de décevoir les fans de la série. Ils pourront toujours tenter d'oublier leurs malheurs en se lançant à corps perdu dans un mode online efficace et bien conçu.