La genèse de Glitch remonte fort loin. Le projet est né en 2002, et s'appelait alors Neverending. Une des fonctionnalités du soft était le partage d'images. Manquant d'argent, les développeurs choisirent de sortir un service web basé sur ce concept : ce fut Flickr. Le site connut un immense succès, et l'équipe dû s'y investir à plein temps, abandonnant le jeu au passage... Quelle ironie : le studio avait enfin les moyens financiers de son ambition, mais n'avait plus de temps libre à y consacrer ! Jusqu'à ce qu'une poignée de cofondateurs de Flickr quittent le navire pour fonder Tiny Speck et revenir à leur idée de départ : créer un jeu. Ce jeu, le voici enfin. En bêta depuis octobre 2011, Glitch est une curiosité qui mérite qu'on s'y attarde.

La première chose qui surprend dans Glitch, c'est son univers aussi beau qu'étrange. On va de découverte en découverte en poussant des petits cris émerveillés : "oh, il y a des œufs qui poussent sur cet arbre", ou encore "eh, ce crabe vient de me parler" ! Les décors, entièrement dessinés à la main, rivalisent de beauté. Et leur design est particulièrement inspiré. Si on retrouve bien des lieux plutôt classiques (désert, forêt...), d'autres sont beaucoup plus originaux et semblent issus d'une lointaine planète. Le tout est très vaste, et il y a toujours quelque chose à découvrir quand on croit en avoir fait le tour. Au hasard d'un chemin, on tombera parfois sur un niveau aux couleurs psychédéliques créé par un artiste sous LSD, ou sur un coin gelé hébergeant un improbable vendeur de glaces... Il ne faut pas chercher de cohérence dans Glitch. Après tout, ce n'est qu'un rêve. Ah, on ne vous avait pas dit ? Le monde de Glitch est situé dans l'imaginaire de onze géants. Vous pourrez d'ailleurs gagner les faveurs de ces créatures primordiales en leur faisant des offrandes.

Parcourir le monde de Glitch sans autre but que la découverte est donc déjà un plaisir en soi. Et ce d'autant plus que le jeu ne repose pas uniquement sur l'onirisme et la poésie ; il possède aussi beaucoup d'humour. La quête pour obtenir des papiers d'identité, par exemple, vous mettra aux prises avec un service administratif peuplé de crocodiles (ne cherchez pas à comprendre), qui vous poseront toutes les tracasseries administratives imaginables. La bureaucratie dans toute sa splendeur, mais il faudra bien en passer par là pour pouvoir utiliser le système de transport en commun et acheter une maison. Le plus drôle reste toutefois les nombreuses conversations que vous aurez avec votre compagnon, qui n'est autre qu'un rocher (ce qui n'est pas courant, vous en conviendrez). Les dialogues avec cette créature incongrue sont souvent surréalistes mais toujours savoureux. C'est lui qui se chargera de vous initier à ce monde étrange, de vous proposer des quêtes et de vous enseigner les rudiments du gameplay.

Car gameplay il y a. Jusqu'à présent, on pourrait croire que Glitch ne propose que de l'exploration. Or le jeu repose aussi sur un second pilier : l'artisanat. Au cours de vos interactions avec le monde, vous pouvez collecter un grand nombre de ressources. Les papillons, par exemple, vous donneront du lait, à condition que vous les massiez avant (ne cherchez pas on vous dit). Les cochons vous donneront de la viande si vous les câlinez. Un arbre étrange produit des bulles, un autre fait pousser du papier... Tout cela peut ensuite être transformé avec diverses machines forcément bizarres. Ainsi, les cerises pourront être changées en n'importe quel autre fruit à l'aide de l'ustensile approprié. Même chose pour le métal, la pierre, etc. Vous serez vite envahi par une tonne de matières premières, à transformer en produits dérivés grâce à vos compétences (cuisine, alchimie, ingénierie...). A propos de compétences, notez que vous ne pourrez les acquérir qu'une par une, et que l'apprentissage continue quand vous vous déconnectez. Ce n'est pas du luxe, vu que le temps nécessaire pour acquérir les plus évoluées se compte en jours.

Mais que faire de tous les objets produits ? Les consommer, déjà, car vos jauges d'humeur et d'énergie ne doivent pas tomber à zéro. Préparez-vous donc à ingurgiter une quantité colossale de boissons et de nourriture ! Le reste, vous pouvez l'échanger avec les autres joueurs. L'économie de Glitch repose intégralement sur sa communauté, qui partage un unique serveur. Vos actions ont donc un impact pour tout le monde (et inversement). C'est d'ailleurs le principal intérêt du jeu : il vous autorise à façonner l'univers à votre guise. Vous pouvez planter, élever, fabriquer... et peupler le monde de vos créations. Les développeurs ont mis divers outils à disposition des joueurs, libre à eux d'en faire ce qu'ils veulent. On comprend alors que le slogan du soft, "a game of giant imagination", est à double sens. Une anecdote permettra de mieux cerner cet aspect. Une des nombreuses possibilités de Glitch est d'écrire et d'afficher des notes. Un personnage écrit alors : "Je m'appelle untel, j'habite à tel endroit. Chaque jour, je laisse un objet devant ma maison. Libre à vous de le prendre et de laisser quelque chose à la place. Surprenez-moi !" Évidemment, rien n'empêche un indélicat d'aller se servir sans rien donner en retour, mais la plupart du temps ça fonctionne, et le personnage reçoit de beaux cadeaux ! L'ambiance mignonne du soft incite les joueurs à la générosité. Pourquoi ne pas dépenser quelques points d'énergie pour faire un câlin à un autre personnage, juste pour le plaisir de lui donner quelques points de bonne humeur ? Cette action altruiste ne vous rapportera rien si ce n'est un "merci", sans doute, et la satisfaction d'avoir contribué un tout petit peu à un instant de bonheur éphémère. En cela, Glitch est un excellent remède à la morosité.

Il y aurait encore beaucoup à dire sur Glitch. Nous n'avons pas évoqué les divers mini-jeux qu'il est possible de pratiquer, les très nombreux succès, emblèmes et autres trophées à débloquer, la jouabilité à la souris ou au clavier, la personnalisation des avatars, et bien d'autres choses encore. Mais il ne faut pas trop en dire, car le plaisir procuré par le jeu repose en grande partie sur la découverte progressive de ses éléments. Le mieux est encore de l'essayer, c'est gratuit. Il y a bien un système de micro-transactions, ainsi que trois formules d'abonnement (à 5, 9 et 15 dollars), mais il ne s'agit que d'avoir accès à des items cosmétiques exclusifs ainsi qu'à des tickets de téléportation. Le jeu est encore au stade de bêta à l'heure où nous écrivons ces lignes, mais il est déjà très stable et ne cesse de s'enrichir au fil des semaines !