Après sa fameuse trilogie de Roto, Enix donne naissance en 1990 à la trilogie zénithienne. Dragon Quest IV constitue le premier épisode de cette nouvelle épopée, et met en place pour l'occasion différentes idées pour approfondir le scénario. Une prise de risque qui a cependant beaucoup divisé les joueurs à la sortie de ce quatrième volet.
Avec la précédente trilogie, les Dragon Quest ont habitué le joueur à suivre l'évolution de différents héros tout le long d'une unique aventure, de leur création jusqu'à l'affrontement du boss final. Les équipes se formaient alors plus ou moins naturellement en cours de route. L'approche de ce quatrième épisode est complètement différente car il possède la singularité de découper son histoire en plusieurs chapitres indépendants les uns des autres. Chacun d'eux renvoie à une histoire différente comportant ses propres héros, qui finissent néanmoins par se rejoindre dans le chapitre final. Vous avez ainsi en tout 5 personnages principaux accompagnés dans la majorité des cas de leurs propres acolytes. Le premier chapitre est consacré à Ragnar McRyan, un soldat du royaume de Bastione qui a pour mission d'enquêter sur des mystérieuses disparitions d'enfants. Le second chapitre met quant à lui en scène la princesse Alina, dont les escapades interdites hors de son château vont l'amener dans des situations assez délicates. Elle sera accompagnée d'un garde du palais nommé Kiryl et du magicien Borya. Le chapitre suivant permet lui de suivre la fabuleuse ascension du commerçant Torneko, qui a pour rêve de devenir le plus grand marchand du monde. Quant au quatrième chapitre, il permet de vivre le destin de deux sœurs nomades cherchant à venger la mort de leur père. Tout ce joli petit monde se retrouve finalement dans un ultime chapitre, permettant enfin incarner le héros que l'on vous demande de créer en tout début de jeu. Son rôle est bien entendu de vaincre le mal qui sévit dans le monde.
Cette mise en scène fait clairement toute l'originalité de Dragon Quest IV, mais se révèle néanmoins à double tranchant. D'un côté, il est clair que cette façon particulière de présenter l'aventure a quelque chose d'attirant et de complètement novateur dans la série. Pour la première fois, le héros principal est complètement écarté du scénario durant plus de la moitié du jeu, au profit des différents personnages qui l'accompagneront plus tard. L'accent est alors mis sur l'histoire de ces derniers, et le joueur vit une aventure inédite à chaque nouveau chapitre. C'est clairement plaisant comme procédé car le scénario semble bien mieux se construire ainsi, et on s'attache à ces héros malgré eux qui évoluent en fonction de leurs propres ambitions. Leur apporter un vécu et une personnalité les rend tout de suite plus charismatiques qu'à l'accoutumée. Mais d'un autre côté, l'histoire de ce Dragon Quest n'a plus la même dimension épique qu'auparavant. Au lieu d'un voyage grandiose qui prend de l'ampleur et de l'intérêt au fil du temps, vous n'avez ici qu'une succession de petites histoires qui donnent une impression de discontinuité durant une bonne partie du jeu. Malgré le fait que le scénario soit bien amené et mieux travaillé de cette manière, il faut avouer que les différents chapitres manquent quand même cruellement d'intérêt malgré de bonnes idées et des personnages très attachants. Il faut attendre le dernier chapitre pour voir le véritable héros entrer en scène et vivre en sa compagnie un voyage digne de ce qu'un Dragon Quest nous a toujours habitués. Malheureusement, cela arrive un peu tard. Le jeu n'en reste pas moins très plaisant, il divisera juste clairement les joueurs occasionnels des assidus de la série.
Malgré ces choix scénaristiques que l'on appréciera ou non, on retrouve dans le fond du bon vieux Dragon Quest qu'on aime tant. Dans les grandes lignes, vous traversez d'innombrables villages et châteaux afin d'aider la populace en détresse. Chaque quête vous envoie dans le donjon ou la grotte du coin, dans le but de vaincre un boss gardant un item nécessaire à l'avancée du scénario. Une recette certes classique mais dont on ne doute plus de l'efficacité dorénavant. L'exploration en ville se fait elle aussi plus intuitivement grâce à un menu un peu plus ergonomique, même si l'on peste toujours autant d'avoir à subir cette interface à chaque épisode. Il est possible d'ailleurs de fouiner et de trouver des objets dans les meubles des maisons grâce à la commande de recherche. Les magasins d'armes et d'armures sont quant à eux désormais séparés, et l'église possède maintenant un rôle bien plus important et utile. En effet, elle centralise en un même lieu les différents soins, la sauvegarde ainsi que l'expérience qu'il vous manque pour atteindre le niveau suivant. On fera également mention de l'apparition d'un premier et vrai casino dans cet opus avec de nombreux lots à la clé.
Une fois en dehors des villes, l'attente du premier combat se fait alors dans une certaine impatience mais aussi dans une certaine peur. Cet opus sera-t-il aussi difficile que ses prédécesseurs ? Eh bien non, à l'image du second épisode, les combats sont nettement moins contraignants et le leveling beaucoup plus abordable. Les statistiques de vos différents personnages sont d'ailleurs suffisamment boostées dès le début pour pour vous lancer facilement dans l'aventure. Bien sûr, vous trouverez toujours des combats, des boss bien coriaces, des sessions de leveling bien présentes, mais pas non plus nécessaires durant des heures. Pour le reste, rien de nouveau, vos personnages engrangent de l'expérience qui se solde par une montée de niveau et l'obtention de quelques sorts selon la classe du personnage. Notez quand même que vous pouvez trouver des graines durant votre aventure qui permettent de booster vos statistiques. Un autre point positif, les rencontres aléatoires ne sont plus une fatalité comme auparavant puisque les combats sont plus dynamiques que dans les précédents opus. Les actions se réalisent en effet plus vite tout comme le défilement des informations à l'écran. Le dynamisme est également renforcé par une musique de combat très prenante et dont le rythme augmente petit à petit. Le fait de cumuler les affrontements n'est donc plus aussi lourd et fatiguant, même s'il y aura toujours un moment dans le jeu qui donnera envie de s'arracher les cheveux. C'est un peu ça aussi, la magie de Dragon Quest.
- Graphismes18/20
Alors que l'on croyait avoir atteint les limites de la console, voilà que l'on nous offre sans conteste le meilleur rendu visuel de la série sur NES. L'eau a été retravaillée tout comme l'intérieur des grottes, chaque héros ou PNJ tente d'avoir une skin unique, et même les intérieurs des maisons sont encore plus détaillés qu'auparavant. On a droit à présent à des pancartes sur la mappemonde nous indiquant les villes alentours. C'est juste hallucinant de voir un travail si minutieux sur un tel support. Le bestiaire reste, lui, toujours aussi emblématique.
- Jouabilité16/20
La difficulté a de nouveau été rabaissée. Le leveling devient donc moins systématique mais le jeu n'empêche pas de tomber parfois sur de sacrés Boss bien retords. De manière générale, le gameplay n'a pas réellement changé depuis l'opus précédent mis à part avec la suppression du système de classe. Les combats sont quand même un peu plus dynamiques grâce à un défilement plus rapide des actions et des informations à l'écran. Aucune ombre à l'horizon donc... Ah si, l'éternel menu en exploration, encore optimisé mais toujours pas supprimé.
- Durée de vie15/20
Le jeu est plus court qu'à l'accoutumée, ce qui ne semble pas un problème en soi puisqu'il vous réserve quand même une aventure de plusieurs dizaines d'heures. Le souci, c'est que le fait de scinder le scénario en plusieurs parties évidentes et donc de stopper momentanément l'action casse quand même l'immersion. On prend ainsi conscience du temps passé en jeu, phénomène quasiment inexistant dans la trilogie de Roto. De plus, les premiers chapitres obligent à d'incessants allers-retours pas forcément très judicieux et qui semblent là simplement pour rallonger la durée de vie du soft.
- Bande son17/20
Cet opus est surtout marqué par une musique de combat dont le rythme est complètement effréné. Et c'est sans doute ce qui manquait aux affrontements des jeux précédents. Ce dynamisme rend désormais les rencontres aléatoires à la fois moins contraignantes et beaucoup plus excitantes. La bande-son reste de manière générale toujours aussi excellente.
- Scénario14/20
La quête principale est toujours aussi cliché mais reste bien développée. Ceci dit, il est clair que la prise de risque d'Enix, à savoir ce choix de créer un scénario propre et distinct pour chaque personnage constituant votre équipe, ne plaira pas à tout le monde. Ce qui est clair, c'est que nous n'avons plus l'impression de vivre une aventure à la Dragon Quest, et seul le dernier chapitre donne un réel sens au scénario et au nom donné à cette nouvelle trilogie.
Dragon Quest IV n'est pas mauvais, loin de là, puisqu'il reprend toujours les éléments qui font le succès de la franchise. Néanmoins, le fait de scinder le scénario en plusieurs petites histoires que l'on vit les unes après les autres brise l'essence même de la série. On passe un très bon moment, les personnages restent attachants, mais le fan inconditionnel se questionne clairement sur un tel choix scénaristique. Un nouvel univers, un système de classe abandonné, un héros principal délaissé pendant une bonne partie du jeu, c'est peut-être un peu trop de changements soudain pour les assidus de la licence. Quoi qu'il arrive, la suite de la série empruntera désormais le chemin de la Super NES.