Les japonais débordent d'imagination pour créer des jeux surprenants et innovants. Certains de ces jeux sont d'ailleurs tellement spéciaux que les éditeurs ne prennent pas le risque de les diffuser aux USA et encore moins en Europe. Dans cette catégorie, LSD Dream Emulator mérite sans difficulté sa place dans le top 10, voire même la médaille d'or tant son niveau d'étrangeté frôle l'inconcevable. Certes, en voulant créer un jeu de simulation de rêve, les développeurs avaient déjà placé la barre très haut sur l'échelle du délire mais le résultat dépasse tout ce qu'on aurait pu imaginer.
LSD n'a rien à voir avec la drogue du même nom (quoique), car l'acronyme se réfère en réalité à Lovely Sweet Dream et à bien d'autres formules explicitées dans l'introduction du jeu. Celle-ci annonce d'entrée la couleur : nous avons affaire à du grand n'importe quoi. La vidéo mélange des prises de vue réelles, du dessin et des images de synthèse sur une musique totalement déjantée, sans cohérence apparente. Passée cette première approche assez déstabilisante, le jeu en lui-même démarre et nous propose d'explorer un immense monde onirique en nous plaçant aux commandes d'un personnage, en vue à la première personne. Là, vous vous demandez sans doute quel est le but et ce qu'il faut faire pour progresser. La réponse est aussi simple que déroutante et se résume en un mot : rien. En effet, il ne s'agit ni d'un RPG, ni d'un jeu d'aventure. Ici, nul besoin de récolter des pièces, des coffres aux trésors ou d'autres objets magiques et il n'y a pas non plus d'affrontements, ni d'améliorations à obtenir pour le héros. Il n'y a donc pas de but à proprement parler car ce jeu n'est qu'une immense cour de récréation. Dans LSD, seule compte l'exploration et la contemplation des délires des développeurs.
Puisque le jeu ne consiste qu'à explorer les divers environnements, les commandes sont très simples. Il suffit en effet de se déplacer en utilisant la croix directionnelle, mais on peut également courir, faire des pas de côté, incliner l'angle de vue en haut ou en bas et regarder en arrière. Les environnements à visiter sont au nombre de six : un immeuble, une ville japonaise (Kyoto), un temple et son labyrinthe, une ville-jouet, une ville où règne la violence, et enfin, la plaine, un terrain gigantesque où se trouvent les cinq zones précédemment citées, un peu à l'image de la carte du monde d'un RPG d'où l'on a accès aux différentes villes. Fort heureusement, il est inutile de marcher plusieurs centaines de kilomètres pour se rendre d'un point à un autre, puisque l'un des mécanismes de base du jeu consiste à entrer en collision avec un élément du décor pour être immédiatement téléporté vers une autre zone qui peut se trouver n'importe où. L'onirisme ne s'arrête pas aux déplacements délirants puisque tous les éléments de décor semblent échappés d'un rêve. Ainsi, il ne faut pas s'étonner de croiser un bœuf bipède tirant une charrette, une voiture qui se jette dans une rivière, un éléphant volant au-dessus d'un gouffre, et d'autres trucs tous plus délirants les uns que les autres. Au bout de cinq à sept minutes de jeu ou après une chute dans un trou, le rêve prend fin et l'écran-titre s'affiche à nouveau. On peut alors sauvegarder et passer au rêve du jour suivant. Les développeurs ont également inclus un graphique à 309 cases qui se remplit à raison d'une case par jour en fonction du contenu du rêve vécu, à savoir angoissant ou joyeux, statique ou dynamique et il n'est pas rare de retomber sur une case déjà complétée, ce qui rend la grille quasiment impossible à remplir intégralement.
Dès les premiers pas, cet univers nous invite à découvrir son étendue et sa richesse. Pendant les premiers rêves, on est totalement perdu car il n'y a aucune carte et on ne peut se fier qu'à sa mémoire et à son sens de l'orientation pour s'y retrouver. De plus, pour nous dérouter encore plus, les personnages animés et les textures des lieux ne sont pas toujours les mêmes et il est par exemple fréquent qu'un mur gris devienne violet ou se dote d'une texture de feu lors d'une visite ultérieure. Tout ce mystère titille notre âme d'explorateur qui ne demande qu'à découvrir tous les coins et recoins des six zones principales. Si la plupart des éléments du décor nous téléportent vers des lieux aléatoires, certains nous envoient systématiquement vers les mêmes espaces, plus petits mais bien cachés, comme la salle du pendule. Ce jeu procure un plaisir simple mais diablement addictif, celui de la découverte. De plus, tous les rêves ne sont pas des phases d'exploration. Parfois, il s'agit juste d'un rêve raconté via un petit texte (en japonais) ou d'une vidéo, mais ceux-ci sont rares. Notez au passage qu'il existe un moyen de voir tous les rêves vidéo à la suite en remplissant quatre cases bien précises dans le graphique. Une fois de plus, on a envie de tout voir, d'extraire tous les secrets de ce jeu si mystérieux. La durée de vie dépend donc de la motivation de chacun à tout explorer puisqu'il n'y a pas de fin à l'exception d'une petite vidéo s'accompagnant de la réinitialisation du compteur au bout de 365 jours. Comptez environ 6 heures d'exploration pour tout voir et multipliez par l'infini si vous comptez vous faire une petite partie de temps en temps pour le fun.
Graphiquement, LSD : Dream Emulator souffre de son âge avancé mais même à l'époque de sa sortie, le tout était déjà assez sommaire. Les personnages croisés se résument souvent à quelques polygones pas toujours bien fermés, et certaines textures auraient mérité plus d'attention. Néanmoins, le contenu est loin d'être laid, et pour peu qu'on accroche au principe de base, la richesse des lieux explorés a de quoi émerveiller. On aurait tout de même aimé rencontrer plus d'objets et de personnages animés, mais ce n'est qu'un léger reproche. L'ambiance musicale est, quant à elle, plutôt discrète et malheureusement assez pauvre. Toutes les musiques se résument à des boucles de quelques secondes qui deviennent agaçantes si on se concentre dessus pendant plus d'une minute. Il n'est toutefois pas impossible de passer plusieurs heures sur le jeu sans remarquer cette pauvreté car le changement fréquent d'environnement et donc de musique, rend l'écoute assez variée pour ne pas virer à l'insupportable. Les bruitages remplissent bien leur devoir, même si certains bruits de pas, différents en fonction du type de sol foulé, sonnent assez faux. Globalement, la réalisation, bien qu'un peu datée et pauvre, s'adapte plutôt bien à l'univers délirant et onirique de LSD. On pourra cependant se plaindre d'une jouabilité un brin rigide qui donne plus la sensation de déplacer un bloc de glace de 200 kg qu'un être humain. Avec l'habitude, on finit malgré tout par s'y habituer mais lorsqu'on court, il reste difficile de ne pas percuter un mur sans le vouloir, ce qui est assez embêtant si on ne voulait pas se téléporter.
Pour la petite histoire, LSD : Dream Emulator se base sur un journal de rêves qui a été écrit pendant dix ans. Toutes les images qui figurent dans le jeu ont donc réellement été rêvées, et c'est ce qui les rend si authentiques. Deux autres objets liés à la licence LSD existent, il s'agit d'un livre (le fameux cahier de rêves) et d'un CD audio disponibles, uniquement au Japon. Le projet LSD a donc une dimension assez folle et il est bien dommage qu'il n'ait pas connu plus de succès. Le jeu Playstation n'a été édité qu'à un faible nombre d'exemplaires mais a récemment ressurgi sur le Playstation Store japonais. Il ne reste donc plus qu'à espérer que Sony nous gratifie également de la sortie de cet objet vidéoludique non-identifié au sein de sa gamme import. Même s'il souffre de lacunes évidentes, Dream Emulator ne peut laisser personne indifférent car il ne ressemble à rien de connu et il serait dommage de ne pas l'essayer. Il est même surprenant de constater que même 13 ans après sa sortie, personne n'a osé reprendre l'idée de base qui reste indéniablement excellente. On pourrait ainsi imaginer l'arrivée d'un jeu du même genre avec des graphismes en HD. Ça laisse rêveur !
- Graphismes13/20
Pour un jeu sorti en 1998, LSD s'en sort plutôt pas mal malgré un design très simpliste. Les mouvements de caméra lors des déplacements manquent cependant de fluidité et certaines textures auraient mérité d'être mieux travaillées. On prend tout de même plaisir à admirer les nombreuses curiosités qui peuplent le jeu.
- Jouabilité14/20
Vu la simplicité des commandes, il est difficile de critiquer ce critère. On comprend immédiatement comment se déplacer et comment tourner la caméra mais ces contrôles sont plutôt rigides et l'incompatibilité avec le stick analogique n'arrange évidemment rien.
- Durée de vie14/20
Dans la mesure où le jeu n'a pas de fin, la durée de vie est infinie et les accros peuvent remplacer le 14 par un 20. Toutefois, si l'on reste objectif, on peut considérer que 6 heures de jeu semble un quota moyen acceptable.
- Bande son10/20
Les musiques sont discrètes et simples mais assez répétitives. Heureusement, ce n'est pas non plus catastrophique et on n'est pas obligé de couper le son pour apprécier le jeu. C'est même fortement déconseillé car la musique participe largement à l'instauration de l'ambiance du jeu. Sauf si c'est pour la remplacer par les B.O des films de David Lynch, là, ça va.
- Scénario/
Comment noter un jeu pareil ? Est-ce seulement un jeu ? Ne prenez pas cette note comme étant absolue dans la mesure où il est rigoureusement impossible de formuler un verdict objectif face à un objet pareil. LSD : Dream Emulator tient plus d'une exposition artistique virtuelle que d'un jeu vidéo. Si vous aimez les gros délires visuels et les jeux qui sortent de l'ordinaire, celui-ci est fait pour vous.