En un jeu, Rocksteady aura redéfini les codes du super-héros de pixels. Mature, profond, splendide et profitant d'un gameplay souple et efficace, Batman Arkham Asylum aura révélé une société et transfiguré un super-héros de légende. De fait, dire qu'on attendait Batman Arkham City tient de l'euphémisme dans le sens où les développeurs n'ont pas cédé aux sirènes commerciales en sortant prestement leur bébé. Deux ans après le premier épisode, le second opus sort sur nos écrans (de télévision) et avec lui, une nouvelle page de la vie de Bruce Wayne se tourne...
Quand il n'y a plus de place en Enfer, les malfrats reviennent sur Terre. Tel aurait pu être le leitmotiv de Gotham City après la fermeture de l'asile d'Arkham. C'était sans compter le plan ingénieux d'Hugo Strange, psychiatre de renom, et de Quincy Sharp récemment promu maire de ladite ville. Ainsi, les deux hommes ont l'idée d'enfermer la vermine grouillante dans une partie de la cité reconvertie en prison géante et renommée pour l'occasion Arkham City. Si la solution miracle semblait avoir été trouvée, certaines voix s'élèvent contre celle-ci à commencer par celle du milliardaire Bruce Wayne. Malheureusement, usant d'appuis de toutes sortes, Strange réussit à enfermer le play-boy dans ce chaos sans nom... pour le plus grand malheur des violeurs, voleurs et autres psychopathes notoires. Son alter ego, Batman, était désormais dans la tanière des loups et avec lui l'espoir d'arrêter cette folie voyait enfin le jour.
D'un strict point de vue scénaristique, Arkham City use de tous les ressorts possibles pour brosser le fan dans le bon sens du poil. Apparition furtive ou non de personnages emblématiques, divers lieux cultes à découvrir au sein de la ville-prison, quantité de documents venant consolider une mythologie foisonnante... Pourtant, l'histoire en elle-même peine déjà plus à convaincre à cause d'un élément primordial : le Protocole 10. En effet, ledit Protocole reste constamment au centre de l'intrigue et la révélation finale n'en sera que plus décevante tant celle-ci verse dans un certain conventionnalisme. Si on eut aimé un synopsis beaucoup plus proche de Batman à l'image de celui du Fantôme Masqué ou du Masque Rouge, l'aventure d'Arkham City peut toutefois compter sur un ensemble de rencontres toutes plus délectables les unes que les autres. En conséquence, le plaisir qu'on aura à suivre le scénario tiendra davantage aux tête-à-tête mythiques ou aux divers affrontements qu'au fil rouge liant chaque cinématique. Néanmoins, on pourra se régaler en écoutant les nombreuses conversations entre gardes tantôt riches en infos, tantôt amusantes. Cet aspect du jeu vous incitera à survoler la ville de long en large pour ne pas en perdre une miette. Ce sera aussi le moyen de découvrir des surprises en pagaille et autres quêtes annexes.
Sur ce point, Rocksteady ne s'est pas moqué de nous tant le contenu gargantuesque de son soft a de quoi donner le tournis. On peut ainsi compter sur une aventure demandant environ une quinzaine d'heures pour être bouclée. A ceci, on rajoutera les innombrables défis de Nigma (items à récupérer, otages à sauver) et ceux de ses petits camarades, les entraînements en vol et les missions secondaires qui vous permettront de rencontrer plusieurs personnages à l'image de Bane par exemple. En sus des Défis Combat et Prédateur répondant toujours à l'appel, on trouve également les Campagnes Nigma. Celles-ci se montrent cependant sans intérêt puisque composées de trois Défis (identiques à ceux de base) à accomplir à la suite en utilisant des malus ou bonus obligatoires. Retenez aussi que vous pourrez créer vos propres défis en choisissant le type, la map, le nombre d'ennemis, etc. Enfin, outre Batman, Catwoman aura droit à sa propre aventure. Tempérons tout de même nos ardeurs car si le gameplay de celle-ci est exquis et parfaitement adapté à la personnalité de la féline héroïne, la place de la petite chatte est limitée. En effet, en tout et pour tout, vous n'aurez droit qu'à quatre chapitres faisant le lien entre des séquences de l'intrigue principale. Nonobstant, il sera possible, une fois le jeu terminé, de switcher à sa guise entre Batman et Catwoman afin de terminer tous les défis propres aux deux héros. Et puisque nous parlons de Selina Kyle, pourquoi ne pas rester en galante compagnie ?
Comme on pouvait l'imaginer, les techniques de la belle seront similaires à celles de son homologue masculin. Néanmoins, vous devrez principalement compter sur vos capacités pour vous défaire des margoulins peuplant la surface de combat. Pas de panique puisque au final, si on dispose de moins de gadgets que Batman, on s'y retrouve parfaitement d'autant que la grâce féline de la damoiselle n'a d'égale que sa férocité. Le système de combat FreeFlow prend alors une dimension majestueuse quand on passe d'un ennemi à l'autre. De plus, les finish moves supplémentaires couplés à quelques mouvements inédits auront tôt fait de faire gonfler vos combos en engrangeant de l'expérience. A ce niveau, rien de neuf puisqu'en gagnant des niveaux, vous pourrez débloquer des capacités et ainsi de suite. Utile pour contrer les nouveaux types d'ennemis, armés de boucliers notamment. Si les combats sont donc irréprochables, les phases d'infiltration ne sont pas en reste.
Vous devrez cette fois faire beaucoup plus attention à votre approche dans le sens où l'IA des ennemis a été rehaussée. En somme, s'il sera encore question d'éliminations silencieuses et de pas feutrés, vous devrez très souvent user de votre environnement pour vous sortir d'un mauvais pas. En effet, désormais, lorsqu'un malandrin se fera assommer, ses camarades de jeu vous chercheront beaucoup plus activement en inspectant les gargouilles, les grilles, en balançant des grenades, en posant des mines. De plus, à intervalles réguliers, certains gardes auront des brouilleurs de radars qui empêcheront Batman d'utiliser son mode Détection. Il faudra alors travailler à l'ancienne en éliminant l'intrus avant d'être à nouveau en pleine possession de ses moyens. Le petit plus consistera à coupler ces techniques avec vos nouveaux gadgets. Coup de givre pour glacer les gardes, charge électrique, bombe fumigène, vous n'aurez que l'embarras du choix pour varier les plaisirs. Et comme si ça ne suffisait pas, tout cet attirail vous sera très utile lors des combats contre les boss.
Alors qu'Arkham Asylum péchait clairement à ce niveau, Arkham City frappe ici un grand coup. Certes, on est loin, très loin de certains jeux versant dans la surenchère puisque les combats sont plus «posés» mais sachant que cet aspect sied bien mieux à l'univers du Dark Knight, on ne s'en plaindra pas. Ces affrontements seront aussi l'occasion de croiser la route de super-vilains connus ou moins connus tout en profitant de démarches spécifiques pour venir à bout de ces derniers. De fait, si le combat contre Solomon Grundy sera basé sur l'esquive et l'attaque à distance, celui de Freeze vous demandera de la jugeote et du doigté. Un excellent point qui contrastera d'autant plus avec les affrontements lambda misant principalement sur les réflexes. En somme, on serait tenté de dire que les développeurs britanniques ont gommé les quelques soucis du passé tout en améliorant le fond et la forme qui ne souffraient déjà pas à l'origine de véritables carences.
Au final, ce titre est-il parfait ? Oui et non car comme on l'a vu plus haut, le scénario peut décevoir même si cet avis reste purement subjectif. On notera en outre des recherches d'indices toujours aussi anecdotiques du fait de la petitesse des endroits à scanner ainsi que des interrogatoires totalement secondaires. Cependant, rendons à César ce qui appartient à César. Si lesdits interrogatoires ne seront synonymes que de gardes à ménager durant une rixe, ceux-ci vous renseigneront ensuite sur les emplacements des diverses énigmes de Nigma. Peu intéressant dans la façon de faire mais finalement fort utile. En fin de compte, ces éléments servent plus à faire avancer l'histoire qu'à consolider le gameplay. On pourra trouver cela un peu dommage même si nous ne doutons point que tout ceci sera repensé et mieux intégré dans une éventuelle suite. Pour l'heure, inutile de chercher la petite bête tant Batman Arkham City a à nous offrir. S'il est inévitable que le tout fera office de jurisprudence en matière d'adaptation de super-héros, c'est surtout l'amour fou d'un développeur pour son jeu qui force à nouveau le respect. Chantant du début à la fin les louanges du Chevalier Noir, le titre nous conforte dans l'idée que le jeu vidéo a définitivement rejoint le cinéma en termes de maturité. Torturé mais plus que jamais animé des meilleures intentions, Batman s'envole avec grâce vers un avenir vidéoludique radieux. Un grand merci à Bob Kane et à Rocksteady.
- Graphismes18/20
Les artistes de Rocksteady ont encore une fois frappé très fort. Outre la ville d'Arkham City uniquement constituée de somptueux plans crépusculaires, le design des différents protagonistes subjugue à plus d'un titre. En s'étant lui aussi émancipé par rapport aux différentes productions DC Comics, Batman Arkham City a réussi à trouver un juste milieu entre modernité, vision personnelle et vibrant hommage à ses illustres aînés. Mentionnons tout de même que pour l'heure, la version PC ne profite pas de DirectX 11. Si on attendra un patch pour régler ce souci, le visuel de cette mouture s'avère tout de même de haute volée.
- Jouabilité19/20
Que dire si ce n'est qu'on touche ici à la perfection. Dans l'absolu, le gameplay reste le même que celui de Batman Arkham Asylum sauf qu'on y trouve quantité de petits ajouts rendant l'expérience encore plus jouissive que par le passé. On note une IA plus agressive synonyme de phases d'infiltration plus corsées et de nouveaux mouvements pour des combats délectables. Rajoutez des phases de vol exquises ou le gameplay de Catwoman aussi peaufiné que celui de Batou (à l'exception de phases d'infiltration qui s'avèrent moins probantes) et vous obtenez un cocktail parfaitement équilibré. Seule ombre au tableau, les recherches d'indices qui ne servent à rien et les interrogatoires anecdotiques bien qu'utiles pour dénicher les Trophées de Nigma.
- Durée de vie17/20
L'aventure principale vous retiendra une quinzaine d'heures si vous filez en ligne droite. Cependant, la durée de vie s'avère monumentale grâce à la pléthore de quêtes annexes : Le Veilleur, Deadshot, Freeze, Nigma, Calendar Man, Zsasz... on continue ? Mais ce n'est pas tout puisque vous aurez également droit à des quêtes secondaires, les Défis Prédateur et Combats, le New Game+, etc. Bref, apprêtez-vous à y passer des semaines entières pour tout voir, tout entendre, tout comprendre.
- Bande son18/20
Dans la droite lignée des compositions de Hans Zimmer pour les derniers longs métrages du Dark Knight, celles de Batman Arkham City s'avèrent d'une richesse et d'une justesse inouïes en se reposant principalement sur des cuivres et des voix envoûtantes. Le doublage français n'est pas en reste et se montre à la hauteur de son homologue anglophone. On y trouve ainsi quantité de doubleurs professionnels à commencer par Philippe Peythieu (Le Pingouin de Batman Le Défi mais aussi Homer Simpson !), Pierre Hatet (la voix officielle de Christopher "Doc Brown" Lloyd) qui double à nouveau Le Joker ou bien encore Adrien Antoine (la voix française de Batman dans la série The Batman) dans le rôle de Bruce Wayne.
- Scénario14/20
Bien que le scénario s'appuie sur un nombre impressionnant de personnages secondaires ou non, le résultat n'est pas aussi puissant ou sombre qu'on aurait pu l'espérer. Si on excepte le sympathique rebondissement final, l'histoire se montre diluée et pas assez liée au personnage de Batman. Néanmoins, Paul Dini sait ménager ses effets et on suit avec un intérêt plus ou moins important l'intrigue tournant autour du fameux Protocole 10.
Difficile de trouver un véritable défaut à ce Batman Arkham City qui a balayé d'un revers de main les problèmes de son aîné. On pourra pester contre les phases de recherches d'indices aussi inutiles que par le passé, la redondance de certains modes de jeu ou la lourdeur innommable de l'installation sur PC mais au final, cela aura peu d'incidence sur le plaisir qu'on éprouve à parcourir le jeu de Rocksteady. Une fois de plus, les développeurs anglais ont mis tout leur talent et leur amour du Dark Knight au service d'un grand jeu. Somptueux dans la forme, malgré le non support temporaire de DirectX 11, irréprochable dans le fond, Arkham City se positionne de lui-même comme le modèle à suivre, l'exemple qu'on se devra de citer quand on évoquera le super-héros vidéoludique. Plus que jamais d'actualité, la création de Bob Kane conserve ici son immortalité. Amen.