On le croyait à jamais disparu, prisonnier de nos souvenirs heureux, mis au placard sans ménagement par des hordes vocifératrices de Lapins Crétins, mais le petit bonhomme sans bras ni jambes créé par Michel Ancel n'avait pas dit son dernier mot. Se préparant dans l'ombre, musclant gaiement son absence de membres bien à l'abri dans les locaux d'Ubisoft Montpellier, Rayman attendait son heure, entouré de ses potes, rêvant à sa gloire passée, jusqu'à ce jour béni de novembre 2011 où le petit père s'est décidé à s'élancer à nouveau dans la lumière pour nous livrer ce qu'il convient tout simplement d'appeler un authentique chef-d'oeuvre de la plate-forme 2D.
Un grand homme a jadis dit que le talent, ça ne s'explique pas. Que c'est un truc qui en énerve certains, mais que quand il est détenu par des personnes qui savent en faire bon usage, ça ne peut que donner lieu à d'excellentes choses. Or justement, quand on parle de gens talentueux, les gars du studio Ubisoft Montpellier se posent là ! La petite équipe, placée sous l'égide de Michel Ancel, s'est ainsi mise en tête de redonner sa chance au petit bonhomme qui nous avait jadis donné tant de bonheur. Figure emblématique de la plate-forme des années 90, Rayman avait effectivement parcouru bien du chemin, passant de la 2D à la 3D et s'offrant même un épisode Hoodlum Havoc sombre et rempli de clins d'oeil, avant de disparaître tristement, supplanté par les boules de poils débiles. Aussi, les quelques joueurs qui croyaient à son retour s'attendaient très certainement à une nouvelle aventure en 3D, mais contre toute attente son créateur a décidé de revenir à ses premières amours : un jeu de plates-formes au look classique, débridé et en accord avec son temps, avec de la bonne grosse HD et un joli mode coop.
Du coup, on comprend mieux pourquoi cet épisode se voit sous-titré « Origins » ! Cela dit, contrairement à ce qu'on aurait pu croire, le jeu ne vous apprendra rien sur l'univers de Rayman, rien sur ce monde fantastique rêvé par le Bubble Dreamer dans lequel évoluent tous les personnages de la Croisée des Rêves. Aussi, ne vous attendez pas à savoir d'où vient Rayman ou comment sont nés Globox, les Lums, les Electoons, la fée Betilla et les Ptizêtres, tous ces petits personnages que l'on croisera néanmoins très souvent dans cette nouvelle aventure. Non, pour ce qui est du scénario, le soft se contente de nous présenter la lutte impitoyable entre Rayman et ses voisins de la Lande des Esprits Frappés ! Et la raison de ce combat titanesque, c'est la propension de Rayman et de ses potes à faire trop de bruit lorsqu'ils ronflent... Bref, de ce côté-là, c'était un peu léger, mais si cela permet à Rayman de visiter près de 60 niveaux répartis en 6 mondes, tous plus beaux les uns que les autres et répondant chacun à une délicieuse thématique, alors qu'à cela ne tienne ! D'autant que vous l'avez compris, la série n'a rien perdu de son humour et l'on se prend régulièrement à sourire comme un gamin en découvrant les mimiques des personnages ou une quelconque trouvaille de gameplay.
Il faut d'ailleurs dire que puisque tout a lieu dans un monde onirique, les choses prennent vite une tournure assez délirante. Par exemple, tout ou presque est vivant ou semble l'être, y compris certaines plates-formes, qui remuent gaiement et tressautent lorsque vous grimpez dessus. A l'écran, on retrouve le style graphique de la série, très coloré, bourré de détails et profitant d'une direction artistique débridée, ultra soignée, qui donne plus l'impression de profiter d'un dessin animé de luxe que d'un jeu vidéo. Outre de somptueux décors (parfois même carrément poétiques) et des musiques enchanteresses, c'est davantage les animations de chaque personnage qui laissent béat d'admiration. Il suffit de voir les mimiques de Globox lorsqu'il se baisse pour pouffer gaiement, et ce n'est qu'un exemple parmi des dizaines d'autres. Et tout ça, dans une haute définition irréprochable. Depuis un moment, on voit la plate-forme 2D revenir en force, mais ses représentants adoptent souvent un style minimaliste ou un peu rétro. Ici, c'est tout le contraire. Avec en prime la possibilité de zoomer ou de dézoomer, du très gros plan à la vue d'ensemble, de façon à adapter le champ de vision aux besoins du joueur ou à offrir une plus grande marge lorsque 4 personnes opèrent de concert.
Bon ok, vous avez compris, la réalisation est incroyable, mais le truc, c'est que le gameplay est encore mieux. Car au fond, si Rayman Origins semble souvent se contenter de reprendre ce qui se fait ailleurs, il se l'approprie si bien et y injecte tant de fraîcheur qu'on a souvent l'impression de toucher au Graal des jeux de plates-formes. A la base du jeu se trouvent pourtant des mécaniques classiques : une touche de saut, une pour distribuer des mandales et la possibilité de courir. Au fur et à mesure de la progression, vous apprendrez néanmoins à planer (la fameuse mèche de Rayman faisant alors office d'hélice), à courir sur les murs et même à réduire votre taille pour passer dans un trou de souris, ce qui mine de rien, change pas mal de choses, surtout lorsqu'on repasse dans des niveaux déjà connus. Le bougre a aussi appris à nager et même à faire des bonds que Flipper lui envierait. L'ensemble sert un gameplay très dynamique et très précis, fait de sauts de rêve, de glissades nerveuses, de glorieux balancements et, évidemment, de collecte de Lums.
Car bien sûr, l'objectif n'est pas seulement d'atteindre la sortie de chaque niveau mais plutôt de collecter un maximum de ces petites bestioles luminescentes, indispensables pour délivrer plus d'Electoons, qui eux-mêmes vous donneront accès à d'autres niveaux. C'est là qu'on prend vraiment toute la mesure de l'excellence du level design de ce Rayman Origins. En effet, chaque tableau semble différent du précédent et introduit un petit truc rigolo qui fait qu'on ne s'ennuie jamais, même au sein d'un même monde. Citons pêle-mêle les glissades du monde de glace et ses multitudes de blocs gelés à détruire comme dans un Boulder Dash, les sessions de shoot'em up sur le dos de Moskito le moustique de combat, les tambours rebondissants du désert et ses nombreux tuyaux qui vous feront planer en permanence, les serpentins mobiles qu'il vous faudra chevaucher au-dessus du vide ou ces petites algues lumineuses qui vous colleront au dos dans les profondeurs de l'océan et vous permettront de voir devant vous. Et que dire de ces ennemis qui assommés, se transforment en bulles sur lesquelles on pourra joyeusement sauter pour atteindre des endroits en apparence inaccessibles ? En outre, chaque niveau réserve bien sûr quelques zones secrètes et des sections facultatives nettement plus ardues que l'on atteindra en faisant preuve d'une adresse "old-school". En bref, Rayman Origins se renouvelle à chaque instant et apparaît véritablement grisant, riche, mais aussi exigeant !
Car si faire plaisir au joueur est clairement l'objectif de Rayman Origins, le jeu ne sombre jamais dans une facilité condescendante et propose même un challenge assez relevé aux joueurs les plus complétistes. Cela passe notamment par les Pièces de la Mort à collecter dans chaque niveau. Et si elles répondent à ce nom, ce n'est pas pour rien. En effet, les bougresses sont généralement placées dans des endroits très dangereux, obligeant celui qui souhaite s'en emparer à frôler la mort. Mais le truc vicieux, c'est que si vous succombez une seconde après avoir sauté sur une pièce, elle reviendra immédiatement à sa place comme si de rien était. Non, pour récolter ces gourgandines, il faudra non seulement les débusquer mais aussi survivre ! Cela peut paraître anodin, mais ça change en fait pas mal de choses. Malgré tout, la mort n'est pas vraiment pénalisante dans Rayman Origins puisqu'on reprendra généralement non loin du lieu de notre dernier trépas. Une mort peu pénalisante certes, mais fréquente, car Rayman meurt au moindre choc, à moins qu'il n'ait préalablement dénicher un cœur dans une fiole, ce qui lui conférera alors une chance supplémentaire. Bref, ajoutons à cela des niveaux spéciaux bourrés d'embûches et dans lesquels on se livrera à de véritables courses-poursuites alors que le décor défilera automatiquement, et on obtient un jeu qui sans être horriblement dur, pourra satisfaire sans le moindre souci les plus acharnés du genre.
Au fond, Rayman Origins est tout à fait capable de plaire à tous les types de joueurs, ce qui témoigne une fois encore de son génie. Transition toute trouvée pour évoquer le dernier argument massue de ce petit bijou : son mode coopératif. En effet, si Rayman : Origins est un jeu solo et peut-être apprécié dans son coin, 4 joueurs peuvent se lancer à volonté dans la partie, incarnant Rayman, Globox ou un Ptizêtre. Le jeu prend alors une étrange allure avec un gameplay à plusieurs tout aussi coopératif que compétitif. Par exemple, il est possible "d'empiler" les joueurs afin de créer une colonne permettant d'atteindre un point en hauteur. Si un collègue meurt, comme les ennemis, il se transforme en ballon et ce sont les autres qui devront le ranimer, à moins qu'ils ne choisissent de l'utiliser comme plate-forme mobile. Mais la coopération prend fin là ou l'appât du gain commence. Les baffes que l'on peut distribuer à ses adversaires, on peut également les filer à ses équipiers. Si certaines parties se déroulent dans le plus grand fair-play, d'autres se transforment en une vilaine foire d'empoigne. Et que je te balance dans le trou, et que je te baffe pour t'empêcher de prendre le bonus avant moi alors que c'est toi qui l'a activé etc. L'ami d'il y a une seconde n'hésitera pas à vous mettre à mort comme un malpropre. Bref, que du bonheur !
Alors évidemment, on pourra peut-être reprocher quelques petits trucs de ci de là au soft de Michel Ancel. Tenez par exemple, sa volonté de nous imposer une chasse au Electoons un petit peu trop appuyée à la fin, nous forçant à refaire une partie des niveaux parcourus, pourra en faire rager certains, mais vu l'excellence du level design, on voit mal comment véritablement se plaindre. D'autres encore argueront qu'une dizaine d'heures est suffisante pour voir la conclusion de l'aventure, mais on leur répondra que pour tout débloquer et collecter, ils pourront largement multiplier cette durée par deux, tout en profitant au passage de petites surprises inattendues. Les âmes les plus chagrines pesteront peut-être contre l'indicible bazar des parties en coop, mais le fait est qu'en l'état, ces dernières provoqueront de gigantesques poilades dans votre salon. Non, décidément, les défauts de Rayman Origins n'en sont pas vraiment. Difficile dans ces conditions de ne pas recommander à l'achat ce hit absolu, un petite merveille que tout joueur digne de ce nom se doit de posséder dans sa ludothèque. Monsieur Ancel et vos compères, un énorme merci à vous pour tant de bonheur, c'est pour des jeux comme les vôtres que nous sommes si heureux de faire notre métier.
- Graphismes18/20
Les images qui ornent cette page en disent déjà beaucoup sur la beauté du jeu, mais elles restent néanmoins bien insuffisantes pour vous communiquer toute la poésie et l'élégance de ce Rayman Origins. Marqué par un souci du détail qui frise l'indécence, soutenu par les plus belles animations qu'il nous ait été données de voir dans un jeu du genre, le soft nous assène une succession de somptueux décors merveilleusement colorés, tout en évitant constamment le piège de la redite. En somme, Rayman Origins se situe une bonne tête au dessus de la concurrence. Un régal, ni plus ni moins.
- Jouabilité18/20
Rayman Origins concentre tout simplement ce qui se fait se fait de mieux en matière de jeux de plates-formes. Outre une prise en main exemplaire qui rend l'expérience grisante de bout en bout, le jeu s'exprime à travers un level design d'une incroyable qualité. Extrêmement varié, le jeu offre une surprise intelligente à chaque tableau et s'avère à la fois simple et très profond. Tous les types de joueurs y trouveront donc leur bonheur et c'est là la preuve flagrante du génie de Rayman Origins.
- Durée de vie16/20
Rayman Origins compte une soixantaine de niveaux répartis en 6 mondes aux thématiques bien définies, en traînassant un peu, on mettra plus d'une dizaine d'heures pour en voir le bout, mais on peut facilement doubler ce compte si l'on cherche à tout débloquer, d'autant que le soft réservera quelques surprises aux plus acharnés. Déjà doté d'une excellente rejouabilité, Rayman Origins prend carrément une autre dimension en coopération. Délirant au possible, se transformant gaiement en une géniale foire d'empoigne, le jeu vous réserve d'énormes sessions rigolades avec vos potes dans votre salon, car non, il n'y a pas de online.
- Bande son19/20
Là encore, Rayman Origins fait dans le très haut de gamme, avec des thèmes qui collent parfaitement à l'univers délirant conçu par Ubisoft. Les morceaux sont simplement délicieux, variés et évoluent joyeusement dans chaque stage, de sorte à ne jamais se répéter. La musique contribue donc largement à la bonne humeur ambiante, tout comme les bruitages, excellents de bout en bout et qui nous plongent au beau milieu d'un dessin animé.
- Scénario/
Une petite merveille, tout simplement. Rayman Origins est ce qui se fait de mieux en matière de plates-formes 2D. Beau à se damner, intelligent, drôle, accessible mais pas condescendant le bébé d'Ubisoft Montpellier constitue un sans-faute, un jeu d'une qualité rare que tout joueur se devrait de posséder dans sa ludothèque. Ce succès, le soft le doit à son redoutable level design ainsi qu'à sa bonne humeur permanente. Déjà brillant en solo, Rayman Origins prend d'ailleurs une toute autre dimension dès lors qu'on le pratique avec des potes en coopération. En somme, c'est une véritable cure de jouvence qui nous est proposée ici, un jeu qui vous laissera le sourire aux lèvres et des étoiles dans les yeux.