Oubliez tout ce que vous pensiez savoir sur les jeux vidéo. Child of Eden n'est pas le genre de titre que l'on aborde de la même façon qu'un énième FPS ou qu'un jeu d'action quelconque. Le seul titre qui peut revendiquer un lien de parenté avec ce shoot'em up psychédélique n'est autre que Rez. Cet illustre aîné est sorti il y a une dizaine d'années mais il continue pourtant de susciter la polémique : il est considéré comme une véritable œuvre d'art par certains alors que d'autres continuent d'être réfractaires à l'expérience proposée. Child of Eden ne devrait pas faire davantage consensus.
Ce n'est pas la première fois que Tetsuya Mizuguchi, le créateur de Child of Eden, fait parler de lui dans le petit monde des jeux vidéo. Le fondateur de Q Entertainment est en effet à l'origine de plusieurs titres qui ont su s'imposer en tirant profit d'un gameplay simple, on pense par exemple aux Meteos ou aux Lumines. Mais le jeu qui lui a valu d'être littéralement porté aux nues par une partie du public et incompris de l'autre partie des joueurs n'est autre que Rez, un shoot'em up pour le moins original sorti il y a une dizaine d'années sur Dreamcast. Le titre se présentait comme un voyage insensé au cœur d'un réseau informatique, il alliait des graphismes minimalistes à une expérience auditive interactive hors du commun. Notre cher Tetsuya est aujourd'hui de retour avec un jeu qui se présente comme la suite spirituelle de ce fameux Rez. Pas de doute, Child of Eden est bien aussi délicieusement barré et aussi génial que son aîné.
Il suffit de jeter un coup d'œil au scénario de ce shoot'em up psychédélique pour comprendre que l'on est déjà bien loin des sentiers battus. Eden est devenu un immense réseau sur lequel est stocké l'ensemble des connaissances humaines, une sorte d'Internet puissance mille. Les savants du 23ème siècle se lancent dans un grand projet consistant à utiliser Eden pour reconstituer la personnalité d'une certaine Lumi. Il s'agit d'une jeune fille ayant vécu au 21ème siècle, et même précisément du premier être humain à avoir vu le jour dans l'espace. L'expérience semble concluante mais Lumi se réveille dans un Eden rongé par un étrange virus. Votre but est donc de mettre fin à l'infection et de sauver Lumi. La parenté avec Rez est évidente même si les deux jeux proposent bien deux expériences différentes. Child of Eden revendique d'ailleurs d'emblée cette filiation en proposant un premier niveau qui rend clairement un hommage à Rez. Les environnements suivants se détachent heureusement de cette influence pour innover et pour nous proposer d'autres délires visuels encore plus impressionnants, mais le gameplay reste par contre ancré dans celui de Rez.
La prise en main au pad ne devrait en effet pas trop dépayser les amateurs du précédent titre de Tetsuya Mizuguchi. Il suffit d'utiliser le stick gauche pour diriger le curseur sur les éléments que l'on souhaite viser et d'appuyer sur un bouton pour les verrouiller. On peut ainsi locker jusqu'à huit cibles simultanément, elles recevront toutes un joli missile à tête chercheuse dès que vous relâcherez la touche. On retrouve là quasiment les mêmes mécanismes que dans Rez : vous avez intérêt à verrouiller le maximum de cibles avant de lancer vos salves et le fait de tirer interagit toujours sur la musique. Ici vous récolterez même quelques bonus si vous parvenez à envoyer vos missiles en vous calant sur le rythme de la bande-son. Notez tout de même que cette seule arme principale ne suffira pas à vous sauver la mise, il vous faudra aussi jouer d'une sorte de mitrailleuse, la Traceuse, pour venir à bout des cibles violettes. Cette seconde arme est un peu moins puissante que la première, mais c'est le seul moyen de venir à bout des missiles envoyés par les ennemis. Enfin, si jamais vous êtes submergé par les adversaires en tout genre, vous pouvez toujours faire appel à l'Euphoria, une attaque dévastatrice qui fera place nette sur votre chemin. Les recharges d'Euphoria sont toutefois limitées et il vous faudra donc les économiser pour venir à bout des niveaux sans trop de dégâts.
Vous l'aurez compris, l'aspect totalement onirique de Child of Eden ne signifie pas que le jeu est une promenade de santé. La difficulté est bel et bien présente dès le niveau Normal et on peut donc légitimement se montrer sceptique quant à la jouabilité du titre en utilisant le PS Move. Aussi étrange que cela puisse paraître, il faut bien avouer que la manette de détection de mouvements s'avère finalement moins précise que la maniabilité adaptée à Kinect sur Xbox 360. On retrouve pourtant plus ou moins les mêmes mécanismes : vous pointez les ennemis pour les verrouiller et vous lancez la manette vers l'avant pour lâcher votre attaque. La Traceuse et l'Euphoria sont tout bêtement assignés à des touches. L'ensemble peut sembler intuitif mais dans les faits vous éprouverez toute la peine du monde à déplacer rapidement votre pointeur. Les options de configuration du PS Move ne sont pas assez précises pour vous permettre d'arranger les choses. Au final, cette prise en main s'avère donc bel et bien moins immersive et moins intuitive que l'expérience proposée sur Xbox 360 avec Kinect et on lui préférera la prise en main à la manette classique.
Les mauvaises langues trouveront encore à ronchonner en faisant remarquer que l'aventure n'est constituée que de cinq niveaux d'une dizaine de minutes. On pourrait leur répondre que ce n'est pas une si mauvaise moyenne que cela pour un shoot'em up et qu'un sixième niveau proposant un mode Survie peut même être débloqué à condition d'y mettre un peu du sien. Mais ces précisions ne feraient que masquer la vraie nature de Child of Eden. En effet, le titre n'est peut-être plus tout à fait un jeu vidéo, c'est réellement une expérience synesthésique qui fait appel à vos différents sens pour vous emmener très loin... à condition bien entendu d'être un minimum réceptif à ce genre de trip. Il est d'ailleurs possible d'arpenter les différents niveaux dans un mode de difficulté un peu particulier qui vous rend invulnérable. Il s'agit alors tout simplement de profiter du voyage et des délires musicaux sans se soucier de ses performances. Finalement, on pourrait affirmer sans trop prendre de risques que Child of Eden frôle l'œuvre d'art tant chacune de ses parties s'apparente à une performance, ou tout du moins à une expérience unique. Tous les joueurs n'y trouveront pas leur bonheur, mais il s'agit incontestablement d'un titre qui mérite amplement le détour et qui contribue à redéfinir les codes et les limites du jeu vidéo.
- Graphismes18/20
Le jeu est visuellement époustouflant. On nage parfois dans le kitsch le plus absolu ou dans l'absurde le plus complet mais ces excès sont assumés et font partie prenante d'un délire visuel qui pourrait vous emporter très loin...
- Jouabilité15/20
Les amateurs de Rez ne seront pas très surpris s'ils optent pour une maniabilité à la manette, Child of Eden renoue en effet avec la prise en main efficace de son aîné. Les choses sont vraiment différentes lorsque l'on utilise le PS Move : on gesticule dans tous les sens mais on ne dirige jamais les tirs aussi précisément qu'à l'aide de Kinect.
- Durée de vie14/20
Une fois qu'ils seront débloqués, il vous suffira d'une bonne heure pour faire le tour des six niveaux proposés. Cela peut paraître court, mais il ne faut pas oublier que la durée de vie moyenne est rarement plus élevée dans les shoot'em up classiques. Le titre se prête peut-être un peu moins qu'un autre au scoring même s'il propose des partages de scores en ligne.
- Bande son18/20
Il n'est pas forcément nécessaire d'être un fan absolu des Genki Rockets pour reconnaître que la bande-son de ce Child of Eden est tout simplement énorme. Comme dans Rez, on interagit directement sur la musique en tirant et on vibre entièrement au rythme de cette bande originale tout au long des différents niveaux.
- Scénario/
Les scientifiques sont parvenus à faire renaître Lumi à l'intérieur d'Eden mais le réseau est menacé par un étrange virus, vous devez donc stopper l'infection... Pas la peine de vous faire un dessin, le scénario est bien aussi perché qu'il y paraît.
En toute honnêteté, Child of Eden n'est pas le genre de jeu qui se plie facilement à l'exercice d'un tel test. Cette note reflète donc forcément le résultat d'une expérience subjective, et autant dire que ce trip psychédélique nous a totalement conquis, seule la maniabilité au PS Move nous a un peu déçus. On pourrait toujours se rattraper aux branches en louant l'aspect technique du jeu mais on passerait alors à côté de ce qui fait la force de Child of Eden : c'est un titre radicalement original et sans concession.