Le monde se divise en deux catégories : ceux qui face à un problème se demandent ce que ferait Guybrush Threepwood et ceux qui n'ont pas joué à Monkey Island. Si vous êtes de ces malchanceux, une nouvelle occasion s'offre à vous d'apprendre à vous tirer de tous les mauvais pas... après vous être vous-même fourré dans le pétrin.
Certains jeux, pas tant que ça en vérité, sont réellement intemporels. C'est le cas des deux premiers volets de Monkey Island, ceux que les fans les plus hardcores considèrent comme les seuls épisodes canoniques du fait que leur créateur, le prolifique Ron Gilbert, n'a pas participé au développement des suivants. Malgré leur grand âge (1990 et 1992), il ne leur manquait qu'un lifting technique pour être capables de séduire les joueurs d'une nouvelle génération. Car qu'on se le dise, ni les puzzles ni l'humour de ce classique de LucasArts n'ont pris une ride. Déjà sortis à l'unité sur les plate-formes de téléchargement en 2009, ces remakes sont aujourd'hui réunis sur un disque unique. Si vous n'avez toujours pas appris à mener un duel d'insultes, à retenir votre respiration pendant 10 minutes ou à trouver votre chemin avec une tête de marin volée à des cannibales, il serait grand temps de vous y mettre.
Les deux jeux ayant déjà été testés, nous ne vous ferons pas l'affront d'un tour complet. Pour autant, accueillons les nouveaux venus en rappelant que Monkey Island met en scène la rocambolesque vie de Guybrush Threepwood, éternel enfant ou adolescent dont l'âge et l'origine resteront à jamais un mystère. Aspirant pirate et ne rêvant que de vivre de grandes aventures, son histoire débute sur l'île de Mêlée ou le conseil des pirates lui imposera de triompher de trois épreuves afin de prouver sa valeur et d'être enfin accepté dans les rangs de la flibuste. Trouver un trésor perdu, voler une idole ou battre le Maître d'Armes local ne constituent pourtant qu'une petite part de ce qui attend Guybrush qui va aussi découvrir l'amour en la personne du gouverneur Elaine Marley et son pire ennemi dans le fantôme/zombie/démon LeChuck. Un personnage dont on se déferra évidemment, avec l'aide précieuse de la Voodoo Lady, mais qui sera de retour sous une nouvelle forme dans LeChuck's Revenge. En grande partie à cause de Guybrush qui plus est. Inutile de s'attarder sur l'histoire de ces deux titres au risque de ruiner la surprise, mieux vaut se pencher sur leur galerie de personnages pittoresques où s'entremêlent clichés et références modernes. Chacun débite un flot de répliques souvent décalées et en adéquation avec les situations tordues dans lesquelles l'intrépide mais ô combien maladroit Guybrush a le don de se mettre.
Situations cocasses et puzzles tordus dont la solution fait généralement sourire, c'est ça l'esprit Monkey Island qui est resté gravé dans les mémoires. On le retrouve dans cette illustration parfaite que sont les duels d'insultes au cours desquels le joueur doit apprendre une série de vannes à rétorquer à ses adversaires. Là, ou dans la personnalité si attachante de Guybrush et ses tirades hilarantes ou encore dans cet autre personnage récurrent qu'est Stan. D'abord vendeur de bateau d'occasion "texan" avant de se transformer en vendeur de cercueils de seconde main. L'image d'Épinal de l'escroc à la petite semaine transposée dans les Caraïbes. Parfait décalage et un exemple, parmi d'autres, d'éléments du jeu devenus cultes. Et si The Secret of Monkey Island offre des puzzles aussi corsés que drôles, sa suite, LeChuck's Revenge, va bien plus loin dans la complexité et la richesse. Mais quel besoin de rappeler les qualités des jeux originaux plus de 20 ans après ? Si on y joue encore, ce n'est pas sans raison.
Ces deux éditions spéciales ici compilées dans une version boîte sont un régal aussi bien pour celui qui a connu les originaux que pour le néophyte. Entièrement retravaillés, les graphismes sont chaleureux et profitent d'une direction artistique de premier ordre qui a su rester fidèle à l'esprit initial. C'est particulièrement vrai pour le second volet de la série dont les environnements et surtout les animations sont encore plus soignés. Et n'oublions pas que les nostalgiques ou les curieux peuvent à la volée passer de la version remasterisée à la version classique. Ce qui est d'ailleurs le meilleur moyen de constater le boulot effectué par les graphistes qui ne sont pas satisfaits d'un filtre graphique mais ont bel et bien repensé et redessiné chaque tableau. Outre l'aspect visuel, la bande-son a elle aussi été intégralement refondue. Rappelons qu'aucun des deux titres n'était doublé à l'époque et que Lucas a fait appel aux doubleurs qui avaient officié à partir de Curse of Monkey Island, le troisième chapitre (et qui ont rempilé récemment pour la série Tales of Monkey Island). Le résultat est tout bonnement excellent et apporte une nouvelle dimension à des dialogues qui nous séduisaient déjà à l'écrit. Il va de soi que les musiques profitent du même traitement. Les compositions n'ont pas changées, mais le MIDI cède la place à de l'instrumental. Nous vous mettons au défi de ne pas garder le thème principal en tête des heures après avoir joué. Différents effets sonores se chargent par ailleurs de donner un peu plus de vie à l'ensemble.
Côté gameplay, on l'a dit, les puzzles et énigmes de Monkey Island sont de petites perles. Mais il faut reconnaître que la logique un peu alternative de la série à de quoi perturber les nouveaux venus. On l'admet, il faut s'y faire, mais sachez qu'un système d'indices progressif à été ajouté au jeu afin de faciliter les premiers pas. La prise en main a également été un peu assouplie afin de masquer un tantinet l'âge de l'interface. Il est vrai que le système d'actions à sélectionner tel qu'il était présenté aurait de quoi effrayer les joueurs modernes même si en soi il ne présente guère de difficulté. Dommage toutefois que quelques lourdeurs se fassent toujours ressentir dans The Secret of Monkey Island. Le meilleur résultat dans ce rajeunissement se trouve alors clairement dans LeChuck's Revenge qui propose, sur PC comme sur consoles, une interface intuitive et claire et une gestion fort pratique de l'inventaire. Seule l'option de contrôle direct du personnage est probablement de trop mais elle est désactivable. On notera au passage que dans cet épisode, on peut également profiter de commentaires de l'équipe de développement originale qui vous dévoilera quelques secrets ou anecdotes. Et ça, c'est bien.
- Graphismes17/20
Ce remake des deux premiers Monkey Island ne se contente pas de quelques filtres graphiques et l'ensemble des lieux et personnages ont été entièrement redessinés pour un résultat superbe et fidèle à l'esprit original. Si on peut émettre quelques réserves concernant le premier chapitre, notamment au sujet de Guybrush lui-même, le travail effectué sur le second est en revanche exempt de tout reproche.
- Jouabilité17/20
Particulièrement simples à prendre en main, les deux titres vont toutefois vous faire souffrir par leur énigmes barrées qui font souvent appel à des objets que vous aurez collectés des heures auparavant et dont l'absurdité vous aura fait oublier jusqu'à leur existence. Mais au moins, on se sent gratifié quand on trouve la solution idiote à un problème débile.
- Durée de vie16/20
Si vous découvrez les jeux et que vous ne cherchez pas à zapper les dialogues "inutiles", vous aurez de quoi vous occuper un bon moment.
- Bande son17/20
La bande-son intégralement refondue est une petite merveille. Les thèmes musicaux sont terriblement entêtants et les doublages inédits sont parfaitement maîtrisés. Un sans faute pour les équipes de LucasArts.
- Scénario18/20
Comme pour tout point'n click, c'est évidemment dans l'histoire et l'ambiance que repose le coeur du jeu, ou des jeux en l'occurrence. Celles de Secret of Monkey Island et de LeChuck's Revenge n'ont pas pris une ride. Histoire rocambolesque, situations délirantes, personnages hauts en couleurs et dialogues drôlissimes contribuent à rendre ces deux titres littéralement intemporels.
Si on a souvent tendance à regarder les remakes avec un oeil méfiant, ceux des deux premiers Monkey Islands font clairement exception à la règle. Le gameplay ayant particulièrement bien vieilli et l'écriture étant fatalement toujours aussi efficace, il ne manquait qu'un dépoussiérage technique et artistique qui est ici magistralement exécuté. Suffisamment pour nous faire encore espérer de tels remakes de Maniac Mansion ou Day of the Tentacle. On reste malgré tout un peu interloqués par cette version boîte vendue un poil plus cher que les versions téléchargeables sans pour autant apporter de contenu supplémentaire. Du coup, on la réservera aux amateurs de disques ou à ceux dont la connexion est défaillante.