Entre les jeux distribués et les créations étincelantes, le catalogue bien fourni de Big Fish Games ne cesse de s'accroître avec les années. Maillon fort des jeux casual, la compagnie conçoit frénétiquement 10 à 15 jeux par an, multipliant les sorties et les suites à rallonge, et misant sur une réalisation simple et un prix attractif. A l'inverse des jeux mange-fric de Big Fish Games, Drawn : La Tour d'Iris est toutefois bien plus qu'un divertissement jovial que l'on oublie aussitôt après l'avoir terminé.
Comme tout point and click qui se respecte, le spectateur retrouve tout au long du jeu des écrans empreints d'une base fixe avec une mouvance discrète de certains décors et personnages. Et pour commencer en beauté, on se retrouve avec une cinématique d'introduction qui résume parfaitement le jeu : les décors sont statiques et la narration simplifiée à l'extrême. Vous commencez donc l'aventure face à une porte froide et imposante qui vous invite à vous immiscer au sein de la tour. Après un ramassage rapide de quelques indices à l'entrée du domaine, vous voila planté au milieu d'une atmosphère sombre et mélancolique. Un personnage singulier parle brièvement du scénario et vous apprend que la victime, Iris, a été enlevée par quelque seigneur démoniaque venu d'outre-tombe pour répandre le mal partout où il passe. Au milieu de ce scénario peu inspiré, un peu de fraîcheur est apportée par le fait qu'Iris puisse créer des tableaux vivants qui s'animent une fois complétés. Ce détail mis à part, rien de bien passionnant à se mettre sous la dent au niveau du scénario qui se limite à un sauvetage héroïque et stéréotypé, maladroitement agrémenté par quelques dialogues à la qualité douteuse mais pas désagréable pour autant. Drawn : La Tour d'Iris n'est clairement pas un chef-d'oeuvre littéraire mais s'apparente plutôt à une sorte de peinture interactive. Les graphismes en 2D sont terriblement riches et dégagent une ambiance enchanteresse qui hypnotise parfois le joueur, le contraignant à marquer une courte pause, le temps d'admirer les décors soignés et gorgés de subtilités nombreuses et variées.
Le gameplay et l'interface sont d'un classique exemplaire. Un click sur un bord de l'écran sert à se déplacer tandis qu'un inventaire répertorie les objets acquis. Le jeu repose sur le principe des objets cachés, nous sommes donc très régulièrement amenés à cliquer les moindres recoins de l'écran pour dénicher et ramasser les objets désirés. Le problème, c'est que cela a parfois pour conséquence de lancer un déplacement et de changer d'écran, ce qui est quelque peu dérangeant.
Le joueur doit donc explorer en détail chaque partie de la tour pour résoudre la plupart des énigmes. C'est là qu'intervient l'esthétique du jeu puisqu'il est toujours plus agréable de passer au peigne fin des décors denses et colorés. Si les énigmes classiques sont assez aisées à réaliser mais toujours inventives, la recherche d'objet peut parfois s'avérer laborieuse tant il faut ouvrir l'oeil. D'ailleurs, une aide par indice est proposée mais brise un peu la difficulté du soft : elle est accessible juste à côté de l'inventaire et chaque indice permet de résoudre presque totalement l'énigme en cours. Le level design est basé sur un avancement par étage où il est indispensable de rebrousser chemin pour compléter certaines énigmes. L'aire de jeu est donc élargie à chaque nouvel étage et accentue le challenge. Cependant, Drawn reste accessible à tous. Le titre ne brille pas par sa difficulté mais convainc davantage par son principe de tableaux interactifs. La plupart des peintures doivent être rafistolées avec un bout de toile trouvé çà et là dans la tour. Une fois complété, on peut rentrer dans le tableau et, en ouvrant nos grands yeux ébahis, contempler le spectacle. Et c'est là que commence une suite d'énigmes simples qu'il faudra résoudre en interagissant avec les éléments du tableau. On devra par exemple insérer des dessins d'êtres vivants dans le tableau pour qu'ils prennent vie à l'intérieur de la toile. Réciproquement, les tableaux peuvent à leur tour avoir un impact physique sur les autres étages, comme l'arbre qui croît et déchire la toile de ses branches pour créer un pont vers un endroit auparavant inaccessible. Du début à la fin, on est immergé dans cette magnifique galerie d'art.
Malgré la brume féerique qui s'échappe de l'œuvre, une frustration subsiste tout de même due à la maigreur catastrophique de la durée de vie, qui ne dépasse pas 5 heures de jeu. Bien que vendu pour 7,99 euros, Drawn : La Tour d'Iris est beaucoup trop court et semble inachevé. La fin est bâclée et ne propose aucun dénouement. Les 30 trophées à débloquer n'encouragent pas à recommencer le jeu puisqu'une fois déjouée, la difficulté d'une énigme s'approche dangereusement du néant. Le jeu offre néanmoins la possibilité de réécouter sa musique, soit une vingtaine de morceaux qui traduisent admirablement l'atmosphère féerique et captivent le joueur dès la première écoute. Tristesse ou soulagement, les différentes mélodies collent toujours très bien à l'univers et jouissent d'une efficacité meurtrière. Le soin apporté à leur réalisation donne envie de se procurer la bande originale pour l'écouter encore et encore jusqu'à épuisement.
- Graphismes18/20
Plus que la qualité technique, c'est le design général et l'atmosphère qui priment sur le reste du jeu. Un souci du détail exacerbé et des textures appliquées au pinceau et à l'aquarelle font de ce soft un festin visuel de tout premier ordre.
- Jouabilité15/20
Le changement trop fréquent d'écran entame légèrement la patience du joueur, mais l'ensemble est très correct. L'interaction avec le décor est assez riche et simple à réaliser.
- Durée de vie13/20
Bien que proposé moins cher que la plupart des jeux du moment, le soft frustre de par sa longueur (cinq heures) et sa sensation d'inachevé qui laissent un goût amer en bouche.
- Bande son18/20
Saisissante, la profondeur et la variété des mélodies invitent le joueur à continuer l'expérience musicale après la fin du jeu.
- Scénario14/20
Concis, le scénario est teinté d'une innocence remarquable, presque poétique. Le concept des peintures vivantes lui permet de se distinguer tout particulièrement.
Enchanteur, addictif, captivant. Ces trois mots se suffisent à eux-mêmes pour décrire l'œuvre artistique présentée par Big Fish Games. Finalement, l'appréciation du jeu tient plus du coup de cœur que de l'objectivité totale. Soit on est conquis par l'atmosphère et on explore sans fin les méandres les plus intimes de la tour, soit on passe un moment de divertissement correct sans surprise. Un must de la peinture interactive, tout simplement.