Quand on tient une bonne idée, il faut vite l'oublier. C'est sans doute ce qui a traversé l'esprit des développeurs de ce troisième volet de Call of Juarez qui abandonne ce qui faisait son charme au profit d'une enfilade de clichés sortis de la filmographie de Steven Seagal.
Sans que l'on puisse franchement les qualifier de grands jeux, les deux premiers Call of Juarez savaient au moins se distinguer du reste de la famille des FPS par leur background original : le western. Avec en plus des personnages assez forts et capables de marquer le joueur au cours de son expédition dans le Grand Ouest. Oubliez tout ça, pour une raison qu'on s'explique mal, le studio Techland et Ubisoft ont choisi de nous exposer leur vision du western moderne : la lutte contre le trafic de drogue entre la Californie et le Mexique. Eh bien grande nouvelle : ça ne prend pas. Ce n'est pas une sorte de western moderne qu'on nous offre dans Call of Juarez : The Cartel, juste un très mauvais film d'action. L'histoire de The Cartel se déroule de nos jours et débute à Los Angeles. Dans l'espoir de faire tomber un cartel de drogue particulièrement actif et agressif, 3 agents sont invités à faire équipe. Et l'un d'eux, à votre guise, sera votre avatar. McCall (oui, un descendant de Ray dans les épisodes précédents) vient des services de police de la ville, Kim Evans est agent du FBI et Guerra, pour sa part, est un membre pas très net de la DEA. Trois personnages différents mais tous taillés dans le stéréotype le plus affolant et inspirés par ce que le cinéma et les téléfilms ont pu produire de pire. Certes, un grain de délire dans la construction des personnages ça ne peut pas faire de mal, mais là, on voit mal comment apprécier ces héros vus et revus qui échangent des dialogues navrants composés de clichés ridicules.
Ce n'est donc pas l'ambiance qui va vous attirer vers Call of Juarez : The Cartel et autant vous le dire tout de suite, ce n'est pas non plus son gameplay. Affreusement générique, le soft de Techland est un run and gun sans surprise et au level design prévisible. Même lorsqu'on est dehors, on reste dans un couloir parcouru par des ennemis qui ont le mérite de ne pas manquer d'agressivité à défaut d'être très finauds. Plats, le gameplay et le rythme ne parviennent jamais à surprendre et on s'attend malheureusement toujours à ce qui va nous tomber sur le râble. Même l'intégration de plusieurs phases de conduite n'y changera rien. La chose n'ayant d'ailleurs d'intérêt que lorsqu'on remplace ses deux acolytes par des véritables joueurs capables de prendre les armes pendant que l'on tient le volant.
Car il ne faut pas oublier que The Cartel est construit comme un jeu coopératif et que même en solo, vous n'y serez jamais seul. A choisir, on recommande tout de même de remplacer l'I.A. par des humains, ça ne rend pas la campagne plus palpitante, mais ça évite d'avoir à supporter le spectacle d'un compagnon qui fait des ronds sur une marche d'escalier ou qui s'amuse à tirer en se plantant au milieu du passage. Le hic, c'est que pour jouer en coopération avec des amis online, il faut d'une part commencer la partie en coop (il est impossible de rejoindre une session en cours) et que ces derniers en soient au moins au même point que vous dans l'histoire. Pratique non ? Mais le point le plus regrettable, c'est que Call of Juarez : The Cartel avait en réserve une bonne idée : les motivations personnelles. Chacun des trois personnages a ses propres raisons personnelles de faire tomber le cartel. McCall cherche un type avec qui il était au Vietnam (ah oui, on a aussi droit à ça), Evans veut protéger son petit frère parce que, bon, c'est une gonzesse alors forcément elle est sensible et délicate, et Eddie Guerra a de grosses dettes. Chacun peut du coup chercher à s'emparer d'objets précis mais sans que ses camarades de jeu le voient faire. Guerra par exemple vole de la drogue pour la revendre aux dealers alors que McCall cherche des armes marquées pour une enquête. Quant à Evans, elle collectionne les talkies-walkies, mais on sait pas vraiment pourquoi en fait. Ah, ça, c'est une chouette idée. Mais en fait non. En solo, l'I.A. est tellement débile que récupérer les objets est aussi simple que de ramasser des munitions par terre, en particulier quand on sait que les alliés vous attendent sans bouger dès qu'ils arrivent à un checkpoint, ce qui vous laisse toute liberté pour aller faire votre cueillette.
Et en coop alors ? Disons que c'est mieux, parce que chacun surveille les membres de son équipe, seulement rien ne dit que vous allez chercher à vous prendre la tête avec cette quête annexe, ce pour une raison très bête. Collecter ces bidules ne sert qu'à une chose : faire grimper votre expérience de façon à débloquer des armes. Seulement si vous avez déjà fait la campagne une première fois, vous avez ces armes, pour tous les personnages. Du coup, personne n'a d'intérêt à chercher ces objets qui de toutes façons apparaissent toujours au même endroit. Ou comment flinguer ce qui était sans doute la seule bonne idée du jeu.
Techniquement, l'ensemble est assez miteux avec un déballage de textures grossières qu'on essaie de masquer par un abus de HDR qui ne vous aidera pas à distinguer un ennemi d'une poubelle. La version PC étant encore plus mal lotie, même le point blanc indiquant vos objectifs n'est pas rond et ressemble à un cerle dessiné sur un Amstrad en 1986. La bande-son ne fait d'ailleurs pas mieux. D'un côté, nous avons les méchants trafiquants qui non seulement se ressemblent tous, mais se partagent en plus deux voix et une série d'invectives qu'ils balancent en chaîne. On a vite le sentiment confus de mitrailler le même mec du début à la fin du jeu. Et vos équipiers ne font pas beaucoup plus d'efforts, répétant inlassablement les mêmes répliques qui en plus tombent souvent à côté de la plaque. S'ils crient "à gauche !", pas la peine de tourner la tête, en général il n'y aura rien. Et le fait d'être dos à un mur ne les arrêtera pas quand ils auront envie de vous conseiller de surveiller vos arrières. Ouais, ouais, t'inquiète poulette, je surveille les briques. D'ailleurs, je vais mettre un grand coup de tête dedans.
- Graphismes7/20
Call of Juarez : the Cartel est supposé représenter la dernière version du moteur de Techland, alors on s'étonne de voir que le jeu est moins abouti que les précédents. Même les menus sont affreusement laids au point qu'on se demande s'il ne s'agit pas de visuels temporaires qu'on aurait oublié de remplacer avant la duplication.
- Jouabilité9/20
De A à Z, Call of Juarez est ennuyeux et prévisible, avec en prime des sensations de jeu étonnamment fades. La seule bonne idée, les objectifs personnels, est très mal exploitée et en solo comme en coop, la campagne est vite oubliée.
- Durée de vie14/20
Refaire la campagne avec les trois personnages ne présente pas de réel intérêt, en revanche, on peut toujours la faire une première fois seul puis en coop. Enfin ça c'est en théorie. Le mode multijoueur compétitif est parfaitement anodin.
- Bande son10/20
On trouve quelques thèmes musicaux corrects, en revanche, les doublages sont abominables et les dialogues navrants. Le style série B ne prend absolument pas et, cerise sur le gâteau, la synchro labiale est à revoir.
- Scénario10/20
Le scénario n'est pas franchement mauvais malgré son manque flagrant d'originalité, mais c'est surtout sa narration qui se montre misérable. Elle et les trois héros.
Prenez une formule qui marche correctement et faites-en un navet. Après deux volets certes perfectibles mais plutôt sympathiques, Techland nous sort une version moderne de sa série qui, non contente d'avoir perdu en personnalité et gagné en clichés tout nases, n'a même pas un gameplay potable. Un bien bel échec.