Grasshoper Manufacture n'a décidément rien d'un studio ordinaire, préférant se complaire dans l'étrange, l'inattendu ou comme dans le cas présent, le féerique un peu glauque. Comme débridé par le développement d'un jeu à télécharger, le studio nous livre une de ses oeuvres les plus iconoclastes. Ce qui n'est pas peu dire.
Heureusement qu'une poignée d'images illustrent cet aperçu, faute de quoi expliquer à quoi ressemble Black Knight Sword serait une cruelle gageure. Mélange plus qu'improbable entre les classiques de l'action et de la plate-forme en 2D des années 80 et d'un théâtre pour enfants à la japonaise (avec une touche d'animation déglinguée à la Terrry Gilliam), le titre de Grasshoper épouse à la perfection la mouvance initiée par des titres comme Dishwasher et sa suite. Les premières minutes du jeu y font d'ailleurs rapidement penser. Dans une chambre un peu glauque, ce qui ressemble à une marionnette sans marionnettiste gît jusqu'à ce que l'on finisse par l'animer pour la guider vers une armure de chevalier noir. Par la fenêtre, on aperçoit de mornes enseignes au néon, du genre de celles que l'on trouverait dans un quartier chaud un peu cradingue. Le parti pris artistique de Black Knight Sword est surprenant. Tout semble sortir d'un théâtre de papier et de carton. L'arrière-plan est plat, animé a minima, parfois par des créatures qui ne sont que des formes découpées plantées sur des tiges. L'environnement se métamorphose fréquemment, de la chambre, on passe à la forêt, de la forêt à la ville...
Le héros lui-même ainsi que ses adversaires, qui luttent pour on ne sait quelle raison, ne sont que d'étranges marionnettes aux mouvements dérangeants. Ce qui n'empêchera pas ce chevalier improvisé qui se trimballe l'épée à la main de massacrer tout ce qu'il croise dans une gerbe de sang, collectant les coeurs sanguinolents laissés par ses ennemis. Des coeurs que l'on trouvera également dans... des micro-ondes géants. Barrés chez Grasshoper ? Pensez-vous. Imaginez donc que vous combattrez des créatures aussi surprenantes que des formes « patatoïdes », des loups qui traversent l'écran en bondissant comme des jouets manipulés par un enfant, que vous trouverez une boutique pour acheter de nouveaux items dans une cage à oiseaux posée sur une jambe ou que le premier boss sera le croisement d'une pomme de terre et d'un visage de mort engoncé dans une armure et là vous saurez ce que barré signifie.
Simple, Black Knight Sword est un pur retour aux bases du gameplay, on avance en massacrant ce qui se présente et on enfile les séquences de plates-formes, aidé en cela par une autre créature sortie d'une imagination tordue, une sorte d'esprit qui se matérialise lorsque l'on effectue un double-saut, comme si c'était elle qui nous donnait un coup de pouce pour prolonger notre envol. Simpliste certes, mais foutrement hypnotique et surtout intrigant, Black Knight Sword a tout du trip un peu sordide dont on n'a même pas envie de sortir. Grande est l'envie de mettre les mains sur cet ovni qui sortira si tout se passe bien cet hiver.
On espère évidemment pouvoir vérifier le plus vite possible que Black Knight Sword n'est pas qu'une très, très jolie coquille intello-conceptuelle et que le reste du contenu du jeu saura se montrer à la hauteur. En attendant, il se dégage de ce titre sorti de l'usine de Grasshoper une attirance sordide, inquiétante, envoûtante, le truc en plus qui fait que. Nous sommes emballés.