Elite. Si ce nom est probablement inconnu de la majorité des jeunes joueurs, il rappellera à certains de longues heures passées à explorer le cosmos. Car, si elle n'a pas inventé la simulation spatiale, cette série aura su la porter au summum de la démesure.
Sorti en 1984, Elite aura su révolutionner la simulation spatiale open world par des graphismes en avance sur leur temps, une grande liberté de mouvement, et un univers travaillé (le jeu était vendu avec un roman !). Neuf ans plus tard sortait sa suite, Frontier. Cette dernière, en plus de s'installer comme une référence du genre, surclassa au centuple tout ce que son aîné avait pu proposer : environnement vaste et totalement ouvert, liberté de mouvement totale, jouabilité aux petits oignons. En 1995, arrive enfin First Encounters, troisième volet de cette série devenue culte. Sorti alors qu'il n'était pas terminé, le jeu voit une partie de son contenu retiré, manque de finition et fourmille de bugs. Est-il à jeter pour autant ? Loin de là ! Car, si certains fans lui reprochent d'être ce que son prédécesseur aurait dû être, ignorer ce monument reviendrait à passer à côté d'un accomplissement. Celui d'une série de caractère, proposant une des aires de jeu les plus vastes du monde vidéoludique.
Premier Janvier de l'an de grâce 3250. L'humanité a quitté son nid depuis longtemps, et est partie à la conquête du système solaire, puis de la galaxie. De nombreuses guerres et une invasion extraterrestre plus tard, l'univers exploré est maintenant partagé entre trois principales factions, figées dans un conflit à l'image de la guerre froide : l'Empire, la Fédération, et l'Alliance. Les coups bas et opérations secrètes visant à se mettre des bâtons dans les roues fusent, faisant le commerce des mercenaires. La trame principale, si tant est que le joueur veuille la suivre, est consacrée à la race extraterrestre Thargoïd ayant poussé le genre humain au bord de l'extinction avant de mystérieusement disparaître. Pour avoir la possibilité de mener à bien cette intrigue, il faudra se faire un nom. Débutant avec pour seules possessions un chasseur stellaire et cent crédits en poche aussi insignifiants qu'un grain de poussière à l'échelle de la galaxie, la tâche va être ardue.
Frontier est un Elite-like (!) ; lâché au milieu du cosmos, le joueur a les mains libres pour ce qui est de la façon dont il va gagner sa vie. Mercenaire, coursier, chasseur de primes, marchand, mineur, contrebandier, taxi, espion, explorateur... Le temps s'écoulant à vitesse réelle, (même s'il existe une option pour l'accélérer) et les évènements de la trame principale apparaissant à une date donnée, il est possible soit d'y prendre part, soit de laisser l'histoire se dérouler toute seule. De toute façon, le jeu n'a pas de fin propre. Pour se tenir au courant des faits se produisant dans l'univers, il est possible de s'abonner à différents journaux qui sont tous autant de points de vue différents, du magazine people à la revue scientifique, en passant par les bulletins de nouvelles affiliés à l'une ou à l'autre des factions.
D'ailleurs, parlons-en, de l'univers, car c'est l'un des points forts du jeu. La Voie Lactée modélisée en trois dimensions, étoile par étoile, planète par planète ; des centaines de millions d'astres, que toute une vie ne suffirait pas pour visiter, régis par les théories et lois de l'astrophysique en vogue à l'époque ; des astéroïdes aux planètes gazeuses, des naines blanches aux supergéantes rouges, toute la famille est là, chacune se déplaçant sur son orbite en temps réel. Si les quelques milliers de systèmes planétaires voisins du système Solaire sont en partie peuplés, plusieurs centaines de milliers d'autres sont justes explorés, et les millions restants, à découvrir. Selon les secteurs et types de gouvernements, il sera plus ou moins sûr de naviguer (les systèmes les moins policés regorgeant de pirates de l'espace, prêts à tout pour vous réduire en pièces), et il vaudra mieux réfléchir à sa destination avant d'entreprendre un voyage commercial.
Les combats sont assez réussis et souvent nerveux, ceci grâce à un pilotage assez simple, sans pour autant manquer de profondeur. C'est d'ailleurs ce qui fait la magie d'Elite, quelques minutes seulement sont nécessaires pour apprendre à contrôler son vaisseau ! Cependant, les distances entre les planètes étant de plusieurs dizaines voire centaines millions de kilomètres, et le vol dans l'espace étant basé sur un modèle Newtonien, il ne faut pas s'attendre à manœuvrer un sous-marin. Rentrées dans l'atmosphère à mach 10, voyages interplanétaires à plusieurs dizaines de milliers de kilomètres par seconde, utilisation du champ gravitationnel d'un astre pour modifier sa vitesse, satellisation, toutes ces manœuvres sont possibles, bien qu'il faille garder en tête que le vaisseau mettra autant de temps à décélérer qu'il en a mis pour accélérer. Si certaines erreurs de pilotage ne pardonnent tout simplement pas (à ces vitesses, la moindre collision peut se révéler fatale), il y a habituellement un temps suffisant pour corriger sa trajectoire, les voyages prenant généralement plusieurs jours.
A la disposition du joueur se trouvent de nombreux modèles de vaisseaux, tous modifiables selon la mission à laquelle il les destinera. Tout se passe via l'achat de différents systèmes et composants interchangeables en fonction de la place disponible à bord, allant de l'indispensable pilote automatique à l'amusante caméra montée sur missile en passant par différents types de lasers et de bombes. Si les composants sont presque donnés, il faudra trimer dur pour pouvoir se payer un appareil flambant neuf. Le manque d'autonomie et de tonnage des vaisseaux de départ nous cantonnent ainsi à des activités commerciales minimes, au transport de colis, voire au mercenariat. Puis, avec l'augmentation de la taille de l'engin, allant de pair avec celle de l'espace disponible, il deviendra rentable de se lancer dans des activités plus intéressantes, telles que la piraterie, le minage dans des systèmes éloignés, et la revente en masse.
Le tableau est malgré tout terni par une flopée de problèmes, les plus évidents étant les bugs. Bugs de collision à la surface des planètes, textures superposées, quelques missions impossibles à terminer, impact des missiles parfois aléatoires… On a parfois l'impression de se retrouver avec un Frontier : Elite II agrémenté d'un scénario, de quelques vaisseaux supplémentaires, et de graphismes améliorés ; et encore ! Lesdits graphismes font pâle figure face à des jeux comme Star Wars : TIE-fighter, sorti un an plus tôt. Pour citer certains fans de la série: "Elite 4, c'est le paquet de lignes de code en version bêta se trouvant quelque part sur le disque dur de David Braben (créateur de la série). Elite 3, par contre, c'est le paquet de lignes de code en version bêta se trouvant quelque part sur le disque dur de ceux qui l'ont acheté." Mais ne crachons pas dans la soupe, surtout si elle est bonne. Avec son ambiance unique, sa liberté, son univers vaste, sa difficulté relevée, et son étonnante profondeur, Frontier : First Encounters réussit malgré tous ses défauts à s'élever parmi les références de la simulation spatiale. Maintes fois imité, jamais égalé.
- Graphismes13/20
L'ensemble aurait l'air en retard sur les standards de l'époque s'il n'y avait pas cette ambiance si particulière, et surtout cette immensité propre à la série. On remarquera notamment un système de lumières bien fichu, mis en valeur par un cycle jour/nuit évoluant en temps réel sur les planètes !
- Jouabilité17/20
Une des forces du titre. Si l'on apprend à manier son appareil en quelques minutes, il existe de nombreuses subtilités de pilotage que l'on pourra découvrir par la suite. Des combats dynamiques aux arrimages délicats, en passant par les rentrées dans l'atmosphère des planètes, on y prend un réel plaisir. On notera aussi un ordinateur de bord assez agréable à utiliser. Un joystick n'est cependant pas de trop, même si le jeu est tout à fait jouable au clavier.
- Durée de vie16/20
Dire que l'univers est vaste serait un doux euphémisme. Les quêtes étant générées aléatoirement, et le jeu n'ayant pas réellement de fin, on trouve toujours quelque chose à faire, et il faudra être patient avant d'amasser un pactole suffisant pour s'acheter le vaisseau de ses rêves. Un modèle open world assez efficace, donc, qui promet d'occuper pendant de nombreuses heures. On regrettera tout de même de ne rien pouvoir posséder d'autre que son vaisseau.
- Bande son14/20
Les musiques en midi collent assez bien à l'ambiance, et si l'on trouve des morceaux classiques comme le Beau Danube Bleu de Stauss, on appréciera aussi les compositions originales de Dave Lowe ou du Quality Quartet. Pour ce qui est des bruitages, l'ensemble est assez réussi, à l'exception des lasers, capables du pire comme du meilleur.
- Scénario13/20
L'univers est travaillé, et les journaux sont un plus non négligeable, renforçant l'immersion. Le tout donne l'impression de tenir debout, bien que l'on eût apprécié des quêtes spéciales plus nombreuses. Le fait de pouvoir passer à côté de la trame principale sans intervenir est original, mais parfois frustrant!
Plus qu'une amélioration de Frontier : Elite 2, Frontier : First Encounters est un opus ayant sa propre personnalité. Proposant une certaine profondeur couplée à une bonne dose de difficulté, mais sachant malgré tout rester simple d'accès, le titre parvient par ses qualités à faire oublier une bonne partie de ses défauts, pourtant nombreux ! Un incontournable pour tout amateur de simulation spatiale qui se respecte.