Pour une licence qui a fait ses preuves, changer d’époque est toujours un pari risqué. Surtout quand cette licence est profondément ancrée dans la Seconde Guerre mondiale. C’est pourtant le choix qu’ont fait les concepteurs de Death to Spies, jeu d’infiltration dans la plus pure tradition, qui proposera au joueur, dans un troisième opus, une plongée au cœur de la guerre froide. Et cette fois-ci pour incarner non pas un, mais jusqu’à trois espions en parallèle. Le peu que nous en avons vu laisse à penser que ce virage s’annonce plutôt bien négocié. D’autant que d’heureuses améliorations sont également au rendez-vous.
Débarqué presque en catimini en 2007, Death to Spies (suivi en 2010 de Death to Spies : Moment of Truth), a su séduire les amateurs de jeux d'infiltration. Pas pour ses qualités graphiques, loin s'en faut, mais pour son caractère sans concession aux codes du jeu d'infiltration pur et dur. Marqués du sceau de l'exigence, et dotés d'une IA redoutable (à défaut d'être totalement infaillible), les deux premiers volets proposaient aux joueurs (plus qu'avertis !) de plonger dans l'appareil nazi en incarnant à la troisième personne un agent du SMERSH soviétique. Des missions à haut risque constituées de sabotages, assassinats, enlèvements, vols ou destruction de documents, qui dégénéraient immanquablement si l'on manquait de discrétion. Surtout, toute tentative de passage en force était vouée à l'échec.
Pour ce troisième opus, les développeurs russes de Haggard Games changent donc d'époque et d'environnement. Terminé la Seconde Guerre mondiale et les QG et camps militaires nazis d'Allemagne et d'Europe de l'est, place à la guerre froide quinze ans plus tard, et aux atmosphères tropicales de Floride et de Cuba, aux bâtiments du FBI de Washington en passant par quelques incursions en Europe de l'Ouest. Dans ce contexte, Semion Strogov, le héros des précédents volets (et qui n'a pas pris une ride !), reprend du service mais cette fois-ci flanqué de deux collaborateurs, Viktor Kovalev et Olga Godunova-Lopes. C'est là une des principales nouveautés. A tout moment en effet (à l'exception de quelques séquences-clés), il est possible de délaisser momentanément un personnage au cœur d'une mission (à l'aide d'une touche) pour en incarner un deuxième pour une autre mission puis, le cas échéant, de zapper sur un troisième. De quoi passer à autre chose en cas de blocage pour mieux revenir avec un regard neuf, permettant à coup sûr de réviser sa stratégie d'approche. Les trois espions à incarner ont également des aptitudes et des armes qui leur sont propres, un point qui ne nous pas été totalement dévoilé, mais sachez que le pistolet silencieux reste l'apanage du héros principal et qu'Olga utilise ses épingles à cheveux en guise d'armes de destruction massive…
Au rayon nouveautés, on notera surtout que le moteur graphique a pris un joli coup de jeune, ce dont on ne se plaindra pas puisqu'il s'agissait là du principal point discutable de la licence. Plus de finesse, plus de couleurs, des effets de lumière plutôt jolis, reléguant les teintes sépia qui caractérisaient le premier volet au rayon souvenirs. Il faut dire que le soleil et les palmiers de Floride ne s'y prêtaient guère… Les environnements sont ainsi plus agréables à l'œil tout comme les personnages, quand bien même il subsiste une certaine rigidité dans les mouvements et les animations. Un coup de jeune qui est aussi visible au niveau de l'interface secondaire, celle-ci affichant les objectifs en cours, ceux déjà réalisés ainsi que le plan des lieux. C'est en tout cas ce que nous avons constaté sur la version Xbox 360 approchée (une première pour la série jusque-là exclusive au PC). L'interface principale reprend quant à elle une disposition identique à ce que l'on connaissait : l'arme ou le gadget sélectionné s'affiche en bas à gauche, tout comme la distance et la direction nous séparant de l'objectif (à condition d'avoir placé un marqueur sur la carte générale de l'interface secondaire), la mini-map en bas à droite et l'indication d'alerte, si l'on est suspecté par un personnage croisé par exemple, apparaît en haut bien au centre de l'écran. De façon classique et déjà expérimentée dans les deux volets précédents, cette indication est affublée d'une jauge qui lorsqu'elle se remplit complètement, déclenche l'alerte générale. Il s'agit alors de la faire baisser au plus vite en s'éloignant rapidement du regard suspicieux tout en tentant d'adopter l'attitude la plus neutre possible. On notera d'ailleurs qu'au rayon nouveautés, le mode “Spy Sense” que l'on active avec une touche, et qui recouvre l'interface de ce que l'on pourrait qualifier d'un flou-nuageux, fournit des indications sur les “forces en présence” permettant d'affiner sa stratégie. Et notamment de comptabiliser le nombre de personnages stationnés dans une pièce attenante ou d'entourer ceux des environs d'un halo de couleur en fonction de leur dangerosité.
La séquence à laquelle nous nous sommes confrontés nous a permis de vérifier que le gameplay, somme toute classique mais solide, reste parfaitement inchangé. Pour réaliser avec succès le premier objectif abordé lors de notre prise en main, lequel consistait à désactiver une alarme dans une villa cossue de Floride parcourue bien évidemment par une flopée de gardes de sécurité, patience et observation étaient plus que jamais requises. Ce qui est valable pour à peu près toutes les étapes de chaque mission. Il s'agit donc d'observer la ronde des gardes, afin de repérer le moment idéal pour assommer l'un d'entre eux momentanément isolé des autres (ou dans le cas de notre premier objectif un serveur), de dissimuler son corps à l'abri des regards (un placard fera l'affaire ou même un congélateur par la suite) après l'avoir délesté de sa tenue afin de la porter et ainsi passer sans encombres dans une pièce particulièrement surveillée. Il est à noter au passage que nombre d'objectifs seront validés après avoir réussi des mini-jeux, un aspect là aussi particulièrement développé dans ce nouvel épisode. Outre les serrures à combinaison déjà expérimentées dans les opus précédents, on aura affaire à des mini-jeux chronométrés consistant à désactiver la fameuse alarme (il faut alors relier deux contacteurs identiques) ou, comme ce sera le cas dans l'objectif suivant, à verser un aphrodisiaque dans le verre d'une convive. Ce qui laisse supposer que tous les moyens sont bons pour arriver à ses fins dans la plus pure tradition de la guerre froide, en tout cas dans l'imaginaire collectif. Au final, le jeu remet en scène des mécanismes classiques manquant à vue de nez sans doute un peu d'originalité mais qui fonctionneront plutôt bien, une fois de plus.
Débarrassé d’une certaine austérité, et remis graphiquement au goût du jour, ce nouveau Death to Spies qui plante le décor en pleine guerre froide s’avère assez prometteur pour les amateurs du genre, pour peu que la difficulté soit une fois de plus au rendez-vous, ce qui semble être le cas. La possibilité de changer de personnage à tout moment, la nouvelle fonction “Spy Sense” et la multiplication des mini-jeux chronométrés promettent d’enrichir positivement le titre. Il a en tout cas l’apparence d’un bon jeu d’infiltration pure, ce qui ne se refuse pas compte tenu du peu de titres similaires par les temps qui courent.