Trônant aux côtés des Final Fantasy et autres Dragon Quest au panthéon des RPG les plus populaires au Japon, la série des Tales of nous offre donc un troisième épisode sur la portable de Nintendo. Autant le dire tout de suite, c'est une franche réussite ! Vous adoptez ici le point de vue de Shing Meteoryte, un jeune garçon pas forcément futé mais très curieux, élevé par son grand-père Zex. Un archétype de héros qui a fait ses preuves mais qui pourra sembler trop fade au goût de certains. N'en reste pas moins qu'un beau jour, la vie trop tranquille du jeune homme va se trouver bouleversée par l'arrivée en catastrophe de Hisui et Kohaku Hearts, frère et soeur de leur état et poursuivis par une mystérieuse sorcière aux pouvoirs apparemment sans limites. A la suite d'un affrontement aux conséquences tragiques, la Spiria de Kohaku se voit éparpillée aux quatre coins du monde et la jeune fille ne semble plus être qu'une coquille vidée de toute émotion. Bien décidé à apporter son aide à Hisui et sa soeur grâce à sa Soma, épée aux pouvoirs étonnants qui permettent à son possesseur d'entrer dans l'esprit d'une personne pour soigner son mal, Shing part à l'aventure pour tenter de reconstituer la psyché en lambeaux de Kohaku qui semble provoquer d'étranges phénomènes dans les villes alentour. Se déroulant sur un fond de conflit politique, l'intrigue suit un rythme soutenu qui finira à notre grand regret par s'étioler durant le dernier quart du jeu. Une maladresse de narration qui heureusement est rectifiée par un épilogue à la hauteur de tout Tales of qui se respecte.

Il serait cependant mal avisé de bouder son plaisir pour si peu, puisque la cinquantaine d'heures de jeu proposées regorgent de surprises, d'événements et de rencontres qui ne vous laisseront pas indifférent. Les personnages qui intégreront votre groupe, de même que les figures principales et secondaires du titre, possèdent tous une personnalité bien distincte qui ne cède jamais à la morosité d'une candeur trop grand public et qui contribue à forger une immersion surprenante pour un jeu sur console portable. Une immersion qui doit aussi beaucoup à la beauté du titre, harmonie entre maîtrise technique et choix esthétiques qui font se conjuguer la 2D lors des affrontements en scrolling horizontal à la 3D qui donne vie aux différentes villes et aux donjons. La modélisation des environnements est donc exemplaire mais on regrettera que certains se ressemblent autant, notamment les routes reliant les différents points d'intérêt entre eux qui ne sont rien de plus que des copier-coller les unes des autres. Une certaine redondance visuelle qui heureusement ne s'invite pas dans les environnements les plus importants, nous laissant les apprécier à leur juste valeur. Pas de fausse note en revanche pour tout ce qui touche à la 2D : les différentes représentations des personnages sont réussies, de même que les effets visuels liés aux techniques utilisées par vous-même ou vos ennemis. Un enrobage très agréable dans l'ensemble donc, qui sert un système de jeu très complet.

En effet, si cet opus reprend le concept des combats en temps réel très nerveux adopté par ses aînés, il n'en regorge pas moins de spécificités qui lui sont propres. Dans Tales of Hearts, exit les équipements ! Vous n'aurez le droit d'arborer en tout et pour tout que deux accessoires ce qui, il faut le dire, peut laisser perplexe. Mais cela aurait été sans compter sur le système d'upgrade qui régit l'évolution de vos personnages et qui permet, à l'aide d'items récoltés ou achetés tout au long de l'aventure, de décider de quelle façon on veut faire progresser nos combattants en développant les capacités de leur Soma respective. Ce sont donc les armes elles-mêmes qui évoluent et qui peuvent être améliorées de différentes manières selon que l'on souhaite dédier un personnage à l'offensive débridée ou au soutien. Un fonctionnement auquel on s'habitue aisément, d'autant que le tout s'incorpore parfaitement aux enjeux de l'intrigue qui font la part belle aux relations entretenues entre les personnages et à l'influence de leur Soma sur ces mêmes relations (à l'image de la Jauge d'Emotion qui prend la place des traditionnels points de mana). Ce système se révèle donc cohérent, évolutif et agréable à prendre en main et ce malgré un ou deux défauts. On retient parmi ceux-ci les raccourcis pris par les développeurs pour rendre les combats plus ardus (les ennemis bénéficient régulièrement, après avoir été frappés, de courtes périodes d'invulnérabilité) ainsi que la modélisation des armes en combat, qui n'évoluera pas d'un iota avant la fin du jeu malgré les transformations bien visibles dans les menus. Des défauts sur lesquels on passe facilement l'éponge, mais qui sont dommageables quand on considère la grande qualité du soft.

Au rayon des petits détails qui empêchent Tales of Hearts de prétendre au rang de chef-d'oeuvre, on peut également citer la bande-son, qui ne suscitera pas les émotions voulues et qui aurait réellement pu (dû ?) être meilleure. Certaines scènes en pâtissent clairement, même si au demeurant les thèmes composés par Motoi Sakuraba, pas très en forme pour l'occasion, ne sont jamais désagréables à écouter et même parfois plutôt sympathiques. Dommage que sur ce point-là le titre ne soit pas à la hauteur, car à cette exception près on retrouve dans cet opus tout ce qui fait un bon Tales of. Qu'il s'agisse du New Game + très complet, des différents titres que peuvent endosser les personnages, de la possibilité de combattre avec n'importe lequel d'entre eux, des diverses encyclopédies proposées ou encore de l'atmosphère qui se dégage de cet univers en proie aux émotions humaines les plus destructrices, tout est là pour nous faire passer de très agréables moments. Sans égaler l'excellence d'un certain Tales of Symphonia, cet épisode plein de coeur demeure très généreux et saura aussi bien ravir les adeptes de la série que les amateurs de RPG plus occasionnels.