Petite perle vidéoludique encensée par la critique lors de sa sortie, Beyond Good & Evil a pourtant constitué un échec commercial pour Ubisoft. Mais loin de disparaître tristement du paysage comme d'autres jeux avant lui, le sublime bébé de Michel Ancel (Rayman) a au contraire été l'objet d'un vigoureux bouche à oreille, les fans étant manifestement déterminés à ce que leur titre fétiche ne soit pas oublié. Aussi, Ubisoft s'est-il finalement décidé à offrir une seconde chance à BGE. Un léger lifting graphique sans aucune modification de gameplay, et hop, le bougre se retrouve désormais en téléchargement sur PS3 et 360, le tout à un prix raisonnable. Ne reste plus maintenant qu'à prier pour que le titre rencontre enfin le succès qu'il mérite.
Sorti fin 2003 sur PS2 et PC avant de débarquer sur Gamecube et Xbox quelques mois plus tard, Beyond Good & Evil est le fruit du travail d'une trentaine de personnes, regroupées en une petite formation au sein du studio d'Ubisoft Montpellier. A sa tête se trouvait Michel Ancel, le papa de Rayman dont l'ambition était de créer un univers où l'on puisse se sentir libre de partir à l'aventure, de se balader et de prendre des photos. Inspiré par les univers du réalisateur de films d'animation Hayao Miyazaki ainsi que par les jeux de Shigeru Miyamoto (Mario, Zelda), il conçoit une histoire attachante et nous invite à vivre le combat d'une jeune femme, Jade, pour protéger sa planète d'une invasion extraterrestre. Mélangeant aventure, exploration, phases en véhicule, combat et infiltration dans un univers coloré et baigné de somptueuses compositions musicales, le jeu se démarque par une approche poétique et relativement adulte. De nombreux joueurs ont d'ailleurs vu en BGE une sorte de "Zelda français", à l'instar de Jihem, responsable du test initial et dont vous retrouverez en gande partie la prose dans les lignes qui suivent.
Mais l'heure est venue d'entrer dans le vif du sujet. Commençons donc par le début en nous attardant sur le scénario de BGE, scénario dont la lecture peut se faire à deux niveaux. Soit on perçoit l'histoire comme celle de la planète, Hillys en proie à une guerre qui sévit depuis de trop nombreuses années, soit on se concentre sur son héroïne Jade qui vit la situation au quotidien et qui tente de faire avec. Les deux visions sont valables. Le titre alterne d'ailleurs régulièrement entre les deux points de vue avec un scénario qui se place au niveau global mais qui ne perd jamais une occasion pour se focaliser sur Jade.
BGE c'est effectivement un univers incroyablement immersif qui nous invite à découvrir la planète Hillys régulièrement attaquée par les extraterrestres DomZ et qui doit compter sur les sections Alpha pour sa protection. Des sections Alpha qui ne font pas l'unanimité auprès de la population et pas seulement à cause de leurs méthodes brutales et de leur propagande intempestive sur tous les écrans de la ville. Le groupe de résistance IRIS pense clairement que les sections Alpha cachent quelque chose et ne se gênent pas pour le dire en diffusant des journaux clandestins remplis de révélations fracassantes. Au milieu de ce contexte politique instable, il y a Jade, une reporter de guerre qui s'occupe d'un orphelinat avec son oncle adoptif Pey'j, un porc expert en mécanique. Pour vivre, Jade effectue des reportages photo à la solde de divers employeurs. Aussi, lorsqu'on lui propose d'immortaliser sur pellicule une créature DomZ enfouie dans une vieille mine, elle ne se doute pas que c'est le début d'une longue aventure qui la fera rejoindre les rangs d'IRIS à qui elle prêtera ses talents de photographe pour des missions au coeur des quartiers Alpha.
Difficile de fait de cantonner BGE dans un genre précis. Le titre se place plus comme une expérience unique que comme un style de jeu isolé. On infiltre avec Jade les quartiers ultra-sécurisés des Alpha (le jeu prend alors une tournure infiltration, où il est de bon ton d'éviter tout combat), on participe avec elle à des courses d'hovercraft, on l'aide à réaliser un recensement complet de la faune d'Hillys, on discute avec les habitants de la ville, on fait des emplettes au magasin... En fait, on vit avec Jade. Ca peut paraître bête, dit comme ça, mais c'est un peu le sentiment qui se dégage du titre. Et puisqu'en plus, le monde d'Hillys est parfaitement cohérent – les gens semblent mener leurs petites affaires de leur côté, se promènent, parlent entre eux, se rebellent contre les sections Alpha – on est parfaitement immergé dans cette expérience de jeu.
Sachez en outre que Jade ne sera pas seule dans sa quête de vérité. Accompagnée au début de ses péripéties par Pey'j, elle fera aussi la connaissance de Double H, un membre d'IRIS très volontaire et qui ne jure que par le livre théorique de Peter et Carlson, ses deux maîtres à penser. Jade peut mettre à contribution son équipier du moment, en lui demandant d'appuyer sur un interrupteur ou de déclencher une super attaque pendant les combats. A ce propos, les phases de combats ne sont pas très nombreuses, Jade préférant éviter autant que faire se peut les affrontements directs, surtout lorsqu'elle se retrouve en territoire ennemi avec de nombreux gardes Alpha qui rôdent dans les parages. Contre des créatures moins agressives, elle n'hésite cependant pas à sortir son bâton pour frapper à tout va. Les commandes sont simples et très souples à maîtriser. Le stick gauche pour choisir sa direction, le bouton d'attaque pour frapper. Les combos s'enchaînent alors de la plus belle des façons. Jade fait des roulades, frappe dans son dos, en avant, sur les côtés sans jamais s'arrêter. Quelques boss attendent la belle sur son chemin. Il s'agira alors de trouver la technique la plus appropriée pour leur faire mordre la poussière.
Une grosse partie du jeu est consacrée aux reportages photos que Jade doit effectuer dans les quartiers Alpha. Sans se faire repérer, Jade doit évoluer au milieu des soldats. Pour cela, il faut observer leurs rondes, repérer leurs positions, et trouver le bon moment pour passer dans leur dos. Ces phases vraiment intéressante mettent cela dit en valeur le plus gros défaut du jeu : les caméras. Si dans des environnements ouverts, tout se passe bien, très bien même, c'est une autre paire de manches lorsqu'on se trouve à évoluer dans des petits conduits d'aération. La focale a tendance à s'emballer d'un coup et il est souvent très difficile de la placer correctement pour nous montrer les dangers qui nous guettent. Ce n'est pas insurmontable, mais ça a tendance à énerver. Heureusement, le jeu n'est pas du genre à nous faire recommencer tout un niveau en cas de défaite. Privilégiant le plaisir à la frustration, BGE contient des sortes de checkpoints invisibles. Ainsi, si on se fait repérer par un garde, on recommence instantanément à l'entrée de la salle sans même subir de chargements intempestifs ! Il est tout simplement dommage qu'Ubi n'ait pas cherché à corriger l'unique gros souci du jeu en sortant ce remake.
Un plaisir également communiqué par la réalisation, toujours agréable, même si le lifting graphique vanté par l'étiquette HD accolée au titre du jeu se borne en fait au lissage des contours et à un travail sur les modèles des personnages. Pour être honnête, et si vous n'avez pas parcouru le jeu depuis longtemps, les différences ne vous sauteront pas vraiment aux yeux. Il faut vraiment mettre les deux versions côte à côte pour se rendre compte du boulot accompli. N'attendez donc pas de BGE HD qu'il vous explose les rétines, car on se retrouve simplement avec une version légèrement retouchée, mais pas revisitée. Cela dit, la force du titre tient en grande partie à son design, toujours aussi somptueux, ainsi qu'à sa mise en scène, qui n'a pas pris une ride.
Reste également à évoquer l'ambiance sonore, toujours aussi fabuleuse avec notamment des thèmes musicaux enchanteurs. L'instrumentation parvient à faire émerger des sentiments tantôt calmes et paisibles, tantôt nerveux et plus inquiétants. Le doublage français n'est pas en reste. L'actrice Emma de Caunes qui prête sa voix à Jade est entourée d'une pléiade de comédiens talentueux donnant vie à tous les personnages. Que ce soit Pey'j avec ses "nomdidju" ou Double H et ses "On ne casse pas le binôme", chacun a une personnalité bien trempée. Avec de telles voix, on regrette simplement que tous les dialogues ne soient pas doublés... Bref, vous l'avez compris, cette version téléchargeable de la perle d'Ubisoft se destine surtout aux joueurs néophytes et aux fans acharnés désireux de retrouver leur titre fétiche sur leur machine de prédilection.
- Graphismes15/20
Beyond Good & Evil reste fidèle à lui-même. Le lifting graphique opéré pour cette réédition rend effectivement le jeu plus fin, plus fluide et plus agréable à l'oeil, mais ne vous attendez pas à être subjugué pour autant. On parle en effet d'un jeu de 2003 dont la beauté tient davantage au design général et à sa galerie de personnages uniques. La poésie qui se dégage de BGE reste d'ailleurs toujours aussi saisissante et on se laisse très facilement happer par cet univers haut en couleur qui tranche avec la noirceur de l'histoire dont il est le siège.
- Jouabilité15/20
Globalement, Beyond Good & Evil reste maniable quelle que soit la phase de jeu (exploration, infiltration, course d'hovercraft, mini-jeux...) mais les caméras jouent parfois les troubles-fêtes, notamment dans les environnements fermés. Ubisoft s'est en fait contenté de modifier le fonctionnement de l'appareil photo, nettement plus souple qu'auparavant, sans toutefois toucher au principal souci du soft. C'est certes dommage, mais point rédhibitoire, BGE étant tout de même un soft assez accessible.
- Durée de vie15/20
Comme tous les bons jeux, on regrette que celui-ci soit un peu court. Mais comme on dit, mieux vaut que l'aventure soit courte et intense que longue et ennuyeuse. Et puis, on peut aussi prolonger son plaisir en s'attardant sur les mini-jeux tels que les courses d'hovercraft ou surtout en cherchant à dénicher toutes les perles, parfois planquées dans des lieux qui méritent vraiment d'être explorés.
- Bande son18/20
Un doublage qui s'intègre parfaitement dans le jeu. Sans tomber dans la caricature, les voix parviennent à traduire la personnalité de chaque personnage. Les musiques et les bruitages font également dans le très haut de gamme. Se promener à la surface d'Hyllis en écoutant les compositions de Christophe Heral constitue une expérience unique.
- Scénario18/20
Derrière le design coloré du jeu se cache en fait un scénario sombre et intelligent qui se laisse savourer avec bonheur. Les rebondissements interviennent aux bons moments et, chose très difficile à rendre dans un jeu, les émotions de l'héroïne sont communicatives. Ainsi, lorsqu'elle voit... non, on ne vous dit rien, vous verrez.
Difficile de donner une note à un titre de 2003 qui n'a fondamentalement pas changé. Au-delà (ha ha !) de ses graphismes légèrement affinés Beyond Good & Evil reste fidèle à lui-même. On retrouve donc un titre envoûtant, riche, intelligent, drôle et poétique qui n'a pas pris une ride. Certes, on regrette le fait qu'Ubisoft n'ait pas profité de l'occasion pour corriger le seul et unique défaut du jeu, c'est-à-dire sa caméra, mais le fait est que l'expérience s'avère toujours aussi exceptionnelle. Nous ne pouvons d'ailleurs terminer ce test que par une prière ô combien légitime : si vous faites partie des joueurs qui n'ont jamais eu le plaisir de croiser BGE, voilà sans doute le moment de lui laisser sa chance. Jade, Pey'j et leur planète le méritent vraiment. Enfin, peut-être faut-il voir dans la sortie de ce "remake" un moyen pour Ubisoft de tâter le terrain en vue d'une éventuelle suite, toujours pas confirmée officiellement... On espère donc que le succès sera au rendez-vous, d'autant que le prix de vente n'est pas excessif.