Lorsque les créateurs de Resident Evil et de No More Heroes s'allient pour créer une nouvelle licence, il serait complètement hérétique de ne pas s'intéresser au projet. Cette équipe de choc a fini par accoucher de Shadows of the Damned, un jeu d'action/horreur au style plutôt déjanté.
Avec de tels noms derrière sa conception, il est vrai que Shadows of the Damned part sous de très bons augures, d'autant qu'il faut y ajouter Akira Yamaoka, compositeur des Silent Hill. Bref, que du beau monde. Mais qui dit nouvelle franchise dit aussi faire table rase du passé.Il va donc falloir trouver un environnement et des personnages accrocheurs pour ce jeu d'action à ambiance horrifique. Et si nous ne parlons pas de survival-horror, c'est parce que vous passerez plus de temps à démonter du démon à la mitraillette qu'à claquer des dents, le titre tendant allègrement vers le gore.
La trame du jeu est mise en place par une longue scène jouable qui précède le menu principal. Vous y contrôlez Garcia Hotspur, un bellâtre mexicain chasseur de démon. Malgré sa vaillance, il ne pourra rien contre l'enlèvement de sa femme Paula par le Maître des Démons, le surpuissant Fleming. Garcia poursuit alors sa femme jusqu'aux Enfers, là où toute l'histoire se déroule. Premier point important, vous êtes accompagné de Johnson, un crâne particulièrement bavard dont l'accent anglais, le style et la manie de déblatérer sans cesse font diablement penser à Wheatley de Portal 2. On ne parlera pas de repompe, mais il faut bien avouer qu'il est inévitable de faire le lien. Toutefois, Johnson n'est pas là que pour faire le guignol. En effet, ce dernier étant un ancien démon, il connaît bien les lieux et sa « faune locale », nous servant ainsi de guide. De plus, par un truchement que nous n'essaieront pas de comprendre, il est capable de se transformer en arme, et représente donc à lui seul tout l'arsenal de Garcia. D'ailleurs, dans l'intro, il prend même la forme d'une moto... On vous avait dit que c'était légèrement déjanté ?
En ce qui concerne Garcia en lui-même, il faut bien avouer qu'il possède un certain charisme sans pour autant tomber dans la surenchère. De toutes façons, Shadows of the Damned ne se prend jamais au sérieux et lorgne abondamment vers le second degré, comme nous le verrons plus tard. Pour le moment, vous avancez tant bien que mal dans les lugubres ruelles des Enfers à la recherche de votre bien-aimée. Pour vous défaire des nombreux démons qui apparaîtront, vous pouvez utiliser cinq armes différentes qui peuvent être améliorées. Vous avez le flingue Boner qui permet quelques tirs précis, une sorte de fusil à pompe pour les ennemis les plus coriaces, un fusil mitrailleur pour les cibles rapides, un bâton pour matraquer les démons proches et enfin, le Tir de Lumière. Ce dernier a de nombreuses fonctions, la première étant d'étourdir les démons un court instant avant de les allumer plus facilement avec une autre arme. Concernant les autres fonctions, elles ont un rapport direct avec un élément de gameplay important de Shadows of the Damned : les Ténèbres.
Lors de nombreux passages, vous devrez vous mouvoir dans des zones immergées dans les Ténèbres, ce qui a de nombreuses conséquences. Tout d'abord, vous ne pouvez y rester qu'un certain temps avant de voir votre vie descendre dangereusement. Si parfois vous pouvez récupérer des Coeurs pour recharger votre jauge de résistance aux Ténèbres, ce ne sera pas toujours le cas.Vous devrez souvent trouver le moyen de sortir de cette panade le plus vite possible, en quittant la zone ou en illuminant une tête de mouton.Oui, vous avez bien lu, si vous utilisez votre Tir de Lumière sur une des têtes de mouton soigneusement entreposées sur un mur, les Ténèbres quitteront la pièce. L'autre problème lorsque l'on est dans les Ténèbres, c'est que la plupart des ennemis y sont totalement invincibles. D'ailleurs, même s'ils en sortent, ils gardent une épaisse protection noire qu'il faudra d'abord retirer avec un Tir de Lumière afin de pouvoir enfin les toucher. Enfin, certaines portes ne peuvent être déverrouillées que si vous tirez sur son interrupteur(ce dernier ne pouvant être atteint que s'il est auparavant plongé dans les Ténèbres).
Au rayon du gameplay, vous avez aussi à faire à certaines portes protégées par une tête de bébé (non, ne cherchez pas à comprendre). Pour passer, il faut rapporter l'un des trois objets spéciaux demandé. En général, vous n'avez pas à chercher bien loin, d'autant que Shadows of the Damned est diablement linéaire. Mis à part quelques petites pièces cachées ici et là, la route est toute tracée, ce qui amène un inconvénient dont on reparlera plus tard. Enfin, le côté barré du soft reviendra en force dans quelques passages de gameplay assez étonnants, dont un shoot'em up bizarroïde dans un univers fait de papier ou une phase de tir face à des monstres Godzillesques (cette dernière étant un peu rébarbative). Cela permet tout de même de diversifier l'expérience de jeu, ce qui n'est pas un mal, loin de là. Concernant les boss, il faut très souvent atteindre un point faible en jouant avec les Ténèbres ou le Tir de Lumière. En toute sincérité, rares sont les fois où vous bloquerez, et on peut même regretter que les boss n'offrent pas plus de résistance.
Mais Shadows of the Damned se démarque surtout par son ambiance singulière et son humour lubrique. A plusieurs reprises, Fleming jouera avec votre esprit grâce à des apparitions de Paula plus vraies que nature, subissant les pires atrocités. Eviscération, décapitation, rien n'est épargné à la jeune fille qui semble vraiment ressentir la douleur de toutes ces tortures. Par contre, le sang gicle à foison et on est loin du côté malsain de Silent Hill, d'autant que l'attitude drôle de Johnson lors de ce genre d'événements tend à atténuer la violence des situations. Le reste du temps, il faut bien avouer que l'humour traîne en dessous de la ceinture, surtout si on comprend l'anglais, les sous-titres français ne rendant pas toujours hommage au côté hardcore de certaines répliques. Les nombreux jeux de mots autour du terme Boner, par exemple, ne font pas dans la dentelle, et on est parfois bien au-delà de la simple allusion, notamment lorsqu'il faut rentrer dans un trou noir placé sur un poster d'une jeune demoiselle dans une position fort aguicheuse. On vous laisse imaginer où exactement est placé le trou noir... Enfin, dans un tout autre genre d'humour, vous tombez souvent sur des livres de contes racontant l'histoire du prochain boss que vous allez devoir occire. Vous entendez alors Johnson ou Garcia lire entièrement le texte, en imitant les voix des différents personnages. Ces petits passages sont fort sympathiques en plus d'être reposants.
Enfin, malgré ses atouts, Shadows of the Damned cultive tout de même quelques défauts dont il faut parler. Tout d'abord, d'un point de vue technique, le titre de Grasshoppers Manufacture ne casse pas des briques. Non seulement les textures sont plutôt moyennes, mais les bugs sont vraiment fréquents, surtout quand plusieurs ennemis se chevauchent ou se collent à un mur. D'ailleurs, ces derniers sont affublés d'une IA particulièrement niaise, avançant sur vous bêtement, ou se bloquant pas contre une pauvre planche de bois. Il leur arrive aussi de se coller à vous sans raison, juste dans le but de vous prouver que la caméra n'est pas vraiment faite pour les combats au corps à corps. Le dernier mauvais point, et non des moindres, est sans aucun doute la durée de vie. Sept heures, c'est tout ce qu'il vous faudra pour le terminer en mode normal, d'autant qu'il ne faut pas vraiment compter sur des quêtes annexes pendant l'aventure. Mais malgré ces désagréments, nous vous conseillons tout de même ce Shadows of the Damned pour son univers complètement déluré et la variété de son gameplay. Il mêle assez l'humour, les interdits et la violence pour tenir le joueur en haleine jusqu'à la conclusion, ce qui reste la marque des bons jeux. Peut-être pas un must, certes, mais il vaut vraiment le détour.
- Graphismes12/20
Le titre de Grasshoppers reste techniquement à la ramasse de bout en bout. Bien que ce ne soit pas catastrophique, les décors sont vraiment tout ce qu'il y a de plus secondaires, souvent plongés dans la noirceur des environnements. On peut aussi noter quelques bugs, ainsi que la présence de « murs invisibles » qui font un peu tache. Par contre, les passages dans les Ténèbres, très fréquents, sont un peu mieux travaillés, bien qu'épurés.
- Jouabilité16/20
Bien moins rigide qu'un personnage de Resident Evil, Garcia est maniable, que ce soit dans les déplacements ou dans les phases d'action. Par contre, il est un peu moins habile au corps à corps, surtout à cause d'une caméra un peu foireuse. Néanmoins, la variété du gameplay est assez bien gérée pour ne pas plonger le joueur dans l'ennui, entre mini-boss, Ténèbres et petites énigmes.
- Durée de vie10/20
Que le titre ne se prête ni à des modes supplémentaires, ni à du multi, on peut le comprendre. Mais cela n'empêche pas le jeu de proposer très peu de rejouabilité après avoir fini la quête principale, qui ne dure que 7 à 8 heures.
- Bande son15/20
Le titre a sans doute permis à Akira Yamaoka de s'exprimer un peu plus que d'habitude, avec un univers complètement débridé. Si les morceaux marquants sont rares, la qualité reste au rendez-vous. Il en va de même pour les doublages, plutôt réussis, même si l'accent hispanique de Garcia semblera sans doute trop caricatural pour certains.
- Scénario12/20
Vous passez la plupart du jeu à poursuivre votre dulcinée Paula. Ne vous attendez pas à de nombreux retournements de situations pendant la trame scénaristique, mais l'humour des personnages et l'ambiance générale suffisent à tenir le joueur éveillé.
Malgré les noms ronflants derrière le jeu, Shadows of the Damned ne va pas révolutionner le jeu vidéo. Les bugs techniques sont présents et les problèmes d'IA et de caméras sont nombreux. Toutefois, le gameplay reste haletant grâce à des phases diversifiées et les passages dans les Ténèbres, stressants. Même si sa durée de vie reste courte, le titre de Grasshopper Manufacture apporte un humour et une fraîcheur plutôt agréables, à réserver à un public averti toutefois.