Dungeon Siege a beau être une série reconnue dans le domaine du hack'n slash, elle est loin d'avoir l'aura d'un Diablo. Il faut dire que si le premier épisode, conçu par Chris Taylor et l'équipe de Gas Powered Games, avait été bien accueilli, ce ne fut pas vraiment le cas de sa suite, assez décevante. Du coup, si Dungeon Siege a fait parler de lui ces dernières années, c'est plutôt pour son adaptation cinématographique made in Uwe Boll. Confié à Obsidian, le troisième volet permet-il à la série de s'imposer définitivement comme une valeur sûre du genre ?
An 1294. Trente ans après l'assassinat du Roi Roland, les armées de Jeyne Kassynder persécutent toujours les descendants de la 10ème Légion, à qui le meurtre a été imputé. Odo le Vénérable, un ancien légionnaire, s'efforce de retrouver et de protéger ces héritiers en qui il place de grands espoirs, dont celui de reformer la Légion pour s'opposer à Jeyne Kassynder, qui augmente son emprise sur le monde d'Ehb. Sa tâche n'est pas simple, car une grande partie de la population s'est ralliée à la conquérante, davantage par crainte que par conviction. Odo parvient cependant à rassembler dans le secret quelques fils et filles de la Légion dans l'ancien domaine Montbarron. Hélas, le lieu est attaqué par des mercenaires à la solde de Jeyne, et les derniers descendants massacrés. Tous, sauf un, arrivé en retard à cette grande réunion de famille. Ce retardataire, c'est vous. Mais il reste à savoir qui vous êtes vraiment.
Dungeon Siege III vous propose en effet d'incarner un héros parmi quatre possibles : Lucas le guerrier, épéiste talentueux, Anjali l'archonte, capable de se transformer en démon, Reinhart le mage, maître des arcanes, et enfin Katarina, la sorcière Lescanzi adepte des armes à feu. Le jeu ne vous permet donc pas de créer votre avatar mais vous propose de choisir parmi des personnages très typés, qui disposent chacun d'un background et d'une personnalité marqués, ainsi que d'une façon très spécifique de combattre. A vrai dire, il ne faut pas espérer les maîtriser avant une bonne heure de jeu, d'autant que même les profils taillés pour le combat à distance possèdent des capacités de corps-à-corps qui leur confèrent une bonne polyvalence, très utile tant que vous évoluez seul. Il faut toutefois savoir que vous ne resterez pas seul bien longtemps : la particularité de Dungeon Siege III, c'est que les trois héros qui n'ont pas été choisis à l'écran de sélection croiseront à un moment ou à un autre la route de l'heureux élu et accepteront de l'accompagner. Vous ne serez cependant secondé que par un seul acolyte à la fois, à choisir parmi vos trois recrues. Il vous sera impossible de lui passer des ordres, mais vous pourrez gérer son évolution et son équipement.
En matière de gestion des personnages, Dungeon Siege III souffle le chaud et le froid. Les quatre héros étant très typés, ils manient chacun une arme particulière, revêtent un type d'armure précis et disposent de leurs propres pouvoirs. Si les loots sont abondants (votre inventaire constamment plein en témoigne), un héros donné ne peut utiliser que les équipements qui lui sont destinés. Ces derniers disposant tous du même skin, les possibilités de customisation se résument au type de bonus que vous souhaitez privilégier. L'évolution de votre avatar n'offre a priori guère plus de latitude : vous n'avez que neuf compétences actives à disposition (et une dizaine de talents passifs), organisées par paliers successifs, sachant que seul l'ordre dans lequel vous les choisissez importe vraiment puisque vous les aurez toutes débloquées avant la fin du jeu. Deux bonnes idées viennent toutefois tempérer ce constat. Tout d'abord, au fil de votre progression, chaque compétence peut être améliorée de la façon que vous souhaitez (un pouvoir défensif de bouclier pourra protéger plus efficacement ou provoquer un retour de flamme vers l'agresseur). Ensuite, il faut savoir que l'utilisation fréquente d'un même pouvoir vous en procure à terme la maîtrise, avec des effets supplémentaires à la clé.
Cette dernière fonctionnalité prouve qu'Obsidian n'a pas renié tous les acquis de la série malgré la direction différente qui a été prise. Au final, on s'y retrouve quand même en matière de possibilités, d'autant qu'on se rend vite compte que le nombre restreint de pouvoirs est somme toute suffisant vu la complexité du gameplay. La prise en main de votre personnage est en effet assez ardue dans Dungeon Siege III. Particulièrement techniques, les affrontements impliquent de changer fréquemment de posture pour jongler entre les attaques à distance ou au corps-à-corps, d'esquiver et de parer, d'utiliser à bon escient les aptitudes défensives et les pouvoirs spéciaux, sans oublier de garder un oeil sur votre jauge de mana et sur vos orbes de puissance, qui ne se remplissent d'ailleurs qu'en combattant ! L'ensemble est quelque peu difficile à appréhender, d'autant que la jouabilité se révèle particulièrement peu étudiée dans cette version PC - un écueil imputable au développement multisupport. Dungeon Siege III est même le premier hack'n slash pratiquement injouable à la souris. Le contrôle du héros, l'utilisation des pouvoirs, les interactions avec l'environnement, les éléments d'interface, l'inventaire... Tout, absolument tout est pensé dans l'optique du jeu au pad.
Les premières minutes de jeu, vous risquez de cliquer par habitude sur un adversaire donné pour l'attaquer, sur une compétence pour l'activer, sur un PNJ pour lui parler ou bien sur un coffre pour l'ouvrir, et de passer machinalement le curseur sur les objets au sol pour voir leur nom s'afficher. Mais rien de cela ne fonctionnera, et pour cause : la souris sert uniquement à se déplacer et à délivrer une attaque de base dans la direction dans laquelle on fait face. Tout le reste (y compris la caméra qu'il faut parfois recadrer dans les donjons) se gère via les touches du clavier au moyen de combinaisons trop tarabiscotées pour offrir une réactivité optimale. Le pire, c'est que le jeu n'autorise ni le reparamétrage des touches du clavier, ni la création de macros. L'ergonomie générale est donc déplorable, si bien que vous finirez sans doute par ravaler votre fierté de joueur PC et par brancher un pad Xbox 360, qui, reconnu immédiatement, offre une prise en main autrement plus confortable. C'est la seule façon d'apprécier les combats exigeants du jeu, qui ont la double particularité d'être basés sur le skill et de ne jamais vous submerger d'adversaires, plus puissants et plus résistants mais moins nombreux que de coutume.
Après avoir livré quelques combats, on comprend même que Dungeon Siege III tient davantage de l'action-RPG que du hack'n slash traditionnel. L'importance accordée à l'écriture et à la narration en témoigne. Le contexte est intéressant, les personnages sont fouillés et les quêtes – à défaut d'être particulièrement nombreuses – sont bien conçues. Fidèle à sa réputation, Obsidian a par ailleurs souhaité impliquer le joueur dans un grand nombre de décisions. Ces dernières n'ont généralement que des répercussions mineures du point de vue de l'aventure, dont la linéarité reste prononcée, et ont surtout pour conséquence d'octroyer tel ou tel type de bonus à votre héros. Mais il est toujours agréable de voir les PNJ faire référence à vos choix passés, d'autant que les dialogues sont bien écrits et que la localisation française est d'un excellent niveau (mention spéciale à la voix suave et à l'accent sicilien de Katarina !). Ce qu'on ne comprend pas très bien, par contre, c'est l'utilité de déployer tous ces efforts si c'est pour reconduire au final l'un des défauts historiques de la série : le level design couloirisé, qui anéantit le plaisir de l'exploration et pousse à relativiser la performance technique que représente l'absence quasi totale de temps de chargements.
Si l'on excepte la traversée extrêmement pénible de la ville de Stonebridge, ce défaut passe pourtant plutôt bien dans la mesure où Dungeon Siege III est un jeu très varié, que ce soit au niveau de ses environnements, de sa direction artistique (qui navigue entre heroïc-fantasy et steampunk) ou encore de son bestiaire (les boss ont beau être fréquents, on ne croise jamais deux fois le même). Dommage que l'Onyx Engine, le moteur graphique maison concocté par Obsidian, affiche une modélisation désuète et des textures assez pauvres qui ne permettent pas de mettre les décors plus en valeur. Il a au moins le mérite de se montrer suffisamment véloce. En matière de souplesse, vous apprécierez l'intégration bien pensée du jeu en coopération, qui permet de s'adjoindre à tout moment les services d'un ami en local (chacun ne contrôlant alors que son propre héros), pour peu que vous bénéficiiez chacun d'un pad ! L'option multijoueur permet aussi de coopérer jusqu'à 4 en ligne en changeant simplement le statut de la partie. Ces possibilités relèvent une durée de vie faiblarde d'une quinzaine d'heures de jeu pour la campagne solo, dont la rejouabilité n'est pas extraordinaire. Dungeon Siege III est, au final, un titre potentiellement recommandable à condition de ne pas l'acheter à l'aveugle.
- Graphismes13/20
Bien qu'il fournisse un rendu visuel très quelconque, souffrant d'une modélisation désuète et de textures assez pauvres, le moteur graphique offre en contrepartie une bonne souplesse et épargne au joueur tout temps de chargement, comme le veut la série. Entre une touche steampunk sympa et un character design bien trop poupin, la direction artistique se montre assez inégale.
- Jouabilité8/20
La prise en main est très mauvaise, dans la mesure où Dungeon Siege III combine un gameplay complexe et technique à une jouabilité au clavier et à la souris vraiment déplorable. Sans pad, point de salut, ce qui est tout de même un comble pour un genre typiquement PC qui a toujours misé sur son accessibilité.
- Durée de vie13/20
La campagne solo se boucle en douze à quinze heures, ce qui est un peu court. Même en changeant de héros et en effectuant des choix différents, la rejouabilité n'est pas assurée car l'aventure reste très linéaire. Heureusement, la possibilité de jouer à plusieurs en local ou en ligne relève un peu le tout.
- Bande son14/20
Les compositions musicales sont agréables mais pas vraiment mémorables et le jeu est hélas assez pauvre en matière de bruitages et d'effets sonores. Du côté du doublage, c'est du tout bon : les acteurs empruntent parfois des petits accents amusants tout en s'exprimant sans emphase.
- Scénario16/20
Le scénario n'a, en soi, rien d'extraordinaire. Mais le soin consacré à la narration, à l'écriture des quêtes et à l'implication du joueur au travers de nombreux choix possibles, fait une fois de plus honneur à Obsidian, même si certains estimeront que l'effort est hors sujet dans un hack'n slash.
Il ne fait aucun doute que les fans de Dungeon Siege se sentiront trahis par ce troisième épisode, à l'occasion duquel la série se coupe de ses racines de hack'n slash traditionnel pour se muer en un action-RPG faisant la part belle à l'histoire et à une action moins frénétique mais plus technique. Le résultat est pourtant plutôt concluant, et le serait sans doute davantage sans sa jouabilité déplorable qui paie le prix du développement multisupport. C'est bien simple : sans pad, point de salut ! Ceux qui parviendront à s'accommoder bon gré mal gré de cette contrainte (impardonnable dans un genre typiquement PC) pourront alors profiter d'une aventure certes courte mais relativement variée, agrémentée d'une possibilité bienvenue de jeu en coopération.