Depuis la création de inXile Entertainment par Brian Fargo, on attendait leur premier gros jeu avec une impatience non dissimulée. Après l'annulation de HEI$T, on va enfin pouvoir apprécier le talent de la boîte avec ce Hunted : The Demon's Forge. Ou pas ?
Une partie d'entre vous se demande peut-être qui est ce Brian Fargo cité dans l'intro. Pour votre gouverne, il n'est autre que le fondateur d'Interplay, créateur de The Bard's Tale, Wasteland, Fallout ou encore Baldur's Gate. On a donc affaire à un véritable pionnier auquel on doit des jeux d'une profondeur remarquable. Maintenant à la tête d'inXile, le bonhomme n'a pas vraiment fait parler de lui ces derniers temps. D'ailleurs, il n'est pas dit qu'il ait particulièrement pris part à la création de Hunted : The Demon's Forge. Par contre, on sait que la boîte attend beaucoup de son jeu d'action/aventure.
L'histoire de Hunted : The Demon's Forge commence doucement. Après un terrifiant cauchemar, le vaillant Caddoc se réveille en sueur, rassuré par son acolyte archère E'Lara. Ces deux mercenaires vont vite se rendre compte que le rêve du gros costaud était prémonitoire, surtout lorsqu'ils rencontrent une étrange demoiselle. Malgré leur suspicion, ils vont tenter de l'aider, d'autant qu'il peut y avoir un joli pactole au bout. Bien évidemment, ils vont s'embarquer dans une longue quête pleine de rebondissements et de monstres sanguinaires. Première chose qui choque, si le ton humoristique apporte un petit plus intéressant, il faut bien avouer que le doublage français est digne d'une série du Club Dorothée. En fait, dès qu'Elara ouvre la bouche pour la première fois, il y a de quoi en lâcher la manette de surprise. Non seulement c'est mal joué, mais l'intonation même des phrases porte à confusion sur les intentions des personnages...
Allez, faisons comme si de rien n'était et attardons-nous sur le gameplay. Tout d'abord, la première mission vous sert véritablement de tutoriel. Vous y apprendrez donc les différentes mécaniques de jeu, à commencer par l'utilisation de l'arc (ou arbalète si vous jouez avec Caddoc) et du combo épée/bouclier. Déjà, on se rend vite compte d'une évidence, E'Lara est bien plus douée à distance qu'au corps-à-corps, et vice versa concernant Caddoc. Si vous contrôlez la fille, il vaut donc mieux rester à couvert, et laisser le musculeux guerrier prendre les ennemis pendant que vous allumez de loin comme un lâche. Au contraire, avec Caddoc, foncez dans le tas comme un décérébré. Néanmoins, ne croyez pas non plus que ce dernier peut encaisser des dégâts monstrueux sans sourciller. A vrai dire, si vous ne vous protégez pas correctement, vous mordrez la poussière en quelques secondes, même avec les ennemis les plus communs du jeu. Pour résumer, il va falloir apprendre l'art de la défense et de la contre-attaque.
Malheureusement, cette première mise en bouche ne laisse pas une grosse impression. Il faut le dire, pendant ce looong tutoriel, on commence réellement à douter des qualités du titre d'inXile. Déjà, visuellement, Hunted est loin d'être magnifique. On ne va pas dire que c'est affreusement laid non plus, mais il ne faut pas s'attendre à être subjugué par la première mission. Le plus étonnant, c'est qu'elle fait pourtant partie des plus colorées. Les combats ressemblent juste à du Wait & Attack et les interactions entre les deux personnages sont quasi nulles. Les choix d'attaques, coup faible et coup rapide, ne laissent pas vraiment place à des tactiques mirobolantes, et on sent le sommeil nous envelopper dans ses bras au bout de la première heure de jeu.
Et pourtant, il serait bien dommage de s'arrêter là, car inXile remonte légèrement la pente par la suite. Tout d'abord, en ramassant des cristaux sur votre chemin, vous gagnez de nouveaux pouvoirs à débloquer dans un menu. Si ces derniers utilisent une barre de magie, ils sont en général très efficaces pour nettoyer une zone. Et c'est à ce moment que l'interaction entre Caddoc et E'Lara se fait vraiment ressentir. Par exemple, Caddoc peut utiliser une magie qui soulève les ennemis en l'air, pendant que E'Lara les mitraille de flèches. De son côté, la fille peut figer les adversaires sur place, laissant à Caddoc le loisir de les exploser sans gêne. Là où cette interaction devient vraiment intéressante, c'est dans la gestion du personnage non contrôlé par le joueur. En effet, lorsque vous jouez en solo, votre équipier est donc géré par l'IA. Si vous pouvez parfois lui donner des ordres simples, l'IA n'attend pas votre aval pour effectuer certaines actions. Changer d'arme, ramasser et utiliser des potions, vous ranimer ou encore envoyer des sorts, il est rare de voir une intelligence artificielle aussi indépendante. Certes, les choix ne sont pas toujours les plus judicieux, mais en règle générale, elle n'est pas plus crétine qu'un joueur lambda. Cela a son importance car vous ne pourrez changer de personnage qu'à des passages bien précis, lorsque vous tomberez sur des obélisques prévus à cet effet.
Pour en finir avec le gameplay, ne comptez pas boucler le jeu avec votre arme de base dans les mains. En fait, Hunted : The Demon's Forge a été conçu pour que vous changiez très souvent votre équipement en ramassant ce que vous trouverez par terre. Par exemple, les boucliers ont une durée de vie très courte et il faudra souvent récupérer celui d'un adversaire défait pour remplacer le vôtre. Problème, si vous avez beaucoup tapé sur son bouclier avant de le tuer, il sera déjà sérieusement entamé. Pour les armes, cela fonctionne d'une autre façon. Une partie de l'arsenal que vous récupérerez commencera avec un certain nombre de coups magiques disponibles. Entendez par là que votre arme déclenchera de temps en temps une capacité spéciale qui fait beaucoup de dégâts. Par contre, une fois le pouvoir de l'arme vidé, il vaudra mieux en trouver une autre.
Mais si l'aspect action de Hunter : The Demon's Forge reste primordial, le titre dispose de nombreuses zones annexes dans lesquelles vous pourrez résoudre des énigmes. Le plus étonnant, c'est que si ces passages sont optionnels, ils sont sans doute les plus intéressants du jeu. En effet, vous devrez souvent y activer des mécanismes complexes demandant une certaine dose de réflexion. Non seulement cela rallonge considérablement la durée de vie, mais vous finirez souvent les énigmes par un combat contre un boss, en plus des trésors offerts en récompense. Ces phases permettent de se sortir un peu la tête de la quête principale tout en ayant une activité utile, sans qu'elle soit pour autant obligatoire. Du coup, l'air de rien, l'impression de début de partie finit par se dissiper devant les quelques bonnes idées de Hunted : The Demon's Forge. Cela est d'autant plus remarquable quand certaines pointes d'humour font leur effet. Par exemple, un petit passage totalement anecdotique nous oblige à traverser une zone en partie immergée. Alors qu'E'Lara trébuche légèrement, Caddoc lâche un petit rire moqueur. Si le doublage ne gagne pas en finesse, certains dialogues et scènes très courtes arrivent à être drôles, même s'il faut trier...
En ce qui concerne la durée de vie, tout dépendra de votre façon de jouer, comme souvent. Ici, il est évident qu'elle peut être triplée si vous vous attardez sur les énigmes optionnelles. D'ailleurs, il faut bien le dire, Hunted a beaucoup moins d'intérêt sans elles. Comptez entre 10 et 15 heures si vous voulez le faire à fond, d'autant que vous pouvez débloquer des extras intéressants en accomplissant certains « achievements » comme tuer 1000 ennemis. Mais Hunted dispose aussi d'un mode deux joueurs en ligne, en LAN ou en local, qui permet d'encore plus apprécier l'interaction entre Caddoc et E'Lara. Enfin, l'argent amassé pendant votre quête vous sert à débloquer des éléments supplémentaires dans le mode Crucible, l'éditeur de cartes. Car oui, vous pouvez créer vos propres donjons afin de les partager en ligne. Cela dit, il n'est pas question de construire chaque maisonnette et chaque arbre. Vous ne pouvez que définir les éléments qui constitueront chacune des salles, comme les ennemis, les potions ou encore la route que devront prendre les joueurs. Difficile de prévoir le succès de ce mode en ligne : seul l'avenir nous le dira.
Au final, après un démarrage poussif, Hunted : The Demon's Forge se révèle être un bon jeu. Malgré une réalisation un peu en deçà de nos espérances sur de nombreux points, on se laisse finalement prendre au jeu grâce au ton humoristique, aux diverses énigmes facultatives et au système d'armement qui nous incite à veiller sur l'état de notre arsenal. Certes, nous ne sommes pas devant le jeu du siècle, mais si vous voulez vous amuser avec un ami, Hunted semble un bon moyen pour passer une soirée sympa si on n'est pas trop exigeant sur l'aspect technique. En fait, c'est typiquement le genre de jeux dont on finit par se dire, en reposant la manette, qu'il n'est finalement pas si mauvais que ça.
- Graphismes12/20
Il y a à boire et à manger. Les animations faciales sont ratées et le jeu est techniquement en dessous de la moyenne. On peut aussi noter quelques bugs visuels de temps en temps, surtout en ce qui concerne les mouvements des personnages. Au niveau des décors, pour un titre qui dispose de nombreux souterrains, il ne s'en sort pas trop mal.
- Jouabilité14/20
Le système de combat est particulièrement simple et ne demande pas un apprentissage de forcené. L'important est de toujours veiller à parer les attaques, car tout coup pris sans bouclier fait de sérieux trous dans votre barre de vie. Il reste dommage que les deux personnages aient accès aux mêmes magies, mais dans l'ensemble, on ne s'ennuie pas. Les énigmes viennent diversifier un peu le tout.
- Durée de vie14/20
Faire le titre en laissant de côté les passages facultatifs est une très mauvaise idée tant ils font partie du game design. Ainsi, on peut tabler sur plus d'une dizaine d'heures de jeu. Mais Hunted propose aussi un mode coopération jouable à deux en ligne, en local ou en LAN, permettant d'avancer avec un ami, ce qui peut faciliter les choses. Finir le jeu débloque un mode Aventure+ avec un armement amélioré, ainsi que le dernier mode de difficulté. Enfin, le mode Crucible nous permet de créer des donjons afin de les partager en ligne.
- Bande son10/20
Certains passages sont mieux accompagnés que d'autres, mais dans l'ensemble cela reste très correct. Par contre, le doublage est un véritable assassinat auditif.
- Scénario13/20
D'un point de vue purement scénaristique, Hunted n'a aucune prétention. Mais la mise en scène des situations et l'attitude des personnages sont assez intéressantes pour tenir le joueur en haleine. On ne reviendra pas sur le jeu des acteurs lors des scènes « sérieuses » par contre...
Alors que le début de partie laisse entrevoir un navet, Hunted : The Demon's Forge finit par surprendre le joueur avec un tempo plutôt élevé entrecoupé d'énigmes bienvenues. Que l'on avance dans la trame ou que l'on fouille des zones secrètes, on n'a jamais l'impression de s'adonner à une lourde tâche. Dommage que la réalisation soit faiblarde et que les combats ne soient pas plus évolués malgré un système intéressant. Il reste tout de même un bon titre à ne pas négliger.