Après un troisième épisode dans lequel Telltale se lançait enfin dans une réelle prise de risques, on s'attendait à une véritable explosion dans Double Visions. Au lieu de cela, le studio nous offre l'épisode le moins convaincant de son adaptation de la franchise Retour vers le Futur.
Si votre mémoire n'est pas trop défaillante (et surtout si vous avez déjà terminé les autres épisodes), vous n'avez pas oublié que dans le chapitre précédent, Marty découvrait avec horreur que le Hill Valley de 1986 s'était transformé en état policier contrôlé par le tout puissant Citizen Brown et sa femme Edna Strickland. Contexte original, trame assez sombre, Telltale signait là une jolie performance qui s'achevait de plus sur une note particulièrement inquiétante. Double Visions débute immédiatement après. Marty est enfermé dans une cellule, attendant de se faire "resocialiser" pendant que celui qui n'est plus Doc, mais un Premier Citoyen devenu rebelle, est en train de goûter aux joies du conditionnement et du lavage de cerveau qu'il a lui-même conçu. Ceci dit, profitez bien de ce contexte, car vous n'allez pas rester longtemps. Après quelques minutes et une évasion rock'n roll, vous quitterez rapidement cette époque afin d'empêcher le Doc d'épouser cette psychorigide pas drôle d'Edna Strickland. Du coup, c'est retour aux années 30.
On aurait pu penser, ou espérer, que ce retour en 1931 fut bref et passager, mais que nenni, l'intégralité du jeu se déroule une troisième fois à cette époque. Par chance, on y gagne de nouveaux environnements, essentiellement le parvis de l'expo scientifique de Hill Valley et le labo du jeune Emmet Brown. Contrairement à ce vous pourriez penser, l'expo n'est pas un lieu particulièrement passionnant. En vérité, vous n'en verrez que la pelouse sur laquelle traînent deux dioramas sur le futur de Hill Valley et sur sa préhistoire. Difficile alors de ne pas éprouver un certain sentiment de déjà vu dans ce 4ème épisode qui joue à fond la carte de la redite. Depuis le début, Telltale adopte une optique qui tient la route avec des puzzles simplistes compensés par une trame intéressante. Ici, les choses se corsent. En premier lieu, les puzzles sont toujours aussi basiques, pire, Telltale sort même la ficelle de l'essai-erreur pour une énigme qui, sans être vraiment dure, impose plusieurs tentatives assez laborieuses. Pour le reste, tout n'est qu'une question d'association d'un objet sur un autre dans le décor ou sur un personnage. Seulement ce qui passait bien dans les trois premiers volets a plus de mal à satisfaire ici dans la mesure où tout le reste du jeu retombe dans les rouages déjà éprouvés au début de la saison.
Le scénario de Double Visions est en effet assez bancal. Passons sur le fait que soudainement la DeLorean se retrouve exposée au regard de tous sous le couvert d'une expo des voitures du futur (ce qui justifie mal le fait que Doc fasse plusieurs voyages dans le temps en pleine rue) pour regretter que durant les 2/3 du jeu, il ne se passe pas grand-chose et surtout rien de très engageant pour le joueur. Alors certes, on va s'escrimer à détruire le couple naissant que forment Emmet et Edna, mais il faut attendre la fin de l'épisode pour que le côté dramatique et sombre de la chose se manifeste. Non parce que bon, on parle quand même d'effacer toute une vie et d'un type qui vient flinguer le couple de son meilleur ami là. Le pire c'est que, sans vous ruiner l'histoire, Telltale gère très bien la tension qui va naître de cette rupture forcée et causée par Marty, mais seulement à la toute fin. Le studio nous offre même un final assez génial en jouant sur les rapports entre Marty, le jeune Doc et sa version Citizen Brown du futur. Seulement pour en arriver là, il faut traverser une longue phase assez fade au cours de laquelle tout un tas de choses auraient pu être exploitées mais sont finalement restées à l'état de potentiel. Quant à la suite, on se demande ce qui nous attend. L'évolution des rapports entre Marty et les Brown intrigue, mais les chances pour que le final se déroule une fois de plus dans les années 30 dans des décors éculés sont plus que fortes. Telltale nous avait habitués à plus de diversité.
- Graphismes16/20
Telltale conserve son habituel style cartoon mais propose un rendu plus riche que dans ses dernières productions. En tout cas esthétiquement c'est efficace, malgré quelques bugs d'affichage étranges.
- Jouabilité12/20
Le jeu reprend le système de commandes hybrides de Tales of Monkey Island ou Sam & Max Saison 3 mais avec un peu moins de succès. La prise en main reste aisée malgré tout. Petit bémol sur l'inventaire inutilement "encombrant" et lourd. Mais c'est surtout la pauvreté des puzzles et interactions qui nous reste sur l'estomac.
- Durée de vie10/20
Comptez 2h30 pour terminer cet épisode, comme les précédents, ce qui est tout de même plus court que la moyenne des jeux épisodiques de Telltale.
- Bande son17/20
Doc est doublé par son interprète original, ce qui est juste la classe, quant à Marty, il profite d'un acteur qui parvient fort bien à se rapprocher de Micheal J. Fox. Les thèmes musicaux sont excellents et bien évidemment, on retrouve celui du film. Notez que, fait exceptionnel pour un Telltale, le jeu dispose de sous-titres en français.
- Scénario12/20
Telltale assurait l'intérêt de son adaptation via son scénario, ici, l'effet retombe. Les 2/3 du jeu sont assez tièdes et sentent le déjà-vu. Malgré des événements franchement démoralisants, il faut attendre la fin de l'épisode pour qu'une véritable (et très bien gérée) tension apparaisse et que le joueur se sente finalement impliqué. C'est bien, mais c'est surtout un peu tard.
Petite douche froide pour ce quatrième épisode que l'on espérait plus ambitieux. Les puzzles simplistes sont plus que jamais apparents en l'absence d'une trame forte pour les compenser. Dans le fond, ce qui se joue ici, détruire le couple Brown/Strickland, ne manque pas d'intérêt, mais Telltale n'en tire vraiment profit qu'en toute fin d'épisode nous laissant avec le volet le plus décevant de son adaptation et une énième visite aux années 30. Malgré tout, les qualités de réalisation et surtout le final sauvent les meubles.