“Et si j'essayais ce sortilège pour m'amuser ? Abracadabra ! Et celui-ci ! Et celui-là ! ...” Bravo, vous venez d'invoquer Yongo, un monstre venu d'une autre dimension, et surtout venu dévorer votre village en une seule bouchée. C'est malin. Allons, essayons de réparer ce joyeux bazar.
On vous l'accordera, le scénario de Pandemonium! se veut plus amusant que passionnant. Nikki et Fargus, les deux héros de cette aventure, sont deux jeunes farfelus qui annoncent la couleur. Mais c'est plutôt du côté du gameplay et de l'ambiance que ce jeu s'est fait un nom en 1996, dans les jeunes années de notre bonne vieille PlayStation. C'était l'époque où le jeu de plates-formes observait d'un œil méfiant l'apparition et l'émancipation de la 3D, parfois avec raison. Entre les réussites éclatantes et les échecs cuisants de ses rivaux, un petit rusé s'est faufilé avec une idée en tête : conserver une maniabilité 2D classique dans des décors en 3D. Pandemonium! et la 2,5D étaient nés. Ce concept alléchant permet de ne pas effrayer les habitués tout en affichant un style novateur. On se retrouve avec un personnage capable d'aller à droite, à gauche et de sauter, comme d'habitude, mais sur un chemin prédéfini (comme sur un rail) qui nous donne l'impression d'explorer les profondeurs. Et qui dit décors 3D dit caméra, le cauchemar de nombreux titres encore aujourd'hui. Sur ce point notre jeu s'en tire avec les honneurs. Il faut surtout compter un temps d'adaptation et éviter d'avancer trop vite lorsque le chemin n'est pas bien visible (au risque de se retrouver le nez – et le reste – dans le vide). L'effet final est assez unique puisqu'on se retrouve dans un jeu de plates-formes aux perspectives plus réalistes, où l'on ne sait pas toujours ce que l'on va rencontrer au prochain tournant. Parfois cette idée est maladroitement mise en place, mais le plus souvent elle touche juste.
Plus traditionnel, le gameplay se montre néanmoins efficace. Nikki est le personnage le plus abordable grâce à son double saut, tandis que Fargus est capable de détruire les ennemis en faisant la roue. Mais comme tous les deux peuvent attaquer en sautant sur un adversaire ou en utilisant des pouvoirs magiques, Nikki tire nettement son épingle du jeu lors des nombreux passages de pure plate-forme. Les pouvoirs magiques ne changent toutefois pas selon le personnage. Il y a la classique invincibilité, la boule d'énergie, mais aussi un rayon rétrécissant et le très pratique laser congelant, qui permet de figer un ennemi pour rebondir dessus avec plus de précision. On remarquera aussi quelques transformations animales le temps d'une section bien précise au cœur d'un niveau, même si ces transformations ne transcendent pas l'expérience de jeu. Pour ce qui est de la maniabilité pas de problème particulier, il faut bien se faire la main sur le timing pour le double saut de Nikki et ensuite c'est parti pour les dix-neuf niveaux qui nous attendent ! Au programme : glissades mortelles, champignons sauteurs, scies circulaires en série, vilaines bébêtes, missiles en manque d'affection et vents facétieux. Les quelques boss ne sont pas en reste et nous proposent des affrontements aussi amusants qu'ingénieux, où les profondeurs sont judicieusement mises à profit.
Malheureusement ces boss se révèlent trop rares et avares en challenges, hormis le dernier qui relève un peu la sauce. Dans l'ensemble cependant la durée de vie et la difficulté sont honnêtes, notamment grâce au système de points de vie. Au départ, seuls deux petits cœurs s'affichent à l'écran et la mort n'est jamais bien loin, mais il est possible de s'en éloigner et d'augmenter le compteur en fouillant de fond en comble les niveaux pour trouver les précieux items. Cet aspect exploration est encouragé par l'inventivité du level design et par le scoring, très présent, qui permet au passage d'obtenir des vies supplémentaires. Collecter le maximum de pièces ouvre aussi l'accès à deux niveaux bonus, différents selon le pourcentage de pièces ramassées. Toutes ces bonnes idées s'enchaînent de manière à ce que la difficulté ne soit jamais excessive pour le joueur persévérant. Et pour les plus exigeants en la matière, il est possible de se tourner vers Fargus qui constitue une sorte de mode de difficulté un cran au-dessus à cause de l'absence de double saut. Mais la plupart auront déjà bien assez à faire avec un jeu lui-même exigeant, en particulier dans ses derniers niveaux et son ultime piège...
Outre le gameplay, l'ambiance et la patte graphique du soft sont remarquables elles aussi. Si la modélisation des personnages prête aujourd'hui à sourire, difficile de ne pas succomber aux somptueux arrière-plans qui parsèment l'aventure de Nikki et Fargus. Leur style pictural et leur ampleur contribuent à nous donner l'impression d'un monde vaste et vivant dont on risque de ne pas voir le bout. D'ailleurs l'arrière-plan représente parfois la suite du niveau, nous donnant alors un aperçu des pièges à venir... Cet effet s'allie à merveille avec ces mouvements de caméra dont nous parlions plus haut, et le résultat final est une délicieuse atmosphère d'infini et d'étrangeté, tantôt légère tantôt plus troublante. Certains moments précis du jeu bénéficient d'une mise en scène très travaillée qui renforce cette ambiance et évite tout sentiment de linéarité pendant les niveaux. Sans multiplier les exemples, rares sont les jeux de plates-formes qui vous inviteront à sauter dans le vide... pour tomber nez à nez avec un ennemi invincible ! Toutefois on pourra reprocher à Pandemonium! un certain manque de cohérence et d'audace dans le choix des environnements, en particulier à mi-parcours. Les niveaux désertiques et forestiers proposent des pièges intéressants, mais il faut admettre qu'ils font pâle figure à côté des étonnants derniers niveaux du jeu.
C'est à peu près le même constat que nous pouvons faire du côté sonore. Les musiques sont manifestement travaillées pour coller aux diverses émotions délivrées par le jeu, en particulier un doux sentiment de bizarrerie. Du coup on ne sera pas étonné de voir nos héros bondir de pastèque en pastèque sur quelques notes de cornemuse, ou d'entendre de petits meuglements de vache en plein milieu d'un bon morceau d'électronique ! Globalement les choix musicaux restent peu mémorables en dehors du jeu, mais ils accompagnent parfaitement les niveaux associés et le tout nous donne même une bande-son agréablement éclectique. Quant aux effets sonores et aux quelques voix, rien à reprocher, au contraire. Parfois ils permettent carrément de repérer la présence d'un ennemi avant de le voir, ce qui n'est pas inutile quand l'action en 2,5D est peu visible. Enfin, on saluera la bonne idée d'avoir fait parler certains boss. Il est toujours drôle de se voir moqué par celui qui nous empêche de finir le jeu depuis un bon bout de temps...
- Graphismes16/20
Sans être exceptionnelle, la qualité graphique du titre se hisse suffisamment haut pour nous délivrer une ambiance proprement impressionnante et unique parmi les jeux de plates-formes habituels. Le concept de la 2,5D ne fait pas l'impasse sur des arrière-plans qui achèvent de nous donner le vertige, perdus dans des environnements positivement étranges, hostiles et inconnus.
- Jouabilité16/20
Pris entre une caméra révolutionnaire et un gameplay classique, Pandemonium! nous offre une expérience très intéressante. Celle-ci est souvent réussie mais comporte son lot de maladresses, notamment lors des séquences de glissade où l'action défile trop vite dans des angles de vue difficiles à aborder. Autrement, le level design se montre souvent intelligent et nous confronte à des situations et des ennemis où le bref coup d'œil du gamer est essentiel pour s'en sortir sans accroc. Finalement on regrettera surtout le faible intérêt de Fargus et certains choix (comme l'impossibilité de s'accrocher aux rebords) qui seront remarqués et corrigés pour le second opus.
- Durée de vie12/20
Le mince écart entre les deux personnages jouables ne permet pas d'allonger une durée de vie honnête par ailleurs. La part d'exploration du soft est intelligemment mise en place et la difficulté générale garantit une longévité acceptable pour le genre. Préparez donc une feuille et un crayon pour noter les mots de passe, faire une pause et reprendre votre souffle !
- Bande son15/20
Les musiques de ''Pandemonium!'' se veulent à la fois éclectiques et dans le ton de chaque niveau qu'elles accompagnent. La bonne qualité d'ensemble ne confine pas au génie musical, mais l'essentiel est là. Pour le reste, effets sonores et voix sont, une fois encore, utilisés de façon judicieuse et participent à l'ambiance bizarre et variée du jeu.
- Scénario10/20
Un scénario de jeu de plates-formes correct puisqu'il se contente de nous amuser et de proposer des héros hauts en couleur, à l'image du jeu.
Que l'on soit habitué à la 2D ou à la 3D, jouer à Pandemonium! est au premier abord déroutant. Cette idée d'un jeu de plates-formes aux perspectives plus vivantes et à l'ambiance étrange ne séduira peut-être pas tout le monde mais l'effet produit est incontestable. En étant plus audacieux dans ses environnements, en peaufinant son concept de 2,5D et en bousculant davantage ses mécanismes de jeu, Pandemonium! aurait pu se hisser parmi les plus grands du genre...