Après avoir lancé une première offensive sur consoles fin 2009 avec Dragon Rising, la série des Operation Flashpoint remet le couvert et entend élargir encore sa zone d'opération. En effet, les développeurs de Codemasters continuent sur leur lancée pour tenter de démocratiser le FPS militaire ultra réaliste conçu à l'origine par Bohemia Interactive. En découle un ensemble de partis pris qui font de Red River un excellent petit titre pour celui qui souhaite s'initier au genre du FPS réaliste. Les autres en revanche n'auront plus qu'à démonter leur M16 et aller voir ailleurs.
Souvenez-vous, il y a deux ans, Codemasters nous avait expédiés sur l'île fictive de Skira afin d'en découdre avec l'armée chinoise. Cette fois cependant, les développeurs proposent un scénario imaginaire partant du principe que les forces américaines stationnées en Afghanistan se trouvent de nouveau déployées au Tadjikistan (la rivière rouge du titre, outre le fait qu'elle évoque le sang, est celle de Piandj qui marque la frontière entre les deux pays). Résultat : votre équipe de marines et les escouades Alpha et Charlie se confrontent à un pays hostile écartelé, entre d'imprévisibles insurgés locaux et un large contingent de soldats chinois. La campagne de Red River se compose ainsi de 10 missions relativement classiques qui selon le cas, vous emmèneront soutenir un convoi de ravitaillement en route vers une base assiégée, porter secours à des démineurs pris dans une embuscade, défendre une position en slip face à des troupes ultra nombreuses et soutenues par des blindés. Bref, en gros, la routine pour des "meuwinz".
Divisée en 3 actes, la campagne a toutefois le mérite de nous offrir une vraie progression : le conflit va prendre de l'ampleur et les enjeux seront chaque fois plus grands. Alors certes, on pourra pester contre l'américanisme exacerbé de ces soldats qui se "battent pour la liberté" et leur dimension militaro-raciste à peine voilée, mais au fond, n'est-ce pas là aussi une forme de réalisme ? Entendre que les Tadjiks "sont tous des culs terreux qu'on va s'en aller exploser dans leurs trous à rat" n'est-il pas relativement crédible de la part de troufions qui se motivent et s'apprêtent à risquer leur vie ? Nous vous laissons seuls juges. Néanmoins, ce qu'il vous faut savoir, c'est que chaque mission se trouve largement scénarisée, avec beaucoup de dialogues bourrés de testostérone vantant le courage américain dans lesquels surnagent quelques répliques rigolotes ("Vous n'êtes pas sur Pandora les mecs !"). Mais le principal, c'est que chacune de ces opérations s'articule autour d'une batterie d'objectifs primaires et secondaires ainsi que de jolis rebondissements. Tenez, une simple mission de défense de zone vous demandera par exemple de vous replier à 4 reprises sur des positions de secours, avant de voir votre hélico d'évacuation se faire exploser en vol, imposant ainsi à vos troupes de réparer des Humvees que vous aviez préalablement sabotés pour qu'ils ne tombent pas aux mains de l'ennemi...
Terminer une mission de ce type peut donc parfois prendre plus d'une heure, notamment lorsqu'on opte pour les modes Difficile ou Hardcore, ce dernier étant synonyme de disparition totale de toutes les aides visuelles présentes à l'écran, dont la carte signalant la position des unités adverses repérées. Cette fameuse mini-carte constitue d'ailleurs l'une des grandes nouveautés du jeu tout en illustrant au passage sa volonté de rendre l'expérience plus accessible que jamais. Et tant que nous sommes dans ce domaine, autant évoquer d'autres changements notables : on pense notamment à la relative facilité qu'ont tous les soldats à se soigner, car si la localisation des dégâts est toujours de mise, l'application d'un simple bandage suivie d'une petite session de soin de base permettra de traiter toutes les blessures ! Chaque troufion peut ainsi se recoudre sans aucune limite particulière. On note aussi que la tripotée de véhicules qu'il était possible de conduire dans Dragon Rising n'est plus. On se contente en effet des Humvees cités plus haut, le studio souhaitant privilégier les affrontements entre mecs. Ajoutons à cela une aide à la visée, un radar qui prend la forme d'une longue ligne au sommet de l'écran sur laquelle se trouve une succession de tirets rouges, marquant la position actuelle de chaque soldat ennemi, ou alors de ronds rouges symbolisant leur dernière position connue. Heureusement, tout cela pourra être désactivé à l'envi pour ceux qui recherchent quelque chose de plus réaliste.
Après avoir éclairci tous ces éléments, tournons-nous maintenant vers le gameplay à proprement parler. Avis aux néophytes, même si Red River tend à être plus accessible que son aîné, qui lui-même se trouvait déjà à 1.000 lieues de son paternel, jouer à Flashpoint n'a rien à voir avec FPS lambda. Dans des environnements vastes et relativement ouverts (mais beaucoup moins qu'avant), une grosse partie des fusillades interviendront tout de même entre des soldats placés à bonne distance les uns des autres. Plus près, et donc surtout en intérieur, le moindre troufion de base peut devenir une menace mortelle, ne serait-ce que par la possibilité, toujours présente, de vous expédier dans l'au-delà avec une balle perdue. Vos meilleurs amis seront donc votre lunette de sniper et votre paire de jumelles, indispensable pour observer les environs avant d'amorcer votre progression. Mais avant d'entrer dans le feu de l'action, il vous faudra d'abord choisir la classe de votre combattant.
Commençons les présentations par le Fantassin, qui possède un fusil d'assaut, et qui se révèle donc être le plus polyvalent. Le Mitrailleur est pour sa part l'équivalent d'un soldat commando et offre une grosse puissance de feu même s'il est plus lourd à manier et plus lent à se déplacer. Le Grenadier, quant à lui, arbore un puissant fusil à pompe et s'avère être un spécialiste du combat rapproché. Enfin, l'Eclaireur n'est ni plus ni moins qu'un sniper bien équipé. Chaque classe offre un tronc commun de six compétences : Course, Endurance, Adaptabilité, Maniement au fusil, Entraînement au tir et Réactivité tactique. Tout cela n'est pas anodin puisque chaque mission, vos faits d'arme vous permettent d'obtenir des points d'expérience. Ainsi, à l'issue d'une partie, le niveau de votre personnage augmente automatiquement (il y a au maximum 20 niveaux d'évolution). De plus, vous pouvez dépenser des points pour augmenter non seulement les compétences mais aussi quatre critères inhérents à chaque classe. Ces derniers sont : Précision, Dégâts, Maniabilité et Cadence de tirs.
Ces derniers varient aussi selon les armes et accessoires que vous sélectionnez. Côté équipement, vous disposez d'une arme primaire, d'une arme secondaire, de deux types d'accessoires (attachés au soldat, comme les jumelles, et à l'arme, comme le silencieux) ainsi que de deux genres d'aptitudes particulières dépendant de la classe choisie. Ces dernières se font appeler Spécial et B-Mod. La première permet d'améliorer vos exploits sur le terrain (par exemple, l'aptitude "Vision et suivi" augmente votre champ de vision), tandis que la seconde permet d'améliorer vos résultats sur le champ de bataille (par exemple, la classe Grenadier bénéficie d'office d'un gain de 10% de points d'expérience en plus). Inutile de préciser qu'au contraire de la majorité des FPS, ici il faut prendre le temps de choisir précautionneusement classe, armes et accessoires avant de partir en guerre…
Sur le terrain même, les joueurs ayant déjà posé leurs paluches sur Dragon Rising retrouveront vite leurs marques. Comme d'hab, il est toujours préférable de se positionner à l'abri derrière une barricade pour mieux déployer ensuite les hommes de son équipe. Bonne surprise : le gameplay apparaît plutôt instinctif. Ainsi, à tout moment, grâce à la croix directionnelle, on sélectionne l'un de ses trois coéquipiers ou l'équipe complète puis on choisit l'ordre à donner (se déplacer, soigner…) au sein d'un menu circulaire qui se superpose à l'écran. Il suffit ensuite de pointer directement l'endroit dans le décor où on désire envoyer le ou les bon(s)homme(s). Au bout d'un moment, donner des ordres devient naturel et ordonner un tir de suppression ne demande pas plus d'une seconde !
Tout cela pourrait presque être parfait, mais hélas, un élément capital vient rapidement entacher le tableau : l'I.A. . En gros, dans ce domaine précis, les améliorations par rapport à l'épisode précédent ne sont pas franchement visibles. Vos troufions restent debout sous les tirs, se planquent du mauvais côté d'un muret, battent la campagne de leur propre chef alors qu'on leur aura donné l'ordre de se planquer derrière une bicoque (destructible d'ailleurs), passent dans votre ligne de tir alors que vous tirez déjà depuis plusieurs secondes... Dans ce dernier cas, les bougres auront quand même le bon sens de vous hurler d'arrêter de tirer, mais souvent un peu trop tard... Bref, on a toujours l'impression de devoir partir en mission avec une escouade de jeunes labradors. Même punition pour l'adversaire qui en dehors d'une rare mais salutaire volonté de se mettre à couvert reste toujours prompt à commettre les pires bévues possible. Heureusement, on trouvera tout de même l'ennemi un peu moins benêt que par le passé : on ne le prendra plus à ne pas réagir en cas de fusillade ou de bombardement. Mais à ce joyeux foutoir s'ajoutent en outre quelques incohérences ou absurdités : citons pêle-mêle l'impossibilité pour notre soldat surentraîné de se pencher sur les côtés, des hit boxes pas toujours très crédibles (en gros, vous placez votre réticule sur le bord d'un muret, mais tirez quand même dans ledit muret) et une bonne poignée de bugs graphiques et sonores.
Cela dit, pour contrer le souci constant que représente l'I.A. alliée, le jeu s'oriente tout de même très largement vers la coopération entre joueurs de chair et de sang. En ligne ou en LAN mais pas en écran partagé, le titre vous propose en effet de traverser l'intégralité de la campagne avec trois potes ainsi que 4 modes taillés pour la coop. Ainsi, Coup de Balai est axé sur l'assaut et le nettoyage d'un endroit particulier, Tonnerre impose d'escorter un convoi pendant un temps défini, alors que Sauvetage propose bien sûr de rechercher des individus afin de les sauver. Enfin, Dernier Rempart est basé sur la défense d'une zone. Chaque mode peut être joué sur deux cartes spécifiquement conçues pour ce type de parties. Lors de nos sessions, en dehors de quelques soucis de connexion au démarrage, le soft ne semblait pas souffrir de trop de lag et offrait pour le coup une expérience vraiment prenante, avec une ambiance de guerre extrêmement crédible malgré la réalisation à peine passable du titre. Car au fond, il n'y a pas de doute à avoir, c'est véritablement en coop qu'on prend son pied. Soutenir des potes et atteindre vos objectifs apporte alors une plus grande satisfaction que dans les autres FPS, compte tenu des conditions réalistes dans lesquelles ces "exploits" ont été réalisés. Autant dire que vous avez intérêt à trouver des coéquipiers sérieux et aussi respectueux que vous pour réussir les missions et - in extenso - apprécier pleinement ce titre online. Quant à d'éventuels modes Versus, préparez les mouchoirs car Red River n'en propose tout simplement pas !
- Graphismes11/20
Même si les développeurs ont manifestement tenté d'améliorer un peu les choses depuis Dragon Rising, on se retrouve néanmoins avec un titre qui fait pâle figure face aux productions actuelles. Les animations restent assez basiques, les textures manquent toujours de finesse, le clipping et l'aliasing sont toujours très prononcés. Et pour ne pas changer, on note malheureusement que la version PS3 est moins bien lotie que sa consoeur sur 360. Reste des environnements assez vastes et plutôt variés qui donnent lieu à de multiples situations de combat.
- Jouabilité14/20
En mode Normal, le jeu se veut nettement plus accessible que son aîné : on dispose d'une mini-carte présente dans un coin de l'écran en permanence ainsi que de la possibilité de se soigner en permanence. En Hardcore en revanche, c'est une autre histoire puisque toutes les aides disparaissent. On se retrouve alors avec un titre bien plus scripté et étriqué qu'à l'accoutumée mais on profite du coup d'une campagne plus captivante malgré pas mal de périodes creuses où l'on ne fait que crapahuter dans la cambrousse. Pour le reste, la prise en main est instinctive et l'interface de commandement efficace. Le gros souci vient de l'IA, toujours capable du pire et rarement du meilleur. En gros, Operation Flashpoint : Red River ne s'apprécie vraiment qu'en multijoueur, tenez-vous-le pour dit !
- Durée de vie14/20
Comptez entre 1h et 1h30 pour chacune des 10 missions de la campagne. Les autres modes, en coop uniquement, pourront quant à eux vous faire passer une bonne tripotée de nuits blanches. On aurait toutefois aimé avoir plus de cartes pour être pleinement satisfait. Enfin, au cas où vous n'auriez pas suivi, sachez que Red River ne propose plus le moindre petit mode Versus !
- Bande son13/20
Une note un peu sévère car globalement, les bruitages et les voix françaises sont bien dans le ton, malgré quelques répliques un peu trop mécaniques. Le problème vient du fait que certaines répliques n'ont pas été doublées ou ont carrément été oubliées. On voit parfois des troufions discuter tout seul, le soldat censé lui donner la réplique ne s'exprimant que par le biais de sous-titres. En outre, vous subirez des répétitions buggées de fins de phrases, du genre "Attaquez la position-sition-sition-sition ! ". C'est mignon, mais ça casse quand même un peu le trip. Bref, tout cela fait mal pour un jeu aussi bavard que Red River. Côté bruitages en revanche, le jeu se révèle plutôt propre, ce qui est une bonne chose.
- Scénario14/20
Pour la première fois, un volet d'Operation Flashpoint nous offre un théâtre d'opération réel avec le Tadjikistan ainsi qu'une campagne où la progression se retrouve plus cohérente et mieux scénarisée que d'habitude. Crédible et sinistre comme Dragon Rising, le scénario verse encore plus avant dans l'américanisme primaire, ce qui ne plaira sans doute pas à tout le monde. Mais de Red River, on retiendra surtout des missions relativement bien ficelées et capables de nous confronter à de jolis rebondissements.
Tout comme son aîné, Operation Flashpoint : Red River tente de faire le grand écart, prônant une certaine accessibilité en mode Normal et quelque chose de bien plus réaliste et élitiste dès qu'on booste la difficulté. Dans l'ensemble, le pari semble réussi mais le fait est que le jeu ne s'exprime vraiment que lorsqu'on le pratique en coopération avec d'autres joueurs, son IA n'étant pas suffisamment évoluée pour tenir la route toute seule. On recommandera donc le jeu aux férus de FPS militaires ayant des potes motivés sous la main. Pour le reste et malgré une technique d'un autre âge, Red River se montre assez plaisant et devrait sans conteste trouver son public.