Attendu de pied ferme par les joueurs japonais, Tales of Eternia avait plusieurs défis à relever. Le troisième opus de la série bien connue de Namco devait en effet améliorer sur tous les plans les bases instaurées par ses prédécesseurs qui s’étaient jusque-là quelque peu reposés sur leurs lauriers. Graphismes, jouabilité, durée de vie… Le défi était de taille. Et relevé avec brio.
La série des « Tales of » sut dès son premier épisode s'imposer comme une référence dans le cercle des jeux de rôle japonais. Phantasia proposait effectivement une aventure épique, enchanteresse, dont le système de combat mêlait habilement gestion des personnages et temps réel pour un résultat bluffant. Destiny quant à lui, c'était l'exploitation des personnages, de leur psychologie, alors qu'il utilisait exactement les mêmes systèmes de jeu que son aîné. Il était donc temps pour l'équipe productrice nommée Wolfteam de mijoter de nouveaux éléments de gameplay ainsi que des graphismes qui exploiteraient à leur juste mesure les capacités de l'étonnante Playstation. C'est donc en novembre 2000, après plus de trois ans d'attente, que paraît Tales of Eternia, accompagné d'une série animée diffusée les mois suivants sur l'archipel nippon, preuve d'une attention toute particulière. Le titre sera porté l'année suivante aux Etats-Unis sous le nom de Tales of Destiny II, Mattel possédant déjà le terme « Eternia » pour l'un de ses jouets. Mais détrompez-vous, cette nouvelle aventure n'a rien à voir avec le Tales of Destiny 2 à paraître en 2002 sur les Playstation 2 japonaises uniquement et qui reprendra bien cette fois le monde foulé par Stahn et Rutee.
Ici, il s'agit d'un tout nouvel univers, de tout nouveaux personnages. Particulièrement soigné, le scénario nous plonge dans un monde composé de deux planètes voisines, Inferia et Celestia. Pour des raisons obscures, leur collision semble imminente, ce qui pousse la jeune Meredy à voyager d'un astre à l'autre afin d'y chercher de l'aide. Elle rencontre ainsi les jeunes Reid et Farah, et avec eux se lance dans une quête à la recherche des Greater Craymels, ces esprits qui régissent les lois de la nature et sont apparemment les seuls espoirs contre le « Grand Fall ». Proposant des liens très fouillés entre les différents protagonistes allant de l'amitié au rejet, une bonne dose de rebondissements et surtout l'étude détaillée de la psychologie du principal ennemi du jeu, Tales of Eternia sait approfondir à merveille des héros qui en deviennent d'autant plus attachants. Pour couronner le tout, c'est Mutsumi Inomata qui reprend le poste de dessinateur des personnages, avec une touche artistique tout simplement sublime, que l'on retrouve dans la cinématique d'introduction et également dans les différentes scènes animées qui viennent agréablement renforcer la narration de l'histoire.
Mais le plus impressionnant reste les graphismes du jeu. Optant pour un style 2D à déplacement octodirectionnel, ils proposent des environnements absolument magnifiques ressemblant clairement à des tableaux, allant de villes aux architectures variées à des donjons fourmillant de détails. Ambiance garantie pour ce réel voyage de découverte. Les personnages quant à eux sont modélisés avec réalisme et bénéficient d'une large palette d'animations traduisant leur joie, leur peur, leur gêne ou encore leur énervement. La carte du monde, habituel point noir dans la série, n'est cette fois-ci pas si laide et propose un cycle jour-nuit passant par tous les dégradés d'aube et de crépuscule. Enfin, les combats ne dérogent pas non plus à la règle. En effet, en plus de décors de fond particulièrement séduisants et respectant également les différents moments de la journée, les animations des combattants et de leurs différentes attaques sont une explosion d'effets spéciaux vifs et rapides qui offrent sûrement le plus gros spectacle du jeu.
Et parlons-en, justement, des combats. Il s'agit de la seconde grande nouveauté de cet opus. Alors que jusque-là, chaque sort lancé figeait l'action, tout se déroule maintenant en temps réel, ce qui implique premièrement la possibilité d'esquiver ces magies, mais surtout une action continue réellement impressionnante. Tout va vite, très vite. En plus des modes auto et semi-auto, le joueur peut maintenant choisir de contrôler son personnage en manuel, dont les déplacements sont donc également à prendre en main, et surtout dont les sauts sont enfin réalisables à la simple pression d'un bouton. Mettant en scène plusieurs types de combat différents allant de l'escrime aux arts martiaux, en passant par le lancement de sorts ou encore l'utilisation de canons à énergie, les affrontements proposent des expériences variées en n'oubliant cependant pas une touche stratégique. En effet, la position de chacun des quatre héros du groupe est paramétrable ainsi que ses principales attitudes au combat comme la gestion des points de magie ou la cible prioritaire à attaquer.
Si les combattants normaux apprendront de nouvelles attaques au fil des niveaux avec possibilité d'en combiner à la manière de Tales of Phantasia, les invocateurs disposent ici d'un tout nouveau type d'améliorations. Chaque nouveau Craymel offre à son possesseur différentes attaques, disponibles selon l'augmentation de sa propre expérience ou par combinaison avec le pouvoir d'un de ses semblables. Une fois sa jauge de vitalité remplie grâce à un certain nombre de magies réalisées, ce maître des éléments viendra lui-même prendre part au combat avec efficacité garantie. Enfin, Tales of Eternia instaure pour la première fois dans la série le concept de hi-ougi, ces attaques ultimes à déclencher selon de rares conditions et dont la puissance destructrice n'a d'égal que la magnificence. Par ailleurs, la difficulté est également au rendez-vous, puisqu'il n'a jamais été possible de mourir aussi rapidement en combat. Chaque boss est à étudier méticuleusement afin de percer sa faille et d'établir la stratégie adéquate synonyme de victoire. Une bien bonne nouvelle, après un Tales of Destiny dont la simplicité était presque alarmante.
Parallèlement, le jeu propose diverses innovations qui le rendent plus accessible. Afin de régénérer ses points de vie, il est désormais possible de camper à n'importe quel moment sur la carte du monde et même à un emplacement prédéfini à l'intérieur de chaque donjon. En outre, on peut dorénavant sauvegarder n'importe où. Enfin, le jeu n'instaure pas de game over, mais une possibilité après une défaite de reprendre au même endroit avec une santé faible mais en conservant les niveaux gagnés et les changements opérés préalablement. Ces différentes nouveautés simplifient certes considérablement l'expérience de jeu, mais ont l'avantage de ne jamais frustrer le joueur et de l'encourager face à des boss redoutables. Pour finir, l'avancée dans les donjons reste agréable malgré des rencontres en général toujours aléatoires, en proposant des énigmes abordables par tous où l'utilisation du bien connu anneau du sorcier est toujours d'actualité.
Autre point fort du jeu, sa bande-son. Si la palette de musiques qu'il propose n'est pas particulièrement excellente mais contient tout de même de très bons thèmes, c'est surtout la voix des personnages qui est au centre des attentions. Cette fois, chaque scène ou conversation scénaristique est doublée ! Par ailleurs, il est toujours possible d'enclencher sur la carte du monde des saynètes dans lesquelles les protagonistes discutent de l'avancée de leur quête ou même d'éléments totalement hors sujet qui ne font que renforcer leur personnalité et l'attachement que l'on peut leur porter. Les doubleurs ont fait un excellent travail, surtout concernant Meredy qui bénéficie d'une voix exceptionnellement travaillée, illustrant son apprentissage nouveau de la langue, sa naïveté et sa gentillesse. En revanche, les voix américaines sont… décevantes. Peu voire pas d'expression ni de sentiments, alors que les saynètes susmentionnées n'ont pas été traduites, donc ont tout simplement disparu. Par ailleurs, si l'introduction animée bénéficie comme à l'accoutumée d'une chanson japonaise intitulée « Flying », elle est remplacée dans le portage par une musique instrumentale qui s'en sort plutôt bien malgré un manque flagrant d'inspiration.
Pour finir, le jeu regorge d'éléments qui lui imputent une durée de vie colossale. Outre un scénario long et prenant, plus d'une dizaine de quêtes annexes permettent de continuer l'expérience durant des heures entières, alors que de nombreuses phases de mini-jeux, dont certaines sont même intégrées à l'histoire, apportent une diversité de gameplay rafraîchissante. N'oubliant pas son arbre généalogique, le titre contient une myriade de clins d'œil à ses aînés et particulièrement à Tales of Destiny, illustré à travers des personnages, des objets, des éléments du décor et même un hi-ougi invoquant les services destructeurs des cinq Swordian Masters. En conclusion, Tales of Eternia est tout simplement un excellent jeu. Innovant sur tous les aspects, il propose des graphismes sublimes et un système de combat à couper le souffle qui permettent à la série de Namco de se renouveler et d'augmenter son statut de référence. Délicieux et à ne manquer sous aucun prétexte.
- Graphismes19/20
Laissez-vous emporter dans un monde où chaque décor est un véritable tableau qui a bénéficié d’une touche graphique particulièrement artistique et soignée. Et si vous êtes assez relaxé, prenez-en plein la vue avec des combats dont les effets spéciaux en scotcheront plus d’un.
- Jouabilité17/20
Les affrontements proposent plusieurs innovations dont la vitesse, le temps réel continu et le mode manuel qui offrent une jouabilité juste et fouillée et surtout une grande avancée dans la série. Attention aux joueurs de la version américaine : les boutons accepter et annuler ont été inversés par rapport aux opus antérieurs de la série, ce qui est particulièrement déstabilisant lors des premières heures de jeu.
- Durée de vie17/20
Si le scénario est long et captivant, c’est surtout l’exploration de ce monde magnifique qui risque de vous tenir des heures devant votre télé, qu’il s’agisse des fonds marins ou des différentes quêtes et boss annexes proposés et disponibles bien après l’histoire terminée.
- Bande son16/20
Le doublage japonais, noté ici, est une vraie merveille, omniprésent tout au long des parties et permettant de s’attacher à des personnages fouillés et dotés de leur personnalité propre, alors que les voix américaines manquent clairement de sentiments et de crédibilité. Par ailleurs, au milieu des musiques qui se contentent de n’être que bonnes se trouvent tout de même quelques perles.
- Scénario15/20
Certes la trame principale mettant en scène la lutte pour empêcher la fin du monde est on ne peut plus classique, mais c’est bien la psychologie détaillée de chaque personnage qui rend le scénario captivant, d’autant plus qu’il est possible de se glisser dans la peau du boss final pour comprendre son passé et ses motivations : une excellente idée.
Il n’y a vraiment rien à reprocher à Tales of Eternia. Qu’il s’agisse des graphismes, des combats ou de l’étude des personnages, toutes les bases de la série ont été revues à la hausse pour un résultat excellent. Long, magnifique, jouissif à souhait, ce nouvel opus est bien la preuve que cette lignée de contes de Namco fait partie des plus grands noms du jeu de rôle japonais.