Faisant tout autant office de jeu que de méthode de test de mise à mort de carte graphique, le premier Crysis reste 4 ans après sa sortie un maître étalon du moteur 3D sur PC. Sa suite entend prendre la relève moyennant un changement d'orientation radical de son gameplay.
S'il y a bien une chose qu'il faut mettre à plat dès les premières lignes, c'est que Crysis 2 n'a qu'un rapport lointain avec son aîné. Si le jeu original était largement ouvert, peu scénarisé et encore moins scripté, son successeur, lui, adopte le style du FPS linéaire "mais pas trop". Mais avant d'en arriver là, commençons par ce qui fait le lien entre les deux titres. Du scénario, nous ne pouvons pas vous dire grand-chose, EA ayant livré une jolie liste de sujets à éviter qui couvrent à peu près l'ensemble de l'histoire. Disons donc que vous incarnez un marine surnommé Alcatraz, que vous croiserez la route de Prophet, échappé de Crysis, et que vous finirez dans une Nanocombinaison. Si on ne peut pas détailler le scénario, on a tout de même la possibilité de préciser que celui-ci est... disons bancal, confus, au service d'une narration balourde, limite incompréhensible par moments et quelquefois incohérent. Enfin bref, vous y gagnez une combi et c'est toujours ça de pris puisque vous allez devoir affronter une horde d'aliens et de soldats ennemis en plein New York.
Si vous connaissez Crysis, vous savez que cette dernière donne accès à quelques pouvoirs dont le nombre et l'utilisation ont été simplifiés dans cette suite. A gauche, nous avons le mode Armure qui vous rend pratiquement invulnérable, à droite le mode Camouflage qui fera de vous un véritable fantôme. Une fois activés, ces deux pouvoirs commenceront à drainer vos batteries qui se rechargeront toutefois nettement plus vite qu'auparavant. En marge, en maintenant le bouton de mêlée enfoncé, vous pourrez donner un super coup de tatane capable de faire valdinguer une voiture, ce qui pourra être utile pour se confectionner une couverture de fortune. Le mode Speed qui permettait de se lancer dans une course ultra rapide est remplacé par un sprint plus classique mais qui vide tout de même vos batteries. Enfin, en maintenant la touche de saut, vous pourrez faire un bond un peu plus haut que la normale qui servira la plupart du temps à atteindre un rebord sur lequel vous pourrez vous suspendre. Rien qu'à ce niveau, on note un paquet de changements par rapport au premier volet. Ce ne sont d'ailleurs pas les seuls. Des améliorations peuvent être débloquées moyennant l'acquisition de nanocatalyseurs prélevés sur les cadavres des aliens. Balles traçantes, alertes de proximité, marche parfaitement silencieuse ou encore augmentation des réserves d'énergie sont autant de petits bonus pas forcément indispensables mais toujours bons à prendre. Dans le même ordre d'idées, on retrouve le système de customisation des armes du premier jeu et via lequel on peut, à la volée, ajouter un silencieux, activer un lance-grenades ou encore changer de système de visée. Le tout sans interrompre la partie. Tout ceci ayant pour but de favoriser la libre approche de chaque situation de jeu.
Et c'est donc là que l'on aborde la structure de la progression qui peut se synthétiser en une succession de "couloirs" en extérieur débouchant sur des zones plus ouvertes faisant office d'arènes. Le tout ponctué de très nombreux scripts de mise en scène. Vous y croiserez deux types d'ennemis : les membres d'une obscure milice paramilitaire qui vous en veut à mort ou des représentants de la race alien qui avaient élu domicile dans le sous-sol humide de la planète. L'idée sera donc à chaque fois de traverser ces places fortes, souvent pour y effectuer une action donnée, en choisissant la façon dont on va s'y prendre. Deux ou trois accès sont généralement possibles et au cas où vous auriez la flemme de les chercher, sachez que le jeu vous les montrera. En activant le viseur de la combi, un passage "furtif" ou bourrin sera indiqué, ainsi que les nombreuses caisses de munitions ou surtout les troupes ennemies présentes sur les lieux. Un affichage facultatif dont certains n'hésiteront pas à se passer. En substance, libre à vous d'adapter votre équipement à la façon dont vous entendez franchir l'obstacle, comme une grosse brute ou en jouant l'infiltration. La méthode brutale fonctionne assez bien et donne lieu à quelques affrontements nerveux et plutôt réussis. La technique de l'infiltration par contre est nettement moins convaincante. Une fois camouflé, vous êtes parfaitement invisible et à moins de buter dans un ennemi, vous pouvez littéralement passer sous leur nez, faire une pause dans une cachette le temps de recharger la batterie (ce qui prend à peine 2 secondes) puis repartir. C'est un peu la mort du challenge et du trip furtif. Et si dans le pire des cas vous vous faites repérer, il suffira de rapidement repasser en mode Camo puis de filer à l'anglaise en laissant l'IA continuer à vous chercher là où elle vous a perdu de vue. La méthode classique du FPS devient donc largement préférable, à savoir l'attaque de front qui permettra de se fritter avec des aliens solidement blindés ou véloces et bondissants. D'ailleurs, c'est plus par leur agressivité que par leur intellect que les ennemis, humains ou aliens, parviennent à survivre. Au chapitre des points noirs de Crysis 2, l'I.A. figure en bonne place par sa tendance à s'approcher pour mieux reculer ou à s'obstiner à tenter de passer à travers les murs. Ce qui arrive un peu trop fréquemment à notre goût d'ailleurs. Sa stricte obéissance à certains scripts n'arrangeant pas les choses. Pour autant, une fois qu'elle parvient à s'affoler, l'I.A. est tout à fait capable de vous inonder de ses représentants et même de vous prendre à revers. Ce qui vous forcera à rester mobile et jouer de la glissade pour filer d'une couverture à une autre. C'est nettement plus satisfaisant.
Contrairement à son illustre grand frère, Crysis 2 cède donc aux sirènes du FPS fermé, avec quelques passages semi-ouverts, ce qui laissera fatalement les amateurs du premier volet un peu sur le carreau. Pour autant, le jeu reste appréciable, à condition de se forcer à aller au conflit. L'ennui, c'est que même en acceptant l'idée de ce changement de ligne, le jeu n'atteint pas les attentes que l'on pourrait placer dans une telle production. Sympathique, le jeu l'est, excellent, pas vraiment. Sa mise en scène par exemple, est étrangement peu immersive. Entendons-nous bien, elle est spectaculaire et le CryEngine 3 en fout plein la gueule. New York et ses immeubles gigantesques sont saisissants, les effets de lumières sont parfaitement maîtrisés et le jeu reste fluide même lorsqu'un building s'effondre sous vos yeux ou que vous finissez englouti par une déferlante sortie d'on ne sait où. Parallèlement, on est un peu frustré par le manque d'interactions avec l'environnement, en tout cas d'interactions utiles, parce qu'allumer une télé, une cafetière ou faire couler de l'eau, on s'en fout un peu.
En dehors de son mode solo, Crysis 2 embarque évidemment un segment multijoueur qui entretient des rapports étroits avec Call of Duty dont on retrouve des éléments en passe de devenir incontournables. Système d'expérience et de collecte permettant de faire évoluer son avatar par le biais de son équipement ou de sa combinaison (plus fort, plus rapide, plus invisible etc.), bonus d'équipe (bombardement, brouillage radar et autres) rappelleront des souvenirs dans le principe aux joueurs de CoD. Côté modes de jeu, à côté du match à mort en solo et en équipe, on retrouve du Capture the Flag ou un mode Assaut dans lequel une équipe en combi affronte une équipe "standard" ayant pour mission de défendre une zone. A noter également le mode Extraction dans lequel une équipe doit capturer une série d'items, chacun permettant d'obtenir une amélioration de la combinaison qui rendra la capture de l'objet suivant plus simple. Très nerveux, relativement riche, le mode multi de Crysis 2 ne va pas s'imposer comme une grosse référence mais a suffisamment de potentiel et de charme pour divertir efficacement. En fait, ce qu'on lui reprochera le plus, c'est ce qui devait en faire l'originalité : la combinaison. Les pouvoirs de camouflage et d'armure ont au final plus des airs de cheat codes officiels que de réels agréments de jeu. Un peu dommage.
- Graphismes18/20
Le CryEngine 3 est bluffant et devrait s'imposer comme un moteur 3D de référence. Effets de lumières, animations, particules, pas grand chose à reprocher à l'exception des textures un peu en-deçà de celles de Warhead. Qui plus est, si les paramètres graphiques sont réduits à leur plus simple expression, l'optimisation de ce second volet est largement supérieure à celle de son prédécesseur. Et ça, c'est bien !
- Jouabilité14/20
Crysis 2 opte pour un mélange hasardeux de gameplay dirigiste avec scripts (et respawn infini à l'occasion) et de passages faussement ouverts. L'équilibre est un peu précaire et surtout, on déplore que l'infiltration soit aussi simpliste et bougrement trop efficace. On se rabat alors sur l'option brutale et ses combats nerveux, finalement plus intéressants et même assez fun.
- Durée de vie15/20
Il faut autour de 8 heures pour boucler le mode solo, ce qui est plutôt correct de nos jours pour un FPS. Le multi, sans être une référence incontournable, offre quelques heures de divertissement, mais on aurait préféré un peu plus d'originalité ou une combi qui ressemble moins à un cheat code.
- Bande son15/20
La bande-son est appréciable, en dehors du thème principal qui tourne en boucle dans le menu. Les doublages en français sont très bons, de même que les effets.
- Scénario10/20
Pas bien épais, le scénario se montre souvent confus, pas très cohérent et maladroit. Ce ne serait pas un problème si le jeu n'insistait pas lourdement dessus à travers de multiples séquences verbeuses.
On sent Crytek peu à son aise dans l'exercice du FPS linéaire et scénarisé. Entre maladresses, IA parfois bancale et mise en scène à la fois spectaculaire mais peu immersive, Crysis 2 sort tout de même son épingle du jeu en proposant des combats dynamiques et nerveux. En revanche, oubliez l'infiltration. Par ailleurs, après une campagne solo bien remplie, le mode multi saura prolonger l'investissement.