"Par le scénariste de Apocalypse Now" clame haut et fort THQ au sujet de Homefront. Ca, c'est le genre d'arguments qui a tendance à inquiéter. Un peu comme "Par les créateurs de...". Il faut bien admettre qu'il n'y a pas grand-chose d'autre à dire au sujet du dernier-né de Kaos Studio.
On admettra sans problème que Homefront démarre de fort jolie façon. Par le biais d'une intro mêlant images réelles et montages de synthèse, vous assistez à la réunification des deux Corée par Kim-Jong-un, fils de l'actuel dictateur Kim-Jong-il. S'ensuit une escalade d'évènements voyant la République de Corée prendre progressivement le contrôle de l'Asie alors que les Etats-Unis s'affaiblissent, gangrenés par la hausse du cours du pétrole. Et au final, c'est l'invasion et l'occupation. Après cette cinématique d'intro, le jeu vous plonge dans l'horreur, celle vécue par un pilote à bord d'un bus de l'armée coréenne en route pour un camp. Sur le trottoir vous avez droit à quelques tranches de mort, des exécutions sommaires en pagaille dont celle d'un couple sous le nez de leur enfant. C'est vrai, ça fait froid dans le dos. Malheureusement, cette intro brillante "sur-les-horreurs-bestiales-de-la-guerre" n'est pas une indication très fiable de la qualité du reste du scénario, même si ce dernier sait réserver quelques scènes relativement efficaces mais qui ont souvent tout du cliché sans âme. Sans parler de sa tendance à sombrer dans le mélo ou la confusion entre le dictateur sanguinaire et le soldat qui n'hésite pas à massacrer femmes et enfants. En tout cas, l'ambiance est sombre, mais pas toujours aussi immersive que son intro le laissait espérer.
Du coup, Homefront retombe vite dans les habituels stéréotypes du genre et passe à côté de l'originalité que pouvait lui offrir son background. Et pas seulement du point de vue narratif, mais aussi dans ses mécaniques. Homefront a tout du FPS militaire scripté parfaitement générique. Du joué et du rejoué, habillé par des scripts qu'on voit venir à des kilomètres tant les ficelles qu'il emploie sentent le réchauffé. Tous les poncifs sont là, le rail-shooting à bord d'un humvee, la séance de snipe en haut d'un clocher, la scène d'infiltration (parfaitement ridicule soit-dit en passant), le petit coup de bullet time après l'ouverture d'une porte ou le "attention ça va faire boum et tu vas un peu t'évanouir mais t'en fait pas ça va aller". Le recours à Goliath, un véhicule blindé armé de roquettes auquel on indique régulièrement des cibles à l'aide d'un viseur, pourrait à la rigueur faire l'originalité du jeu, mais même pas.
Toutefois, le vrai souci, c'est que ce manque flagrant d'inspiration n'est pas le fond du problème. Les scripts sont atrocement mal fichus. Tenez-vous prêt à attendre des plombes chaque fois que vos équipiers devront ouvrir une porte pour vous. Et si vous comptez passer devant au moment de franchir un passage, n'y pensez même pas, si le script dit que vous passerez le troisième, vous passerez le troisième. Et vos équipiers, parlons-en de cette bande de manches qui prennent un malin plaisir à vous bloquer le passage. On pourrait croire en 2011 que c'en est terminé des IA qui s'obstinent à vous boucher la ligne de tir, Kaos Studio nous prouve le contraire parce que c'est le script qui a décidé que Futé et Maligne vont se mettre à couvert à cet endroit et qu'ils tireront à ce moment précis. D'ailleurs, c'est une bonne chose, car lorsque c'est l'IA qui choisit quand et où tirer, le spectacle est assez désolant, Futé tirant à droite quand l'ennemi est à gauche pendant que Maligne tourne carrément le dos à tout le monde. L'IA ennemie compense en se montrant intraitable, tirant à vue et vous délogeant à coups de grenades si vous ne vous montrez pas assez mobile. Un bon point.
Et comble du comble, la durée de vie de la campagne solo est à la limite du scandale. 5 heures de jeu à peine (et pour être précis, 5 heures avec un pad, 4 et des poussières avec une souris en ce qui nous concerne). Ouch, la douloureuse est salée. On se tourne donc vers le multijoueur en se souvenant que, bon sang de bois, Kaos Studio a été fondé par d'anciens de Dice (Battlefield) et a déjà sorti un FPS multi sympathique (Fuel of War) et là, cruelle déception. Homefront ne dispose que de 7 cartes pour deux modes de jeu, le premier étant un bête deathmatch, le second un mode domination de zones offrant quelques options tactiques. Ajoutez la couche "Call of Duty" faite de bonus d'équipes et autre système d'expérience, vous obtenez un multijoueur pas déplaisant mais loin d'être mémorable et qui se garde bien de la moindre prise de risques, il reste cependant une assez bonne pioche.
En outre, le bilan technique n'est pas plus réjouissant. Un habillage graphique évoquant vaguement un cel shading des personnages, une sorte de cache-misère pour un moteur 3D qui doit avoir 4 ans d'âge au bas mot, avec bugs de collisions, freezes et chutes de framerate, sur consoles en particuliers. Notons d'ailleurs que la version PC, malgré la présence d'un menu de configuration (c'est que ça se ferait presque rare) est un portage des versions consoles avec textures à la ramasse. On reconnaîtra tout de même un très bon point à Homefront : son design et sa direction artistique qui transparaissent lors de certaines scènes en solo. On est d'autant plus frustré du coup. Homefront aurait sans doute pu se faire une place au soleil parmi les FPS, mais là, c'est plus que raté.
- Graphismes13/20
Techniquement, le moteur affiche un rendu franchement daté. Homefront a toutefois la chance de profiter d'une jolie touche artistique par moments, ce qui lui sauve un peu la mise.
- Jouabilité10/20
Scripts grossiers, IA à la rue, sensations pas vraiment au rendez-vous et surtout, déplaisante impression de déjà joué et rejoué. Homefront est tiède et ne parvient vraiment pas à passionner avec son enfilade de clichés.
- Durée de vie9/20
Entre 4 et 5 heures de jeu pour la campagne solo, c'est à se demander si Kaos Studio n'a pas oublié une partie de son jeu, surtout quand on voit la fin d'ailleurs. Le multi, pas déplaisant mais sans identité, ne fera pas de miracles pour rentabiliser vos euros avec un 1 seul mode intéressant (sur 2) et 7 cartes.
- Bande son14/20
Quelques thèmes musicaux accrochent l'oreille, sans plus. Les doublages sont corrects d'une manière générale. Les effets sont nettement plus en retrait.
- Scénario13/20
L'idée de départ est séduisante, et très bien amenée qui plus est. Elle donne de plus au jeu un ton sombre et violent mais on regrette que tout cela s'enfonce lentement dans le cliché, la caricature facile et le combat du bien et du mal.
Après un démarrage prometteur grâce à une intro bien ficelée, Homefront montre très vite ses faiblesses. Bourré de clichés, de poncifs grossiers du FPS linéaire au pixel près, de scripts mal amenés, plombé par une I.A. alliée au top de l'année 2001, le jeu se paie en plus une durée de vie de 5 heures grand max. Quelques séquences plus adroites que d'autres et un multi sympa mais pas bien riche (2 modes, 7 maps) en feront éventuellement un achat envisageable en occasion si vous n'êtes pas difficile... enfin si vous êtes prêt à payer 8 euros pour racheter un coupon d'accès au multijoueur.