Un an jour pour jour après sa sortie au Japon, Yakuza 4 vient balayer les doutes laissés par un troisième épisode en demi-teinte en amorçant un retour aux valeurs initiales de la série. Si, fondamentalement, la formule ne change pas vraiment, elle fait preuve ici de davantage de maîtrise et d'efficacité et nous réconcilie avec un concept qui, à la base, doit autant à Shenmue qu'à GTA.
Quatrième chapitre d'une série pour le moins marginale sur la scène des jeux d'action, Yakuza 4 nous lâche dans la jungle de Kamurochô, une réplique de Kabukichô, le quartier le plus chaud et le plus glauque de toute la capitale tokyoïte. Durant la bonne vingtaine d'heures que compte l'aventure principale, il vous faudra arpenter longuement le dédale de ses rues parfois malfamées pour apprendre à connaître cet environnement dans son entier, ce qui comprend également les toits et les passages souterrains. Il s'agit d'ailleurs d'un des aspects sur lesquels les développeurs ont mis l'accent cette fois-ci, la progression faisant régulièrement intervenir des scènes de poursuite au sommet des buildings et des phases d'exploration dans les couloirs du métro de Kamurochô.
L'un des points forts de la série réside dans le fait qu'elle a toujours su se démarquer des autres en prenant la peine d'ancrer ses nombreuses phases de baston au sein d'une progression assez proche de celle d'un jeu d'aventure, le joueur pouvant s'éloigner autant qu'il le souhaite des objectifs du scénario principal pour s'adonner aux nombreuses activités annexes offertes par le soft. Celles-ci sont évidemment bien présentes dans Yakuza 4, même si l'on doit souvent attendre le bon moment pour pouvoir en profiter. Le sentiment de liberté attendu à juste titre par les amateurs de la franchise ne semble donc plus vraiment constituer la priorité numéro un de la série, le titre privilégiant avant tout le déroulement de sa trame narrative en forçant le joueur à enchaîner les chapitres pour la bonne marche de l'histoire avant de lui permettre quelques incartades à caractère purement récréatif. N'espérez donc pas fréquenter les bars à hôtesses, les salles de pachinko et autres karaokés à chaque fois que vous le désirerez, même si les multiples activités proposées à terme dans Yakuza 4 sont un bon moyen de prolonger à l'envi le plaisir de jeu.
L'histoire globale de ce nouveau volet s'articule autour de quatre personnages que tout semble opposer, et qui pourtant vont être amenés à oeuvrer de concert pour l'accomplissement d'un but commun. Sans surprise, les textes sont une fois encore en anglais mais le doublage japonais a été judicieusement conservé et il s'avère excellent. L'immersion se fait donc naturellement et les nombreuses cinématiques se chargent de développer l'intrigue à l'excès, histoire de nous rappeler à quel point le scénario et la mise en scène constituent les clefs de voûte d'une atmosphère réussie. Force est de reconnaître que le résultat est plutôt convaincant puisque c'est bel et bien le sentiment d'implication que l'on ressent tout au long du jeu qui nous pousse à dévorer les chapitres à un rythme ininterrompu, et tant pis si la progression implique des va-et-vient incessants dans les ruelles de Kamurochô. D'autant que tous les personnages n'y évoluent pas en toute liberté, à l'instar de Taiga Saejima, fraîchement échappé de prison et peu enclin à se faire coincer avant d'avoir réglé ses comptes avec ceux qui l'ont traîné dans la boue. Shun Akiyama, lui, y a installé les bureaux de son entreprise Sky Finance, officiant comme prêteur sur gages peu recommandable, tandis que Masayoshi Tanimura y a ses entrées privilégiées comme tout bon détective digne de ce nom. Quant à l'incontournable Kazuma Kiryû, il y fera lui aussi un passage remarqué en fin de jeu après ses « vacances » passées sur l'île d'Okinawa dans le troisième volet.
Si le jeu prend le temps de nous décrire longuement le passé et les caractères respectifs de ces quatre personnages, ce n'est pas seulement parce qu'ils sont au coeur de l'intrigue de Yakuza 4 mais aussi de son gameplay. Pour la première fois de son histoire, la série nous donne à contrôler quatre durs à cuire qui se distinguent radicalement par leur psychologie, leurs motivations et leur manière d'agir. Il fallait incontestablement un ressort de ce type pour relancer le plaisir de jeu, Kazuma Kiryû disposant, en toute logique, des mêmes techniques de combat que dans les volets antérieurs. Les premiers chapitres se focalisent donc sur les trois autres gaillards charismatiques de Yakuza 4, à commencer par Akiyama, dont le style de combat rapide et acrobatique constitue une parfaite entrée en matière aux scènes de baston. De par sa corpulence et sa détermination, l'évadé Saejima n'hésitera pas à prendre les problèmes à bras-le-corps en saisissant même ses adversaires les plus costauds. Tout le contraire de Tanimura qui oeuvre tout en finesse via des esquives et des contre-attaques aussi furtives que redoutables.
A chaque changement de point de vue, le joueur hérite ainsi d'une nouvelle arborescence de coups qui relancent complètement la manière dont il va pouvoir négocier les affrontements. Ces techniques se développent moyennant des points à répartir librement dans les talents de chaque personnage et obtenus en gagnant de l'expérience au fil des combats. Ces derniers se déroulent toujours dans des zones fermées comportant généralement des objets dont on peut se servir pour exécuter des attaques spéciales qui diffèrent en fonction de l'arme utilisée lorsqu'on est en état de HEAT. Le système n'a rien de fondamentalement original mais il ne faillit pas, même lorsqu'il fait intervenir des QTE aussi prévisibles que nécessaires à la bonne crédibilité de la mise en scène. Les courses-poursuites sont aussi un bon moyen de varier les plaisirs, le joueur étant placé tantôt dans la peau du fuyard tantôt dans celle du poursuivant. Sans oublier la dimension prononcée des phases d'exploration qui virent parfois carrément à l'infiltration. Bien qu'elle s'appuie sur un gameplay classique et jamais exempt de petits défauts, l'action de Yakuza 4 a le mérite de convaincre sans pour autant nous faire crier au génie. Car il est clair que si les fans y trouveront leur compte, il en faudra plus pour assurer à la série un avenir serein.
- Graphismes14/20
Si les faiblesses techniques de ce quatrième volet sautent aux yeux, le caractère photo-réaliste des visages et des environnements suffit à lui donner la crédibilité dont il a besoin pour favoriser l'immersion dans le quartier de Kamurochô.
- Jouabilité15/20
Le fait de pouvoir contrôler quatre personnages aux styles de combat radicalement distincts relance considérablement l'intérêt des affrontements. Si le gameplay n'a pas fondamentalement changé et commence à dater un peu, il réussit tout de même à faire preuve de suffisamment de variété pour motiver le joueur jusqu'à la fin.
- Durée de vie16/20
Le cheminement principal de Yakuza 4 vous prendra en moyenne une vingtaine d'heures, à laquelle s'ajoute le temps que vous pourrez passer à profiter des multiples distractions proposées en marge de l'aventure.
- Bande son15/20
L'ambiance sonore ne déçoit pas et peut compter aussi bien sur la pertinence de ses musiques que sur la qualité de son doublage japonais.
- Scénario16/20
Le fait que l'histoire ne s'articule plus uniquement autour de Kazuma Kiryû mais fasse intervenir trois autres individus dont on découvre progressivement les implications dans la trame globale du jeu pimente agréablement le déroulement de l'intrigue. La narration est toujours mise au premier plan mais trahit parfois certaines lourdeurs.
Il fallait bien le renfort de trois nouveaux protagonistes pour relancer la machine Yakuza en perte de vitesse depuis le troisième volet. Non content de revenir à des valeurs plus chères aux fans de la série en termes d'ambiance et de narration, Yakuza 4 se permet aussi d'injecter suffisamment de variété dans son gameplay pour le rendre plus efficace et plus attrayant.