"Un jeu de tir multisensoriel" : voilà comment Tetsuya Mizuguchi, le producteur de Rez, Lumines ou encore Every Extend Extra Extreme, définit sa nouvelle création. Et il faut bien dire qu’à l’image des titres cités précédemment, Child of Eden se révèle effectivement une expérience vidéoludique hors norme doublée d’un véritable trip psychédélique...
Se déroulant au sein d'Eden, une zone spéciale de la mémoire humaine, le jeu propose de parcourir cinq « archives », nom donné aux niveaux. Le but est d'éradiquer la présence d'un virus censé contrecarrer le projet LUMI qui consiste à recréer une personnalité humaine. Attention, si l'histoire paraît alambiquée, voire confuse, en revanche il n'en est rien du gameplay. Car il s'agit ni plus ni moins d'un bon vieux shoot'em up au cours duquel il faut éliminer tous les ennemis qui se présentent à l'écran. Originalité toutefois : non seulement l'univers du titre est constitué d'une explosion permanente de formes géométriques et de couleurs vives pouvant symboliser divers sentiments et émotions, mais en plus le joueur utilise directement son corps pour interagir avec le monde alentour.
En usant ainsi du Kinect pour la Xbox 360 ou du PlayStation Move pour la PS3, vous devez d'abord pointer vos multiples adversaires, tous issus du virus et qui prennent l'apparence parfois surréaliste de fleurs, poissons ou autres cubes. Puis, afin de les réduire à néant, il est nécessaire de choisir la bonne arme. Vous en avez trois à disposition entre lesquelles vous pouvez switcher à volonté. Le laser rouge, qui shoote de manière continue, est efficace pour mitrailler les petits ennemis et repousser les tirs des plus gros. Le laser bleu quant à lui est destiné aux adversaires nettement plus imposants, même s'il peut s'avérer aussi très utile contre les vagues successives de créatures riquiqui, car il permet de locker plusieurs cibles à la fois et ainsi d'annihiler en même temps de nombreux belligérants ainsi que de larges portions des monstres qui vous agressent (après le lock, pour déclencher l'envoi de missiles autoguidés, il suffit de donner un mouvement rapide vers l'avant). Last but not least : la mégabombe, à usage limité, qui nettoie tout à l'écran en une poignée de secondes (il faut alors lever les deux bras simultanément au ciel). A noter enfin que la caméra se déplace en fonction des mouvements du joueur. Et même si le champ de vision n'est pas très large, il permet tout de même de surveiller de temps à autre l'environnement afin de contrer toute présence ennemie…
Au contraire de la plupart des titres recourant à un système de reconnaissance de mouvements, Child of Eden possède l'avantage de proposer une jouabilité particulièrement simple et accessible, mais surtout peu fatigante. Car il n'est pas nécessaire de faire de grands mouvements amples et marqués pour déplacer son viseur. Un geste lent et posé suffit à positionner ses tirs. D'ailleurs, il vaut mieux pratiquer le titre de cette manière sous peine parfois – en cas de déplacement un peu trop brutal – de changer d'arme de manière inopinée. Autre petit bémol qui est apparu lors de la quinzaine de minutes qui nous a été allouée pour prendre le jeu en main : le manque de lisibilité de l'action. Par moments, il se passe tant de choses à l'écran et il y a un tel déferlement de couleurs, d'explosions et de figures géométriques qu'il est bien difficile de repérer précisément l'ennemi – qui se confond avec le décor – et surtout d'éviter ses tirs. Toutefois, ce problème peut être contourné assez rapidement car, une fois le gameplay parfaitement assimilé, il suffit alors de couvrir en permanence la zone de vos tirs pour parer à l'apparition surprise du vilain virus. Bénéficiant d'une bande-son digne d'un Jean-Michel Jarre sous acide, à savoir parsemée de bruitages étranges et de courtes mélodies généralement planantes, le jeu devrait réserver également quelques jolies surprises. Comme en témoigne cette séquence, d'une fulgurante poésie, où une délicieuse jeune femme sort d'une grosse fleur vénéneuse que vous avez liquidée à la fin d'une archive (au passage, chaque niveau contient un boss dont il est nécessaire de triompher en vidant la jauge de vie affichée à l'écran). Au final, Child of Eden se révèle donc plutôt envoûtant grâce à son gameplay simplissime et surtout son esthétique particulièrement originale.
Résolument hors norme, Child of Eden fait partie de ces titres qui peuvent déclencher autant de haine que de passion. Anecdotique pour les uns, addictif pour les autres, le jeu semble afficher néanmoins la volonté de faire partager une expérience sensorielle quasi inédite. Car ce n’est pas tous les jours qu’on se retrouve plongé dans un univers abstrait et ultra-coloré qui pourrait être assimilé à une espèce de rêve éveillé. Bref, un titre qui paraît pour l’heure à la fois stimulant comme une barre chocolatée mais aussi reposant comme une séance de méditation.