Il est loin le temps des shoot them up qui sortent à tout va, le temps de Nolan Bushnell et de Space Wars, où la folie du jeu vidéo a pris forme pour voir apparaître des grands noms comme Pong ou Pac-Man. Malgré une concurrence féroce cette année-là avec pas loin de trente jeux catégorisés comme shoot'em up, Fantasy Zone a été l'un des titres les plus originaux de sa génération, bien qu'il ne soit pas aussi connu et reconnu qu'un Space Invaders ou un Asteroids.
Evoquer la nostalgie lorsque l'on prononce le doux nom de Fantasy Zone n'est qu'un euphémisme, tant il a su s'imposer comme valeur marginale dans le cœur de beaucoup de joueurs, et comme le point clé d'une série devenue phare au fil du temps. Ce n'était pourtant pas gagné d'avance puisque le scénario proposé par Fantasy Zone est somme toute classique, même si certains thèmes sombres comme l'appât du gain, la guerre et la trahison sont omniprésents. Difficile d'ailleurs de concevoir de tels thèmes dans ce jeu si particulier, et pourtant, derrière la défense de la Fantasy Zone face à d'innombrables ennemis internes se cachent d'atroces secrets. Opa-Opa, le héros de la série, est un personnage atypique et torturé, opposition entre sa forme attachante et son fond terrifiant, qui est tantôt tyrannique via son double maléfique, tantôt héroïque lorsqu'il se bat pour sauver le monde. La responsabilité qui pèse sur ses épaules n'est en rien enviable puisque, depuis la disparition de son père, il doit secourir le monde mais aussi faire face à un destin cruel et traumatisant. De prime abord, ces aspects sombres ne sont ni visibles ni imaginables, notamment parce qu'ils contrastent avec l'univers spécifique et original de Fantasy Zone.
C'est évidemment au travers de cet univers qu'il se démarque et devient un symbole, tout en inventant un nouveau type de jeu de tir : le cute them up, ou le shoot them up dit « mignon », il impose son style et son élégance. Ce qualificatif n'est pas choisi au hasard, les neuf stages disponibles dans le jeu présentant des décors acidulés et colorés à souhait. De plus, on y trouve une diversité de lieu jusque-là jamais exploitée synonyme de dunes de sable aux fonds sous marins, bien loin des batailles spatiales inspirées de Star Wars. Ces univers variés ont tous leurs particularités et sont chacun différents des autres. Le « héros », doté de pattes pour se poser sur le sol, apparaît comme un mignon petit vaisseau, à l'instar de ses ennemis attachants, aux couleurs diverses et aux formes arrondies. Les boss semblent même être de sympathiques personnages auxquels nous ne voulons pas faire de mal en les truffant de tirs.
S'il est évident que ce côté décalé procure à Fantasy Zone sa personnalité, il ne faut pas oublier qu'il offre également un système de jeu attrayant et difficile. Dans chacun de ces stages, il faut détruire les six bases ennemies fixes qui parsèment le décor afin d'accéder au boss de fin de niveau. Ne pensez pas qu'il est simple de les atteindre, même si Fantasy Zone ne propose pas un défi aussi élevé qu'un R-Type ou plus récemment qu'un DoDonpachi, il n'est pas aisé d'éviter les dizaines d'ennemis variés et leurs dizaines de tirs. Le plus décourageant, c'est que le scrolling horizontal permettant de finir le niveau aussi bien d'un côté comme de l'autre, entraîne aussi l'apparition aléatoire des ennemis venant de la gauche comme de la droite, mais aussi du haut de l'écran et des bases ennemies, de quoi donner du fil à retordre à n'importe qui. Enfin, pour corser l'addition, le huitième stage vous confronte aux sept premiers boss du jeu, avant l'affrontement final face à quelqu'un de très particulier. Cependant, pas de panique, vous avez le droit d'user et d'abuser de deux types de tirs : un classique et un secondaire qui vous permet de lancer une bombe. De plus, l'argent récolté sur chaque dépouille vous donne accès au shop, représenté par un ballon rouge dans le niveau. Vous y achetez toutes sortes d'améliorations, de manière à voler plus rapidement à l'aide de turbo, ou bien à utiliser différentes armes telles que des bombes qui tombent du haut de l'écran, des rayons laser qui détruisent tout sur leur passage ou encore des tirs qui couvrent l'écran sur la hauteur. Il vous est également possible d'acheter des vies, dont le prix unitaire augmente à chaque achat, et dont l'utilité se fait vite ressentir.
Bien que le tour soit fait, parler de Fantasy Zone sans faire un parallèle avec la musique est un crime, un crime aussi important que d'annoncer qu'elle n'est pas à la hauteur. Au contraire, celle-ci corrèle avec l'univers fantasque du jeu, lui donne une plus grande cohérence et le sublime même parfois. Les stages ont chacun leurs thèmes, des thèmes qui restent d'ailleurs gravés en tête malgré leur simplicité, et fouler le sol de Fantasy Zone est une joie qui se retrouve autant dans son univers, que dans son gameplay et ses musiques extravagantes. Un moyen d'offrir un jeu cohérent jusqu'au bout et dans les moindres détails, dont on oubliera ni la musique ni l'univers. Une fois plonger dans ce monde onirique, il est difficile de le quitter sans avoir de regret, un jeu marquant qui en dit long sur les capacités des jeux vidéo à nous émouvoir.
- Graphismes18/20
Fantasy Zone impose sa patte graphique sans contestations possibles, son univers visuel est magnifique. Les sprites sont de qualité et donnent la sensation que les ennemis sont aussi attachants que le héros. Malgré les capacités de la 8-bits de SEGA, la Master System est poussée dans ses retranchements pour nous offrir une richesse visuelle et une cohérence graphique très appréciable.
- Jouabilité16/20
La possibilité d'améliorer ses armes, d'acheter des vies et d'obtenir des turbos font de Fantasy Zone un jeu au principe simple. Néanmoins, son système est excellent puisque la maniabilité est remarquable et son challenge est relativement élevé. Les quelques atouts du soft ne sont pas négligeables et les ennemis rapides et variés ainsi que les boss permettent de s'éclater sans compter.
- Durée de vie14/20
C'est le point noir de ce premier volet. Seulement neuf stages dont un dédié à l'affrontement des sept premiers boss et un autre consacré au boss final. Le jeu, malgré sa difficulté incontestable, ne doit sa durée de vie qu'aux innombrables pertes de vie tout au long des stages, qui obligent, après le game over, à tout recommencer depuis le départ.
- Bande son17/20
D'une qualité indéniable pour l'époque, les thèmes simples du jeu restent en tête, quelques heures comme quelques années plus tard. Cohérentes par rapport à l'univers, les musiques se veulent aussi décalées et farfelues que l'ambiance graphique de ce shoot them up. De plus, certains morceaux subliment les stages que l'on parcourt.
- Scénario15/20
De prime abord classique et déjà vu, le scénario de Fantasy Zone ne se veut pas très présent. En s'y attardant un peu, ainsi que sur le scénario global de la série, on constate que certains sujets matures comme la guerre, la trahison et l'argent sont présents. Le héros torturé qui contraste avec l'univers est aussi un point qui renforce le côté sombre derrière l'Eden qu'offre la Fantasy Zone.
Incontestablement, Fantasy Zone a su tirer profit de son originalité pour s'imposer comme un shoot them up de référence. Proposant un univers totalement différent de ceux qui étaient déjà proposés, le jeu aborde un tout nouveau style : le cute them up. Il se veut incontournable du fait de sa marginalité et de son gameplay tout simplement exaltant. A ne pas louper !