Un an après le choc Super Mario Bros. de 1985, les aventures du plus célèbre des plombiers étaient déjà de retour au Japon. Mais pour nous autres pauvres occidentaux, il aura fallu patienter jusqu'en 1989 pour voir enfin débarquer cette suite tant attendue. Et quelle suite ! Presque tout l'univers du premier Mario a disparu ! Super Mario Bros. 2 c'est en effet l'histoire d'un mensonge, une histoire rocambolesque où un simple jeu commandé par une chaîne de télévision finit par être estampillé Mario Bros. Alors, arnaque ou coup de génie ?
Nous sommes donc en 1986, notre cher plombier moustachu est attendu au tournant depuis son premier coup d'éclat. Au Pays du Soleil Levant Super Mario Bros. 2 est déjà là, avec dans les grandes lignes les mêmes éléments que son prédécesseur et une difficulté bien plus prononcée. Cette ressemblance et cette difficulté effraient pourtant Nintendo pour la sortie du jeu en Occident. Soucieux de sa mascotte, Big N préfère en effet annuler la sortie du véritable Super Mario Bros. 2 en occident, et le remplacer par un autre titre ! Mais quel jeu alors pour succéder à Mario ? Yume Kōjō: Doki Doki Panic (que nous pourrions traduire par Fabrique à Rêves : Panique Cœur-Battant) est le nom du jeu original qui servira de base à cette incroyable mascarade. Simplement prévu pour accompagner un évènement télévisé au Japon, Yume Kōjō: Doki Doki Panic se voit soudainement propulsé sur la scène mondiale ! Mais bien entendu, pas sans quelques retouches pour coller un minimum avec la toute jeune série Mario.
Dès le scénario nous pouvons voir un premier changement. Exit les enfants capturés dans un livre magique et qu'il faut alors sauver. Avec Mario, l'histoire conserve le thème du rêve mais le tourne autrement. Il s'agit désormais de délivrer le royaume des rêves, sous l'emprise d'un sort lancé par le maléfique Wart, une sorte de crapaud géant allergique aux légumes. L'histoire est simple, mais convient parfaitement pour le jeu de plates-formes qui nous intéresse. Côté gameplay, Super Mario Bros. 2 reprend en très grande partie le système de Doki Doki Panic, excellent, mais extrêmement différent du premier Super Mario Bros. Ce choix de la nouveauté était risqué, mais il paye. Ici, fini de sauter sur les ennemis pour les détruire, ça ne les dérange plus le moins du monde ! A la place, il faut leur lancer des objets ou même d'autres ennemis pour les détruire. Cette capacité à porter des items est le cœur de nouveaux mécanismes très intéressants, comme le maniement de blocs, de bombes, ou l'ouverture de portes fermées à clef. Chaque boss met également à profit cette capacité et il faudra le plus souvent rattraper leurs projectiles pour les leur renvoyer en pleine figure ! Une grande nouveauté est aussi le Sub-Space, une sorte de monde parallèle dans lequel se trouvent divers bonus. Pour accéder temporairement à ce monde, une porte doit être créée au bon endroit grâce aux potions magiques disséminées sur notre chemin. Cette nouveauté est particulièrement excellente car elle exige à la fois réflexes et réflexion. Le joueur est obligé de transporter la précieuse potion jusqu'à l'endroit qu'il a repéré, puis il doit se dépêcher de récolter chaque bonus avant la fin du temps imparti !
Contrairement au premier volet, ce n'est plus seulement notre plombier à salopette rouge et bleue, mais bien quatre personnages véritablement différents que nous pouvons désormais sélectionner. Luigi, Toad et Peach entrent ainsi dans la danse avec pour chacun des capacités uniques. Tandis que Mario est comme souvent le personnage moyen dans chaque domaine, Luigi est plus lent quand il porte un objet mais il saute beaucoup plus haut. Au contraire, Toad est l'homme fort du groupe, capable de saisir rapidement un objet et de le transporter à toute vitesse, mais c'est aussi le moins doué pour les sauts. Notre chère Princesse Peach est le personnage un peu cheaté puisqu'elle peut avancer dans les airs pendant quelques secondes ! Cependant sa force et sa vitesse restent faibles, ce qui n'est pas l'idéal dans certaines situations. Il faut aussi noter que tous les personnages peuvent augmenter leur puissance de saut en restant baissés pendant quelque temps, histoire de rééquilibrer notre petit groupe. Précision et diversité du gameplay sont donc au rendez-vous avec ces quatre personnages. Certains se débrouilleront mieux que d'autres face à certaines situations, mais aucun d'eux n'est inutile. Le joueur peut tranquillement faire son choix avant chacune des 20 zones du jeu et finir du coup l'aventure avec n'importe lequel des personnages.
Pour traverser ces 20 zones, réparties en 7 niveaux, quelques heures suffiront une fois le pad bien pris en main. A l'aide des Warps cachés il est même possible de finir le jeu en ne visitant qu'une dizaine de zones ! Se dépêcher et courir n'est toutefois pas aussi important que dans le précédent volet, car le chrono a purement et simplement disparu, de même que le score ! C'est bien dommage car cela enlève beaucoup de challenge et d'intérêt si l'on cherche à faire la meilleure prestation possible. Ceci dit, dans l'ensemble pas de surprise puisque Nintendo a voulu que ce jeu soit facile d'accès. Le système de points de vie est d'ailleurs plus généreux que celui du premier Mario, le joueur commence avec 2 points d'énergie et peut en gagner deux supplémentaires. Obtenir des vies est en revanche plus difficile. Les pièces ramassées dans le Sub-Space permettent de jouer au Bonus Chance, un mini-jeu comme ceux des casinos où il faut aligner des symboles pour gagner jusqu'à 5 vies. C'est donc assez aléatoire, mais un peu de pratique suffit pour s'assurer un stock confortable. Enfin les nouveaux boss ne donnent guère de fil à retordre, mais au moins par rapport à Bowser ils sont plus coriaces et surtout plus intéressants, plus variés.
Plus variés, c'est aussi ce que nous pouvons dire des graphismes du titre. Pour son époque, Super Mario Bros. affichait déjà avec panache plusieurs environnements, mais son successeur frappe encore plus fort. Palmiers, souterrains et donjons, mais aussi glace, cascades, nuages, déserts et pyramides nous donnent sans cesse l'impression de voyager. Ce monde des rêves est très bien rendu malgré les limites de la NES. Les capacités de la console ne sont toujours pas pleinement exploitées, mais la qualité est déjà bien là. En témoigne un premier détail technique essentiel : il est désormais possible de revenir en arrière ! Depuis le premier opus c'est une véritable avancée, nous sommes libres d'explorer les niveaux pour en apprécier toute la richesse et toute la beauté. En ce qui concerne la bande-son, Koji Kondo reste aux commandes et nous livre, une fois encore, quelques savoureuses preuves de son génie musical. Les clins d'œil sont également présents avec la reprise de morceaux déjà célèbres, tels que le thème principal du premier épisode qui est joué pendant le Sub-Space. Ces quelques références n'éclipsent pas pour autant les nouveautés, elles ne sont pas là pour combler un manque d'inspiration. Au contraire, le thème principal de ce deuxième Mario est presque aussi culte que son prédécesseur ! Même l'écran de sélection des personnages nous offre un morceau délicieusement entraînant. Difficile aussi d'oublier le nouveau thème de fin, si émouvant par sa simplicité et sa justesse...
Dans l'ensemble c'est même la grande force de ce Super Mario Bros. 2, qui depuis 21 ans maintenant reste inoubliable. Son aîné nous embarquait pour une aventure incroyable en général, mais ce numéro 2 nous emporte vers des souvenirs précis et impérissables. Qui ne s'est jamais amusé à sauter hors de l'écran pour réapparaître de l'autre côté ? Qui a pu oublier l'apparition de Birdo, l'étrange dinosaure rose qui nous attend à la fin de chaque zone ? Qui a pu oublier les longues traversées à dos d'oiseaux, sur un tapis volant ou autres ? Qui a pu oublier la porte de fin de zone, en forme de tête d'aigle, et la surprise qu'elle nous réserve ? Qui a pu oublier Phanto, ce masque au sourire inquiétant qui se décroche du mur et nous poursuit à travers les donjons ? Mémorable est le maître mot pour qualifier cet épisode de la jeune saga Mario. Doki Doki Panic avait tout d'un très bon jeu, et Nintendo a eu tout à fait raison de s'appuyer dessus pour nous proposer cette nouvelle aventure de l'infatigable plombier et de ses amis. Finalement, Super Mario Bros. 2 occupe désormais une place dans l'histoire du petit monde des jeux vidéo, et a surtout sa place dans le cœur des joueurs que nous sommes.
- Graphismes16/20
En attendant un certain ''Super Mario Bros. 3'', la puissance de la NES n'est pas encore poussée jusque dans ses derniers retranchements. Mais impossible d'ignorer le cap franchi depuis le premier opus, avec notamment la possibilité d'explorer les niveaux dans tous les sens. Les couleurs sont toujours aussi chatoyantes et les environnements se permettent d'être encore plus variés. Pour l'époque, le monde des rêves où se déroule cette aventure est très crédible, et ce malgré l'origine controversée du jeu. Cet univers extérieur s'intègre finalement très bien à la série Mario, et de nombreux éléments (les fameux Maskass !) seront repris dans les jeux suivants.
- Jouabilité19/20
Radicalement différent, le gameplay de cet épisode n'en est pas moins excellent. Attraper puis lancer les items et autres ennemis devient vite une habitude et un plaisir. Malgré les seuls deux boutons de la manette NES, le nombre d'actions possibles est impressionnant, et ce grâce à un level design éblouissant d'ingéniosité. L'idée du Sub-Space est vraiment bien pensée, tandis que le système de portes et d'échelles permet de construire des niveaux très rafraîchissants. ''Super Mario Bros. 2'' est loin d'être aussi linéaire que son glorieux prédécesseur, avec des structures verticales et labyrinthiques étonnantes pour un jeu de plates-formes. Même les ennemis sont judicieusement utilisés, et il n'est pas rare de devoir s'en servir pour franchir piques ou précipices !
- Durée de vie14/20
Ce ''Mario'' est nettement moins tourné vers le score, mais il se rattrape en nous proposant quatre personnages jouables. Il laisse plus de place à l'exploration tout en conservant une certaine nervosité, notamment avec la possibilité de courir à toute vitesse et au mépris du danger. La première rencontre avec les 7 niveaux risque de faire des étincelles, car le titre offre tout de même quelques passages plutôt tendus. Cependant, une fois bien en main, et encore plus avec l'usage des passages secrets, le soft se termine assez rapidement. Comme son aîné, ''Super Mario Bros. 2'' fait partie de ces jeux prenants à la rejouabilité presque éternelle.
- Bande son19/20
La bande-son est d'une grande qualité, elle propose de nouveaux morceaux et s'inscrit sans souci dans la lignée des ''Mario''. Le passage depuis ''Doki Doki Panic'' ne s'est heureusement pas transformé en simple reprise du précédent opus, et les clins d'œil restent discrets et efficaces. Les musiques sont toujours peu nombreuses mais extrêmement réussies, toutes fidèles à l'atmosphère qu'elles accompagnent. En un mot, Koji Kondo a encore frappé.
- Scénario/
Attribuer une note fixe est ici mission impossible. Nous le savons encore mieux maintenant, la série ''Mario'' ne s'est jamais démarquée par son scénario. Passer à côté serait certes dommage, mais l'essentiel reste bien le gameplay et l'atmosphère onirique du titre. Pour autant, l'histoire proposée est très différente du jeu d'origine, elle n'est pas là par hasard. Sans nous noyer sous de longs dialogues et autres cinématiques, l'histoire peut vraiment nous émouvoir. Et face aux superproductions actuelles, difficile d'être insensible devant tant de pudeur et de simplicité.
L'aventure rocambolesque de Super Mario Bros. 2 continue encore aujourd'hui de nous étonner. L'histoire est à présent écrite, et comment en vouloir à Nintendo de nous offrir un tel jeu ? Si celui-ci est une arnaque, alors autant dire qu'il est l'arnaque la plus jouissive du jeu vidéo ! Le titre reprend beaucoup du très bon Doki Doki Panic et le peaufine encore davantage pour nous servir ce qui est devenu, tout simplement, un grand jeu. Ce deuxième Mario est une suite de rêve qui n'a pas à rougir de ses bizarreries par rapport à l'univers de la franchise. Bien au contraire, c'est aussi pour ces différences et cette fraîcheur que nous l'aimons toujours autant.