A l'image de Ripley, Isaac Clarke semble voué à affronter une menace venue d'ailleurs et ce jusqu'à son dernier souffle. En 2008, Visceral Games nous avait prouvé qu'on pouvait bel et bien nous entendre crier dans l'espace. Deux ans plus tard, le résultat est encore pire puisque les cris ont cédé leur place à des hurlements. Récit d'une aventure tétanisante aux confins du système solaire.
Le doute, la colère, la peur, la culpabilité. Tous ces sentiments habitèrent Isaac avant que le vide glacial de l'espace ne le happe pour l'offrir aux ténèbres échappées de l'Ishimura... Station de la Méduse, en orbite autour de Saturne, quelques années plus tard. Rescapé miraculeux d'un massacre sans nom, l'ingénieur muet revient à la vie et s'il récupère en passant l'usage de la parole, il n'en aura pas moins le souffle coupé en découvrant ce qui l'attend à nouveau. Vous l'aurez certainement compris, Isaac Clarke fait partie de ces héros maudits, de ceux qui vivent par la souffrance en cherchant désespérément un moyen d'en éliminer la cause. Malheureusement, avec des pères comme ceux de Visceral Games, l'homme ne semble pas près de trouver le repos mérité. Mais ne brûlons pas les étapes et revenons quelque temps en arrière. Il y a deux ans, Isaac réussissait à échapper à une horde de Nécromorphes en furie et à détruire le Monolithe, symbole d'une puissance extraterrestre millénaire enfouie au coeur de la planète Aegis VII auquel une horde de fanatiques avait voué allégeance. Ayant bravé l'indicible et obtenu le pardon de sa femme disparue, l'homme était parvenu à s'échapper de la planète même si le dernier plan de l'aventure laissait planer le doute sur un avenir bien incertain.
De ces événements, narrés dans une vidéo récapitulative pour ceux n'ayant pas osé faire le voyage aller, découlent directement ceux du second débouchant sur une introduction ne nous laissant pas une seule seconde de répit. Si nous ne vous en dirons pas plus histoire de ne pas vous gâcher la surprise, précisons néanmoins que cette entrée en matière n'est nullement le reflet qualitatif du scénario bien trop engoncé dans des poncifs de série B. De fait, il convient de bien distinguer les deux éléments que sont la mise en scène et le synopsis. Si le premier met dans le mille grâce à des séquences à couper le souffle, le second en revanche se révèle si minimaliste qu'on en serait presque gêné pour l'auteur. Pour autant, Visceral a essayé d'améliorer les choses en rendant Isaac plus humain et surtout plus réceptif en lui permettant d'interagir verbalement avec les rares personnes qui croiseront sa route. Cependant, aussi louables soient-elles, ces intentions tombent à l'eau et prêtent même à sourire surtout lorsque notre personnage sursaute à la vue d'un conduit d'air percé alors qu'il vient d'affronter les pires horreurs existantes.
Second degré ? Rien n'est moins sûr surtout lorsqu'on se rend compte que les rescapés rencontrés n'ont aucune épaisseur et qu'ils disparaîtront aussi vite qu'ils sont apparus. Du coup, difficile de s'attacher à eux et de ressentir de l'empathie pour Isaac qui devra une fois pour toutes faire le deuil de son passé en essayant d'aller de l'avant. Si la façon de l'y amener nous procurera dès lors de délectables montées d'adrénaline, le tout retombera comme un soufflet après une fin intéressante par certains côtés mais surtout expédiée en une poignée de secondes pour déboucher sur un dernier plan à l'attention des fans du premier opus et surtout un dialogue "Metal Gear Solidesque" post-générique de fin offrant quelques indices sur l'avenir de la série. Dommage donc que Visceral n'ait pas pris un peu plus de temps pour peaufiner l'aspect narratif d'autant qu'on y trouve encore plusieurs références cinématographiques et un environnement de jeu beaucoup plus vaste et varié que précédemment.
Eclectiques et nauséeux, les décors de Dead Space 2 se reposent à nouveau sur l'étonnante conclusion voulant qu'un lieu spacieux soit aussi effrayant qu'un couloir exigu, la façon d'amener l'angoisse étant différente pour un résultat similaire. D'ailleurs, il est appréciable de constater que malgré des doutes bien légitimes, l'équilibre entre action et effroi est à nouveau là exception faite des trois derniers chapitres optant un peu trop facilement pour une marche en avant forcée synonyme d'action non-stop. Ceci étant, les occasions de sursauter ne manqueront pas tout au long de l'aventure, entrecoupées par des instants de pure poésie macabre et des passages éprouvants pour les nerfs symbolisés par une quantité effarante de Nécromorphes à occire. Pas de panique cependant puisque vous aurez les moyens de vous défendre, votre arsenal d'antan étant agrémenté de quelques nouvelles pétoires à l'image du Lance-javelot, du Fusil chercheur ou du très utile Détonateur. Bien entendu, il conviendra toujours d'alterner entre les quatre armes que vous pourrez porter simultanément et votre pouvoir de stase afin de bloquer les ennemis les plus véloces. Retenez également que vous aurez la possibilité d'user de "bonbonnes" de stase disséminées ici et là pour retenir plus longtemps vos adversaires ou les projeter dans l'espace en détruisant certaines vitres. Une idée astucieuse dans le sens où le bestiaire, dépourvu de véritables boss, se voit lui aussi agrémenté de quelques nouvelles têtes dont des dérivés de raptors attaquant, à l'image de leurs lointains ancêtres, en bande organisée.
Vous aurez alors tôt fait de partir à la recherche des points de force et autres moyens de paiement pour customiser votre équipement, acheter des munitions ou porter la dernière armure à la mode. A ce sujet, précisons que Visceral a cette fois intégré davantage de modèles, l'esthétique des armures étant au moins aussi importante que le nombre de cases d'inventaire et les divers bonus offerts en prime. Mais pour faire vos emplettes, encore faudra-t-il trouver un stock. Ici, on regrettera une gestion moins bien optimisée que par le passé, les points de sauvegarde étant souvent éloignés des stocks. De fait, on devra souvent faire de grands allers-retours pour refaire le plein, si tant est qu'on nous en laisse le choix, ou tenter le diable et aller au combat en priant Dieu le père. On se demandera donc si cette façon de faire a été pensée pour corser la difficulté ou si c'est tout simplement dû à un manque de lucidité chez les développeurs. Quoi qu'il en soit, le challenge se révélera plus important que dans Dead Space et ce dès le mode Normal. Grisant d'autant qu'une fois l'aventure terminée, vous pourrez la reprendre dans un New Game + en conservant tout votre équipement et en choisissant un autre mode de difficulté, chose impossible dans le précédent opus. Nous vous laissons donc imaginer l'angoisse qui sera vôtre en Difficile, Fanatique ou bien encore en Fou Furieux où vous n'aurez droit qu'à trois sauvegardes !
Mais au-delà dudit challenge, on retiendra surtout de ce Dead Space 2 une progression bien mieux pensée, construite autour d'un meilleur agencement de séquences ou tout simplement de phases en Zéro G désormais plus libres. Sur ce point, rien à dire, c'est du grand art, le titre nous soumettant plusieurs passages voués à devenir cultes. Entre une "promenade" dans les méandres de la station infestée de Rôdeurs en passant par une séquence planante dans l'espace fief d'éclairages confinant au sublime, on aura du mal à rester de marbre devant une telle maestria visuelle. Mais au-delà de la forme, c'est également le plus apporté par ces passages, basés la plupart du temps sur la vitesse, les réflexes et une pincée de réflexion, qui finira de nous convaincre que le tout a réellement un intérêt au sein même de la construction du titre. Bien entendu, cela nous vaudra également des jeux de mise en scène effarants ou comment être projeté dans le vide intersidéral tel un boulet de canon pour éviter des débris de La Méduse avant de tomber comme une pierre dans un réduit pour atterrir dans l'enceinte du bâtiment en prenant une pose iconique renvoyant au statut super-héroïque d'Isaac. De fait, au-delà de la séquence tout simplement bluffante, et sans temps de chargement apparent, le tout est surtout le moyen de nous présenter Isaac tel un gladiateur du futur. L'homme a beau être plus fragile, il n'en reste pas moins celui par qui tout arrive et par qui tout doit se terminer.
D'ailleurs, on félicitera Visceral d'avoir une nouvelle fois privilégié le solo, véritable coeur du titre, au mode multijoueur fort sympathique mais sur le court terme. Il faut dire que pour l'heure, ces sessions entre 4V4 ne proposent pas de véritable mode de jeu à proprement parlé et seules cinq petites maps se battent en duel. Rageant d'autant qu'on imagine fort bien qu'EA proposera d'ici peu des DLC dédiés à ce mode qui ne demande qu'à s'affirmer. Pour l'heure, chaque partie vous permettra d'incarner un groupe d'ingénieurs puis, dans une seconde manche, un groupe de Nécromorphes. Chacune des maps demandera alors auxdits ingénieurs d'effectuer un objectif (actionner plusieurs ordinateurs pour utiliser des capsules de sauvetage, détruire un Monolithe, faire exploser une bombe...) tandis que les Nécromorphes devront simplement tenter d'éliminer leurs adversaires. On aurait d'ailleurs apprécié un meilleur équilibre entre les deux factions, les ingénieurs étant tout de même plus simples à prendre en main d'autant que ceux-ci bénéficient à chaque début de partie, et résurrection, d'une grande trousse de soin, d'une charge de stase, d'une mitraillette et d'un Cutter Plasma. A ce sujet, sachez qu'il sera possible de débloquer quatre autres armes et 16 skins d'armures (se limitant à des badges ou de nouvelles couleurs) en montant de niveau.
Idem pour les créatures qui verront leurs capacités d'attaque augmenter notamment. Précisons également que pour peu qu'on joue avec trois amis, il conviendra de former une équipe disparate en choisissant chacune des quatre créatures à disposition, ces dernières étant complémentaires. En effet, alors qu'il sera possible de sauter sur son adversaire avec La Meute, le Vomisseur, plus lent mais plus résistant, sera idéal pour attaquer au corps-à-corps ou immobiliser un ingénieur avec ses sucs gastriques, la visée étant tout de même moins précise. Enfin, le Rôdeur sera idéal pour se planquer en hauteur afin d'arroser l'ennemi pendant que le Cracheur se jettera à corps perdu en privilégiant l'attaque éclair. Notons enfin que les Nécromorphes seront aidés par des hordes de congénères dirigés par l'IA et qu'il sera possible de choisir l'endroit par lequel on désire arriver à chaque résurrection afin de surprendre l'adversaire. Marrant même s'il aurait été beaucoup plus drôle de pouvoir le faire en pleine partie afin d'user au mieux de la topographie des maps. Frustrant donc surtout que le level design des cartes est bien pensé, celles-ci étant d'une bonne taille et permettant de surprendre l'ennemi assez facilement.
Vous aurez donc compris que le multijoueur, fils illégitime de Left for Dead, ne manque pas d'ambition mais pour l'heure, le tout reste trop anecdotique pour concurrencer le solo. On ne s'en plaindra pas pour être franc tant la franchise semble avoir encore à nous offrir. Puisant directement à la source du 7ème art horrifique pour en retirer la substantifique moelle, Visceral Games nous prouve à nouveau son talent lorsqu'il s'agit de concevoir un produit hybride ne se bornant pas à singer bêtement ses modèles cinématographiques. Au lieu de ça, les développeurs américains ont permis à leur bébé de grandir en lui offrant un souffle épique confortablement lové entre des fragrances de stress et des effluves de peur. Il y a fort à parier que le résultat ne convienne pas à tout le monde mais il serait hypocrite de nier son incontestable réussite permettant en seulement deux épisodes de propulser l'épopée d'Isaac en tant que fer de lance d'un genre bien défini. Il n'en fallait pas moins pour sonder à nouveau l'espace infini en espérant recevoir très prochainement un nouveau signal de Visceral.
- Graphismes18/20
Le fantastique rendu visuel du premier opus ayant servi de charpente à Dead Space 2, le résultat ne pouvait qu'être macabrement exceptionnel. Ainsi, difficile de ne pas écarquiller les yeux face à cet amoncellement de plans donnant le tournis, d'une sortie dans un espace fantomatique à la découverte de l'antre d'une secte dont l'architecture n'est que le reflet de délires fanatiques. Beaucoup plus varié que le précédent volet, Dead Space 2 subjugue et fascine grâce à un bestiaire cagneux et des environnements à la beauté difforme.
- Jouabilité17/20
Si dans l'absolu Visceral Games n'a pas vraiment amélioré certains points perfectibles du premier opus (principalement liés à la vitesse et la souplesse de déplacement d'Isaac), les développeurs ont néanmoins rajouté plusieurs éléments. On saluera ainsi les phases en Zéro G beaucoup plus libres et extrêmement bien amenées tout au long de l'aventure. L'évolution des armes reste toujours aussi convaincante et on sera ravi de découvrir quelques nouveaux jouets et davantage d'armures.
- Durée de vie15/20
Plus difficile que son aîné, Dead Space 2 vous demandera une dizaine d'heures pour être bouclé en Normal. Notons également que si la gestion des stocks et des points de sauvegarde semble plus maladroite que précédemment, de nombreux checkpoints et un véritable New Game + vous éviteront de vous arracher la tête dans les plus hauts niveaux de difficulté. Enfin, le mode multijoueur, très sympa mais sur le court terme, vous permettra de profiter du titre quelques heures de plus via ses 5 petites maps. La cerise sur le gâteau comme on dit.
- Bande son20/20
Digne héritier de celui de Dead Space, le score symphonique de Dead Space 2 est d'une justesse frôlant l'insolence. Sachant toujours se mettre en retrait pour laisser les bruitages et l'excellent doublage français prendre le relais, les thèmes se montrent d'une sidérante homogénéité. A la fois flippante et rythmée, la bande-son nous prend la main pour mieux nous jeter dans une ambiance oppressante dont le climax final vous retournera comme un fétu de paille.
- Scénario10/20
Alors que les cinéphiles se feront à nouveau plaisir en cherchant toutes les références au cinéma de genre, on ne pourra qu'être déçu par le scénario dans sa globalité. Dommage d'autant que la mise en scène recèle certaines des séquences les plus impressionnantes jamais vues dans un jeu vidéo. On appréciera également le fait qu'Isaac parle et soit plus réceptif à ce qui l'entoure. Malheureusement, malgré ces efforts (et ce jusqu'au dialogue post générique de fin), l'histoire est d'une confondante banalité, les personnages rencontrés n'ayant aucune épaisseur et ne servant qu'à lier les séquences entre elles jusqu'à un final référentiel mais expédié en quelques secondes.
Troquant son originalité au profit d'une aventure plus variée, Dead Space 2 synthétise à nouveau les désirs les plus fous nés de la rencontre du cinéma fantastique et du survival-horror. Si on lui reprochera un scénario baclé, une dernière ligne droite trop orientée "action", un multi 1.0 et, éventuellement, une absence de boss, comment ne pas encenser ce titre multipliant d'instinct les scènes cultes. Tour à tour, terrifiant, posé et fonceur, Dead Space 2 se savoure sur la longueur tant la découverte de cette station fantôme titille notre curiosité morbide. Cumulant à nouveau une bande-son tout simplement parfaite, une aventure équilibrée et de multiples clins d'oeil à destination des fans, l'oeuvre de Visceral fait montre une fois encore d'un beau paradoxe en amenant le plaisir né de l'effroi. Jamais cauchemar n'aura été aussi savoureux...