“C'est bizarre... Il m'arrive parfois d'être incapable de me rappeler de mes rêves, alors que je suis sûr de les avoir vus. Où vont donc ces rêves ? Mais il y a un rêve dont je me souviens comme si je le voyais défiler devant mes yeux...” nous confie un bien mystérieux narrateur dès le début de Klonoa : Door To Phantomile. Ce jeu de plates-formes est sorti en 1998 sur PlayStation, mais certains ont pu le découvrir plus récemment à l'occasion de la version Wii. Pour l'heure revenons à l'original, et suivons l'aventure de Klonoa notre héros aux longues oreilles.
Cette aventure est en apparence très conventionnelle : Klonoa se lie d'amitié avec Huepow, une petite boule bleue toute mignonne tombée du ciel. L'improbable duo découvre peu à peu que des évènements louches sont orchestrés par l'inquiétant Ghadius, Esprit des Ténèbres, et son sbire Joka. Klonoa et Huepow vont alors s'opposer à eux et rencontreront de nombreux personnages sympathiques au fil de leur quête. En fait, le scénario est plus intéressant qu'une simple histoire de gentils et de méchants. Il ose même quelques retournements pas forcément destinés aux plus jeunes. Tantôt touchant tantôt drôle, le scénario, l'un des points forts du jeu, se révèle lentement mais sûrement. L'histoire est racontée dans des dialogues simples qui empruntent un langage inventé : le Phantomile. Celui-ci est évidemment sous-titré, même si malheureusement quelques erreurs grossières subsistent en passant de l'anglais au français. L'idée du langage inventé aurait pu tomber dans le grand n'importe quoi et ruiner l'ambiance du titre, mais ce n'est heureusement pas le cas. Les voix sont touchantes et amusantes (ou délicieusement agaçantes pour Joka...), elles passent très bien dans l'univers de Klonoa.
Grâce à la bague de son nouvel ami Huepow, Klonoa est capable de capturer ses ennemis, un peu à la manière du premier Kirby. C'est grâce à ce pouvoir que notre duo va affronter les différents niveaux. Une fois l'ennemi brandi au-dessus de sa tête, Klonoa peut l'envoyer dans plusieurs directions : sur les côtés, en dessous, ou... dans les profondeurs. Car Klonoa : Door To Phantomile est un jeu en 2,5D, une sorte de compromis entre trois et deux dimensions. Concrètement, les décors sont en 3D mais les déplacements restent coincés sur un chemin à suivre comme en 2D. Du coup l'exploration semble limitée, mais ce jeu propose une 2,5D audacieuse où il est possible d'interagir avec l'avant ou l'arrière-plan. Cette idée permet de croiser encore plus gameplay et level design, ce qui nous offre de nouvelles possibilités. Sans citer toutes les applications possibles, Klonoa pourra par exemple balancer un ennemi sur un élément du décor, qui libérera alors un bonus ou activera un mécanisme. Mais ce n'est pas tout ! Lorsque Klonoa projette l'ennemi en dessous de lui, cela lui permet d'effectuer un double saut. Celui-ci est bien pratique, mais comme il faut un ennemi pour s'en servir, il est impossible d'en abuser. Quand il sera nécessaire d'enchaîner les doubles sauts, il faudra choper le bon timing pour saisir les ennemis au vol et progresser dans ces passages de bonne vieille plates-formes. Enfin, Klonoa est aussi capable de planer sur une très courte distance grâce à ses longues oreilles. Mais là encore, pas d'abus possible, car il ne peut pas planer et porter un ennemi en même temps. Côté maniabilité, toutes ces actions sont vraiment faciles à prendre en main. De petites épreuves intégrées dans les premiers niveaux obligent le joueur à s'entraîner, sans que cela devienne pénible. Seul petit défaut à relever, la tendance de Klonoa à glisser quand il retombe après un saut. L'effet est cependant très léger et reste un souci mineur face à autant d'ingéniosité.
Au niveau des graphismes, le soft n'est par contre pas aussi parfait. Il est même parfois limite sur le plan technique, avec des décors et certains des personnages qui pixellisent (en particulier pendant les scènes de dialogues). Mais dans l'ensemble il n'y a pas non plus de quoi crier au scandale et le jeu s'en tire assez bien. Artistiquement il se montre même souvent enchanteur, bien que la plupart des arrière-plans soient un peu pauvres. La qualité des graphismes n'empêche pas Klonoa de dégager une atmosphère forte et étonnamment variée. Si le titre semble s'adresser à un jeune public avec un ton enjoué et joyeux, il n'évite pas pour autant les ambiances plus tragiques voire effrayantes. Et cette variété est tout à fait appropriée puisque nous évoluons dans le domaine des rêves et des cauchemars. Nos héros se baladent et nous emportent entre feuilles d'arbres gigantesques, ruines hantées ou encore temple sacré, avec des choix de couleurs simples mais toujours justes. Enfin, l'une des forces de Klonoa est tout simplement de savoir durer sur la longueur : l'atmosphère s'essouffle rarement, elle parvient à se maintenir à un très bon niveau tout au long du jeu. Evidemment tout n'est pas égal, mais les quelques baisses de régime ne pèsent pas lourd face à la majorité des très bons niveaux.
De plus, la bande-son est aussi là pour renforcer l'atmosphère onirique du jeu. Une tâche qu'elle remplit à merveille en nous servant des musiques et des bruitages d'excellente facture, en plus des voix dont nous parlions plus haut. Par rapport aux graphismes et aux ambiances, chaque thème est bien dans la note voulue. Parfois, même le silence est utilisé de façon judicieuse ! Petite faiblesse par contre pendant les dialogues où la musique se fait plus discrète, mais ce n'est pas très grave. Globalement la bande-son reste très réussie du début jusqu'à la fin. D'ailleurs les thèmes de fin sont particulièrement envoûtants, ils sont à la fois magiques et dramatiques, ce qui colle bien pour illustrer l'assaut final de nos deux héros. Enfin, mention spéciale au thème de l'un des personnages secondaires (que nous vous laissons découvrir par vous-même), avec ces quelques superbes notes de harpe qui accompagnent chacune de ses apparitions...
Malheureusement toutes ces qualités nous font regretter une chose : que le jeu ne dure pas plus longtemps. La faible durée de vie est en effet le seul gros point noir du titre. Il y a six niveaux (appelés "visions") divisés en deux parties, auxquels s'ajoutent le boss final et un niveau Extra à débloquer. Mais la difficulté est presque inexistante, et pour allonger la durée de vie il aurait fallu corser un peu l'aventure, voire proposer plus de niveaux. Les boss sont certes très originaux mais à vrai dire, seul l'avant-dernier donne du fil à retordre. Tout au mieux, les plus curieux fouilleront chaque endroit bonus pour scorer leur nombre de cristaux ramassés. Ces coins remplis de bonus sont un peu moins évidents à atteindre puisqu'il faut bien repérer quel ennemi est utile pour y accéder. On y trouve souvent des habitants à libérer (douze par vision) qui permettent finalement de débloquer la vision extra. Celle-ci a le mérite de proposer un challenge un poil plus élevé et d'enregistrer le chrono du joueur, intéressant pour les plus acharnés souhaitant réaliser le parcours parfait. Malgré ces quelques éléments, un peu d'observation suffit pour boucler le jeu en quelques heures. Klonoa nous laisse donc sur une excellente impression, mais aussi sur notre faim !
- Graphismes15/20
Sans être des plus fins, l'aspect graphique du titre parvient sans peine à faire souffler le vent du rêve tout au long de l'aventure. Certains décors somptueux tels que les ruines, le Royaume Lune, ou même le combat contre Ghadius, nous transportent dans l'univers de ''Klonoa''. La structure entre 2D et 3D fait astucieusement se croiser plans et profondeurs, en particulier lors de mémorables affrontements contre certains boss.
- Jouabilité17/20
Dans l'ensemble, la maniabilité se tient à un très bon niveau, et seuls quelques-uns reprocheront la rare tendance du personnage à glisser en atterrissant sur une plate-forme. De plus avec un peu de réflexe, planer permet de se rattraper in extremis. Le duo formé par Klonoa & Huepow nous offre des possibilités en elles-mêmes peu nombreuses, mais qui deviennent riches grâce à l'intelligence du level design. La conception d'ennemis variés (bondissants, géants, en armure, etc.) est également de mise, le joueur devant s'adapter à chacun d'entre eux.
- Durée de vie9/20
Malgré la complexité de certains passages et mécanismes, le titre n'offre pas plus de quelques heures de jeu de par sa facilité globale et son faible nombre de niveaux. Les perfectionnistes pousseront jusqu'à récolter chaque cristal et améliorer leur temps à la vision extra. Mais en général, être un tant soit peu attentif suffit à terminer le jeu et même à débloquer ladite vision supplémentaire. Dommage aussi que les boss, pourtant parfois grandioses, soient la plupart du temps si faciles à défaire. Donc un magnifique rêve certes, mais un bien court rêve hélas.
- Bande son17/20
Tout simplement réussie, la bande-son soutient de façon efficace et variée chaque moment du jeu. Les thèmes joués lors des séquences dialoguées ou des cinématiques ne resteront pas gravés dans les mémoires, mais demeurent très corrects. Les bruitages et les dialogues s'en tirent très bien eux aussi, tantôt informatifs et discrets, tantôt mignons et enjoués, etc.
- Scénario15/20
Souvent délaissé par le jeu de plates-formes, le scénario se révèle ici très présent et plus complexe qu'il n'y paraît, tournant autour du rêve, du destin, de l'amitié. Sans être envahissant - les plus impatients pourront toujours zapper les cinématiques - l'histoire de Fantasm'île (''Phantomile''), du mignon Huepow et du jeune Klonoa parvient à toucher et surprendre petits ou grands joueurs.
Doté d'un univers unique dédié au rêve, Klonoa : Door To Phantomile nous fait voyager nous-mêmes à travers un jeu de rêve, court mais bien pensé. Sans prétendre bouleverser les codes du genre, le jeu nous propose une audacieuse combinaison de gameplay entre 3D et 2D, soutenue par des dimensions techniques et artistiques assez solides. A tout cela s'ajoute la bonne surprise d'un scénario qui renforce encore l'âme de cet univers simple et magique.