Longtemps considéré comme le quatrième opus de la série des Seiken Densetsu, Legend of Mana est en réalité le spin-off d'un spin-off. Fait de rêves et de couleurs, ce jeu étrange reste pour de nombreux joueurs un souvenir inoubliable, jamais renouvelé, d'aventures rafraîchissantes dans un pays merveilleux. Bienvenue dans une contrée où l'imagination fait loi...
Petit rappel des faits : en 1991, face à la menace que représente Zelda sur les terres pleines de magie du RPG, Squaresoft, l'un des grands leaders japonais du genre, décide d'inventer sa propre série d'A-RPG, soit un jeu de rôle avec un gameplay plutôt orienté vers l'action. C'est en 1991 que sort Seiken Densetsu : Final Fantasy Gaiden sur Gameboy, connu sous le nom de Mystic Quest en Europe. Ce premier épisode - dérivé de la licence phare de la firme Final Fantasy - constituera le premier contact avec le jeu de rôle made in Japan pour beaucoup de joueurs européens. Deux ans plus tard, Squaresoft remet le couvert sur Super Nintendo avec Seiken Densetsu 2 : Secret of Mana. De cette aventure épique et saluée unanimement, le joueur retiendra surtout un parfum d'été sans fin, au milieu d'un univers coloré et bucolique. Le troisième volet de la série n'atteignant jamais les Etats-Unis, c'est 6 ans plus tard, grâce au quatrième épisode Seiken Densetsu : Legend of Mana (en réalité un spin-off) que les joueurs anglophones pourront enfin retrouver les contrées oniriques et merveilleuses de cette fantastique série. Dès lors, la question se pose à tous les amateurs d'aventure pastorale et de magie colorée : ce nouvel épisode parvient-il à se hisser au niveau de son prestigieux aîné ? La réponse s'avère plus complexe que prévu... et le jeu particulièrement dépaysant.
Pour commencer, vous choisissez votre personnage, garçon ou fille, ainsi que son nom et son arme de prédilection. Après une carte du monde plus subtile qu'il n'y paraît, vous vous retrouvez dans une chaumière bien chaude, très justement nommée « Home ». A priori, tout va bien : un feu crépite dans la cheminée, une douce journée, calme, pleine de promesses... On se demande vite quel subterfuge machiavélique va jaillir des cerveaux malades de Squaresoft pour vous pousser à quitter ce foyer vers la route de l'aventure. Et c'est ici que Legend of Mana commence à affirmer qu'il n'est pas un jeu comme les autres. De subterfuge, précisément, il n'y en a pas. Ici, pas de princesse à sauver, pas de grand méchant menaçant de détruire le monde, pas de situation initiale bouleversée par un évènement perturbateur. Un Sproutling - une sorte de chou-fleur bipède - vous explique que l'imagination est à la base de Fa'Diel, l'univers dans lequel vous vous trouvez, et qu'il suffit de laisser courir vos pensées pour donner naissance à des villes entières. Et pour vous le prouver, ce Sproutling vous remet votre premier artefact.
Retour à la carte du monde : pour l'instant elle est vide, hormis votre foyer. Grâce aux artefacts que vous glanerez au fur et à mesure des quêtes que vous accomplirez, l'univers s'étendra. A chaque artefact correspond un nouveau lieu que vous pourrez placer librement sur la carte. Le choix que vous ferez influencera la force des monstres que vous devrez affronter ainsi que les quêtes qui vous seront proposées. Le jeu ne vous indiquera jamais où vous devez vous rendre, où poser vos artefacts, ou avec qui parler. Pas de scénario à proprement parler, mais plutôt une multitude de petites histoires qui s'entremêleront parfois pour former un univers. C'est à vous de créer votre propre scénario et d'aller à la rencontre de tout ce que propose l'univers de Fa'Diel. Très déroutant pour les joueurs habitués à suivre une aventure linéaire, cette approche favorise la curiosité et la possibilité de refaire le jeu plusieurs fois pour en découvrir toutes les histoires. Au détriment, malheureusement, du caractère épique qui avait fait le succès de la série...
Vous voici donc en possession de votre premier artefact. Une fois placé sur la carte, celui-ci dévoile la première ville de votre univers : Dominia, dont les graphismes renverront la plupart des titres PSX au grenier. Intégralement en 2D, Legend of Mana vous plonge dans de véritables tableaux colorés et stylés. La grande force visuelle du jeu provient du parti pris esthétique développé tout au long des 27 lieux disponibles. Chacun possède une identité propre, mais le tout révèle une cohésion artistique indéniable. Une atmosphère bien particulière, à la fois fraîche et chaleureuse se dégage du soft, ce qui lui permet de passer les années sans avoir à rougir devant les productions modernes. C'est aussi dans cette première ville qu'on découvrira l'importance d'une solide maîtrise de la langue anglaise pour apprécier toute la subtilité du jeu. Un grand soin a été apporté aux dialogues qui participent à l'ambiance générale. On y suivra les envolées amoureuses d'un poète un peu volage, les déboires d'un capitaine pingouin ou encore les aventures maudites d'un chevalier dragon. Le tout dans une prose littéraire pleine d'humour et d'onirisme.
Passé Dominia, le joueur se verra confronté à ses premiers combats. Le système diffère ici de celui de Secret of Mana en délaissant le type Zelda pour s'approcher de ce que pourrait donner un Chrono Trigger saupoudré de beat'em all. Les ennemis sont visibles sur la carte et le jeu passe en mode Combat quand vous vous approchez d'eux. La suite se déroule en temps réel, chaque touche correspondant à une action que vous aurez choisie au préalable. On retrouvera donc les classiques coups faibles/coups forts du beat'em all agrémentés de nombreuses magies et coups spéciaux. Ce système de combat, bien qu'intuitif et dynamique, révèle l'un des gros points faibles du jeu : une facilité qui vexera même les joueurs les plus novices dans le genre. Mal dosé, il suffit souvent de tapoter frénétiquement sur la touche X pour venir à bout de tout ce qui se dresse devant vous. Heureusement, le jeu propose un mode New Game + et un mode Nightmare qui permettront aux joueurs persévérants d'accéder à un défi plus corsé.
Au cours de l'aventure, vous serez bien sûr rejoint par de nombreux compagnons rencontrés lors de vos quêtes, de golems que vous créerez vous-même grâce aux pièces de votre équipement ou d'animaux que vous aurez élevés dans votre enclos. Votre foyer s'enrichira tout au long de l'aventure de diverses annexes qui vous permettront de construire, élever et faire pousser toutes sortes de compagnons ou choses diverses fortement utiles. Le jeu propose une quantité importante de quêtes, d'armes, de pouvoirs et des mini-jeux qui donnent une dimension « bac-à-sable » non négligeable et augmentent considérablement la durée de vie. Celle-ci atteint facilement les 40 heures pour voir la fin du jeu, mais des centaines d'heures de plus pour apprécier tout ce que Fa'Diel peut offrir. Ajoutez à cela la possibilité de parcourir le jeu à deux, et c'est une nouvelle dimension qui s'offre à vous.
Tous ces éléments font de Legend of Mana une aventure unique en son genre, pleine de parti pris, qu'il s'agisse de son gameplay ou de son univers artistique. Si certains pourraient être déconcertés par son scénario ouvert, son absence de challenge ou une intelligence artificielle un peu capricieuse, les autres seront séduits par son concept novateur et la fraîcheur qui se dégage de son univers poétique. Autant, si ce n'est plus, que son aîné, l'ambiance que dispense le jeu au cours de ses innombrables scenarii provoque une envie d'y revenir régulièrement, surtout quand le temps passe au gris et que l'absence de contrées plus vertes se fait sentir...
- Graphismes19/20
Véritable point fort du jeu, les graphismes de Legend of Mana sont à la fois inspirés et maîtrisés. Grâce à sa réalisation intégralement en 2D, le jeu ne prend pas une ride avec le temps et c'est avec le même plaisir qu'on explore l'univers coloré de Fa'Diel et qu'on combat ses gigantesques boss dans un déluges d'effets visuels et de détails.
- Jouabilité14/20
C'est ici que le bât blesse. Même si le système de combat comporte quelques bonnes idées, le tout est très mal dosé et l'on se retrouve souvent à marteler la manette pour vaincre les ennemis les plus coriaces. Quand on ne tape pas tout simplement dans le vide... Les alliés que vous rencontrerez ne seront pas d'un grand secours, étant donné la lenteur avec laquelle ils parviennent à trouver les ennemis.
- Durée de vie18/20
Comptez facilement 40 heures pour voir la fin du jeu, même si la durée de vie est difficile à évaluer. Le scénario ouvert de Legend of Mana fait de chaque partie une expérience unique, et donc une expérience rejouable, ce qui multiplie énormément la durée de vie du soft.
- Bande son18/20
Yoko Shimomura, créatrice de la musique de Street Fighter II, signe avec Legend of Mana une de ses plus belles partitions. Les ambiances collent parfaitement au jeu et sont aussi variées et cohérentes que peuvent l'être les graphismes.
- Scénario17/20
Attention : Legend of Mana ne propose pas réellement de scénario comme peuvent le faire un Final Fantasy ou un Zelda. L'univers est découpé en une multitude de petites histoires qui parfois se rejoignent, parfois pas. On saluera une prise de risque rarement renouvelé dans un A-RPG et qui reste cohérente avec le thème du jeu : l'imagination.
Legend of Mana corrige-t-il ses grandes qualités par de grands défauts, ou est-ce l'inverse ? Difficile de trancher. Toujours est-il que le jeu reste une expérience unique, originale et onirique, malgré quelques ombres qui viennent ternir le tableau. C'est en tout cas un jeu hautement recommandable aux amateurs de contes de fées, de graphismes soignés et de gameplay inventif.