Comme son nom ne l'indique absolument pas, Mystic Defender est la suite de Spellcaster, un jeu d'action teinté de phases d'aventure textuelle qui avait fait les beaux jours de la Master System. Laissant de côté le goût pour la mise en scène et la trame scénaristique si chère à son prédécesseur, cette suite se présente sous la forme d'un jeu d'action pur et dur comme Sega en a le secret. Devant la pléthore de titres du genre qui inondent la ludothèque de la Megadrive, nous sommes en droit de nous demander où vient se situer Mystic Defender. Caracole-t-il au sommet de son art en compagnie de Shinobi ou Gunstar Heroes, ou au contraire, se morfond-il au fond d'un gouffre de médiocrité ? Que le verdict tombe !
Avant de rentrer dans le vif du sujet, il n'est pas anodin de souligner que Mystic Defender est à l'origine basé sur Kujaku-O, un manga publié au pays du Soleil-Levant à la fin des années 80. En bref, il est caractérisé par une histoire largement imprégnée de mythologie nippone et surtout, d'une ambiance glauque à souhait où les sciences occultes jouent un rôle prépondérant. Les producteurs ont sans doute dû penser que les joueurs européens n'étaient pas prêts à accueillir un jeu aussi dépaysant car, lors de sa localisation en Europe, le titre fera l'objet d'une censure virulente. Les mythes, les légendes, les dieux et leurs accès de fureur, tout cela est passé à la trappe. On se retrouve au bout du compte face à une intrigue totalement remodelée pour coller à nos habitudes et à notre culture occidentales. C'est donc ainsi que Joe le magicien (difficile de trouver un nom occidental plus banal) part à la rescousse d'Alexandra, la fille d'une déesse qui a été kidnappée pour être sacrifiée à une mystérieuse force des ténèbres répondant au nom de Zao. Cette fois c'est certain, ce scénario simpliste et sans saveur ne risque pas de mettre le cerveau des petits Européens en ébullition.
Voilà un premier point noir qui ne devrait déranger que les puristes puisque dans ce genre de jeux, l'histoire n'influe pas le moins du monde sur le déroulement de la partie. Le problème est que le phénomène de censure ne s'est pas arrêté là et a été appliqué au design général du jeu. Fini le sang qui dégouline sur les murs ou les cadavres qui pendent à gauche à droite. Le vice a été poussé jusque dans la tenue du héros : celui-ci a troqué son kimono traditionnel contre une tenue plus conventionnelle et passe-partout. Que les plus sadiques d'entre vous se rassurent tout de même, le soft baigne encore allègrement dans une atmosphère malsaine et pesante. Vous traverserez par exemple une sombre forêt, un manoir hanté ou encore ce drôle de niveau où les murs sont recouverts d'une étrange substance visqueuse et organique. Les ennemis ne sont pas en reste non plus. Les têtes de mutants qui poussent sur les murs, les moines qui se transforment en crânes géants et qui dévalent les escaliers ou encore les horribles bébés qui explosent en une bouillie innommable pourraient sortir du pire de vos cauchemars.
Heureusement, et c'est bien là le plus important, le gameplay et la construction des niveaux n'ont pas été modifiés. Ce cher Joe va donc devoir traverser huit niveaux dans lesquels les hordes d'adversaires sortiront de partout à la vitesse de l'éclair et où les imposants boss et avant boss seront bien déterminés à le réduire en chair à pâté. Mais rassurez-vous, notre héros a plus d'un tour dans son sac. En fait, le bougre est un magicien chevronné et maîtrise trois sorts différents aux effets dévastateurs. Il y a d'abord les boules de feu dont la cadence de tir impressionnante devra être utilisée au mieux pour progresser. Un ennemi tombe d'un arbre et vous lance un shuriken, à peine avez-vous le temps de l'esquiver en sautant que deux autres adversaires apparaissent dans votre dos et vous foncent dessus ! Vous l'avez compris, le rythme du jeu est effréné (on a même parfois l'impression de jouer à un shoot'em up) et vos réflexes seront vos meilleurs alliés. Il est aussi possible de charger le coup pour augmenter sa puissance et terrasser le plus résistant des monstres.
La prochaine magie consiste à lancer quatre boules d'énergie dans chaque coin de l'écran. Ces dernières, bien que moins puissantes, rebondissent à chaque obstacle rencontré et permettent donc de faire mouche même si vos opposants sont à première vue hors de portée ou encore s'ils vous encerclent. Le dernier pouvoir, mais pas des moindres, est le lance-flammes. Certes, il n'a une portée d'attaque que de quelques mètres à peine mais c'est la magie la plus puissante. Sa véritable originalité réside dans le fait qu'une fois enclenché, il est à la fois possible de modifier l'inclinaison du jet mais surtout, le héros peut continuer à se déplacer normalement tout en l'utilisant. Cette aptitude sera d'ailleurs indispensable dans certains passages très ardus où il faudra sauter de plate-forme en plate-forme alors que des vagues d'ennemis vous assailliront. On notera finalement que ces deux dernières magies ne peuvent être exécutées qu'en les chargeant. Cela peut prendre un certain temps mais heureusement des items peuvent accélérer le temps de préparation et les attaques sortiront de façon presque instantanée. A chaque perte de vie, tous les bonus récoltés retombent à zéro… ce qui peut vous mettre dans des situations délicates…
Les niveaux, bien que diablement rythmés, sont dans l'ensemble très courts et se traversent vite pour peu que l'on joue correctement. Les concepteurs ont mis au point un level design assez particulier pour pallier ce défaut. Il y a en effet de nombreuses phases de plates-formes où pour chaque chute, le héros retombe plus en arrière dans le niveau tandis les ennemis seront réapparus. S'il fallait émettre encore deux petites réserves, on dirait d'abord que le personnage bouge et saute vite mais que la précision n'est pas toujours au rendez-vous. Il n'est donc pas rare de percuter un obstacle alors qu'on savait pertinemment où il était. Deuxièmement, le pouvoir du lance-flammes est tellement efficace et pratique que les autres magies font pâle figure à côté de lui.
- Graphismes14/20
Mystic Defender est un des premiers jeux de la Megadrive et malheureusement, ça se voit. Ce qui frappe immédiatement est la pixellisation à outrance et surtout le manque flagrant de détails qui composent les paysages et les personnages. Le héros n'a par exemple pas de nez, pas d'yeux et pas de bouche… on a vu mieux. D'un autre côté, pas le moindre ralentissement ne vient perturber le rythme effréné du jeu et de nombreux sprites sont souvent affichés simultanément. Le côté lugubre et malsain du jeu est également bien rendu et les animations sont plutôt réussies.
- Jouabilité16/20
Amateurs d'action effrénée, vous allez être servis comme des rois ! Le jeu est vraiment très rapide, les commandes sont instinctives et surtout, on éprouve un plaisir indescriptible à arpenter les niveaux pour shooter tout ce qui bouge. Le level design est également inspiré même si les phases de plates-formes à proprement parler ne sont pas d'une précision sans faille. Les différentes magies à votre disposition rajoutent de la profondeur au gameplay et chaque passage peut ainsi être abordé de différentes façons.
- Durée de vie13/20
Il faut croire qu'au début des années 90, c'est le chiffre « huit » qui était à l'honneur puisque c'est précisément le nombre de niveaux que proposaient la plupart des jeux. Mystic Defender ne déroge pas à la règle et rentre donc dans le moyenne même s'il faut préciser que les stages sont courts et se traversent rapidement pour peu que l'on utilise la grande vitesse de déplacement du héros à bon escient. Dans son ensemble, le soft est plutôt difficile et il faudra reprendre à zéro à maintes reprises, quitte à retenir des passages par cœur, pour voir enfin le bout du tunnel.
- Bande son14/20
On discerne immédiatement la volonté des développeurs de composer des mélodies sombres, malsaines et démoniaques de façon à coller à l'univers inquiétant et pesant du jeu. Le pari est réussi et le joueur est ainsi entraîné malgré lui dans les méandres de ce monde imaginaire. Les musiques ne sont pas pour autant inoubliables et ne vous hanteront pas jusqu'à la fin de vos jours. Les bruitages sont quant à eux bruts de décoffrage et témoignent de cette façon de la violence des actions qui se déroulent à l'écran.
- Scénario/
Lors de sa localisation en Europe, le scénario empreint de mythologie japonaise a été occidentalisé pour finalement ne présenter aucun intérêt. Ce n'est pas vraiment un souci dans la mesure où il s'agit d'un jeu d'action dans lequel seul le fun est mis à l'honneur.
Bingo ! Encore un bon jeu d'action/plates-formes sur Megadrive ! Décidément, personne ne pourra nier que cette machine est une véritable caverne d'Ali Baba pour tous les aficionados d'action en manque d'un nouveau challenge. Bien sûr, les plus grognons avanceront que le jeu a, visuellement parlant, pris un sacré coup de vieux et ils n'auront pas tort : les graphismes sont pauvres et souffrent d'un manque flagrant de détails et de variété. Ce qui permet cependant à Mystic Defender de sortir du lot, c'est son gameplay à la fois simple et profond qui procure un plaisir immédiat. Le jeu ne parvient tout de même pas à faire trembler les ténors du genre comme Gunstar Heroes mais on ne peut pas vraiment lui en vouloir. Mystic Defender est un distributeur inconditionnel de fun condensé et c'est bien là l'essentiel.